Grandes cultures
La production de semences également pénalisée par le climat
Les cultures de vente ne sont pas les seules à avoir souffert des aléas climatiques. En production de semences aussi, les semis ont été décalés, les récoltes perturbées et les volumes affectés. Pourtant, la France ne devrait pas manquer de semences.
Dans la plupart des bassins de production de semences, notamment sur la façade atlantique et dans le Sud-Ouest de la France, les semis ont été très compliqués. Perturbés par les pluies à répétition, les chantiers ont pris du retard. En juin, l’inquiétude était palpable au sein de la filière semence. « Les cultures ont manqué de rayonnement et la fécondation ne s’est pas déroulée dans de bonnes conditions. Le potentiel ne semblait pas là, confirme Thomas Bourgeois, président de la Fnams (agriculteurs multiplicateurs de semences). Craignant un fort recul de la production, nous avons donc alerté Soc-France (Semae, interprofession, ndlr) pour demander une dérogation, à titre conservatoire. L’objectif : pouvoir commercialiser des semences de deuxième génération, dites R2, à condition bien sûr qu’elles satisfassent tous les critères de qualité des R1. »
Redoubler d’efforts pour le tri
Dès le 10 juillet, des parcelles d’orge et de blé tendre ont donc été identifiées et contrôlées par Soc-France. « Nous avons regardé leur éligibilité à être commercialisées en tant que semences certifiées dès cette année, explique Anne-Laure Fondeur, directrice de la qualité et contrôle officiel au sein de Semae. Ces parcelles ont été récoltées et mises de côté, au cas où. En effet, si, pour une variété donnée, à l’automne prochain, le stock de R1 est épuisé, alors les semenciers pourront commercialiser des R2, et ainsi répondre aux besoins des agriculteurs. En orge, nous sommes quasiment sûrs qu’il faudra puiser dans ce stock. En blé, tout dépendra de la demande pour chaque variété. » Quant à la qualité, les stations de semences ont dû redoubler d’effort pour nettoyer et trier les lots : pas de grains germés mais une présence quasi systématique d’ergot, due notamment à des difficultés de désherbage.
Du retard dans les prises de commande
Les jours à venir s’annoncent donc déterminants, d’autant que le retard vaut aussi dans les prises de commande. « Le marché est difficile, confirme Étienne Regost, directeur général d’Exelience, union de coopératives spécialisée dans la production de semence. Les agriculteurs sont encore dans les moissons de leurs cultures de vente, savent déjà que celle de maïs sera retardée et hésitent encore sur les variétés de blé à implanter à l’automne prochain. » Cette année, Étienne Regost constate un fort renouvellement dans le choix des variétés : 35 %, contre 20 % habituellement. Pourquoi ? « Certaines génétiques, pourtant plébiscitées l’an passé, ne ressortent pas bien dans les essais 2024 : mauvais comportement vis-à-vis des maladies, rendements en deçà des attentes… les agriculteurs veulent du changement. »
L’incertitude plane également sur les dates de semis, après la situation exceptionnelle de l’an passé qui a pu bousculer les stratégies. « Difficile de prévoir quelles variétés ou quelles précocités seront les plus demandées, assure Étienne Regost. Une chose est sûre : les premiers à se positionner auront davantage de chance d’avoir la variété demandée. »
Plan de multiplication stable
Chez Exelience, le plan de multiplication pour 2025 est annoncé stable, avec un réseau d’agriculteurs-multiplicateurs fidèle à 95 %. « Une vraie sécurité », assure le directeur général. Quant à Thomas Bourgeois, il se dit étonné que les surfaces de multiplication en semences de céréales ne soient pas prévues en hausse. « Après une récolte très moyenne en 2024 et des stocks bas, je pensais que les plans de multiplication allaient augmenter. Mais certains opérateurs ont même annoncé la volonté de réduire leurs surfaces. »
En tournesol et en maïs, la récolte des semences s’achève. « En temps normal, les chantiers pour le tournesol débutent autour du 20 août. Là, ils ont accusé au moins quinze jours de retard, faute de chaleur et d’ensoleillement, précise Jean-Christophe Conjeaud, responsable de projet à l’Anamso (agriculteurs multiplicateurs de semences). Seule la région du Sud-Est s’en sort un peu mieux. Toutes les parcelles n’ont pas été fécondées correctement avec, pour conséquence, des rendements en retrait. Aujourd’hui, les cultures ont du mal à mûrir. Bien sûr, il est possible de récolter plus vert avec du matériel de coupe et un séchage adaptés. Mais une récolte tardive augmente les dégâts d’oiseaux, l’égrenage et les risques sanitaires. Même s’il est encore un peu tôt pour faire un premier bilan, 2024 restera une campagne compliquée. »