INTERVIEW
Loi ZAN : « On ne peut pas l’appliquer de façon uniforme à tous les territoires »
Le congrès des maires de la Drôme a lieu ce jeudi 26 octobre. Nicolas Daragon, maire de Valence et président de l’AMF 26, répond aux questions de L’Agriculture Drômoise, notamment sur la loi « ZAN »*.

Quelles sont actuellement les principales préoccupations des maires et plus particulièrement des maires drômois ?
Nicolas Daragon : « Les finances des collectivités locales d’abord. L’inflation est toujours là, les taux d’intérêt toujours élevés et donc les projets d’investissements forcément ralentis. Autre sujet, particulièrement dans la Drôme, la nécessité de restaurer une confiance mutuelle avec les services de l’État. Nous avons vécu deux années difficiles mais nous avons des signaux extrêmement positifs depuis début septembre. Ensuite, évidemment les sujets de fonds comme le changement climatique et ses impacts. Comment être économe de notre énergie, de la ressource en eau mais aussi de la consommation foncière au bénéfice d’une agriculture de proximité ? Autre questionnement : comment garder un lien fort avec l’ensemble de nos concitoyens à l’heure où la taxe d’habitation a été supprimée et que nous n’avons de lien qu’avec les propriétaires ? Comment aussi à l’heure de la suppression de la CVAE** garder un lien avec les entreprises alors que celles-ci contribuaient à la dynamique du territoire et au budget des collectivités ? Enfin, dans un contexte de crise internationale, nos concitoyens sont en demande constante de sécurité intérieure. Les maires ont donc besoin plus que jamais de jouer leur rôle de protecteur. »
Qu’en est-il de la problématique d’agression envers les élus, en hausse selon l’association des maires de France de 15 % entre 2021 et 2022 ?
N.D. : « L’AMF 26 s’est déjà portée civile à trois reprises pour défendre nos collègues maires. C’est un engagement que j’avais pris lors de l’élection à la présidence de l’AMF 26, d’agir aux côtés des maires parce qu’ils se retrouvaient non seulement agressés mais isolés. Hélas, nous savons qu’il y a très régulièrement des agressions et que seules les plus graves nous sont remontées. Les maires sont des gens qui ont une capacité de résilience importante, ce ne sont pas des personnalités qui vont se plaindre au moindre haussement de ton. Mais les maires sont des citoyens comme les autres, qui ont juste pris la responsabilité supplémentaire de s’engager au bénéfice des autres et de l’intérêt général. C’est particulièrement injuste et inacceptable de s’en prendre à eux. »
Sur les questions environnementales, comment les maires drômois sont-ils impliqués ?
N.D. : « Souvent les élus réagissent assez mal quand les citoyens viennent leur faire la leçon, tout simplement car ce sont des sujets sur lesquels nous sommes tous très engagés et ceci depuis longtemps : sur le traitement vertueux des déchets, l’entretien des espaces verts ou le zéro phyto sur lequel nous travaillons depuis 2010… Sur la question des économies d’énergie, nous faisons avec les moyens que nous avons. Un citoyen sait très bien qu’isoler sa maison coûte une fortune. Les élus ont eux à gérer le plus grand parc immobilier de France. Sur la question des ressources en eau, plusieurs collectivités dans la Drôme sont citées en exemple car elles ont su sécuriser leur approvisionnement, réduire les pertes en eau. Les élus ont aussi la gestion des transports en commun. Le plus gros syndicat du département par exemple, Valence Romans mobilités, achète des bus propres depuis une vingtaine d’années et n’achète plus que des bus propres depuis quatre ans… Les maires interviennent donc sur tous les pans de la préservation de l’environnement parce qu’ils sont connectés au cadre de vie.»
Quelle est votre position sur la question du zéro artificialisation nette (ZAN) ?
N.D. : « Il faut de l’équité sur ce sujet. Le gouvernement a pris des orientations de façon uniforme sans en préciser les contours puisque nous attendons les textes d’application. En ruralité, le zéro artificialisation nette, ça veut parfois dire la perte de toute dynamique pour des communes ou communautés de communes. J’ai fait l’an dernier la tournée des communes de la Drôme avec des réunions cantonales. Il n’y a pas une réunion où le sujet du foncier n’a pas été abordé. Quand on parle de ZAN, on ne parle pas seulement de préserver des terres agricoles. On parle aussi de comment on fait quand un jeune veut s’installer alors que ses parents habitent encore sur l’exploitation.
Il y a plein de sujets en France sur lesquels on pense qu’on peut tout réglementer depuis Paris et de la même façon partout. Mais on ne peut pas appliquer la même chose à tout le monde et encore moins de façon brutale. Il faut sans doute laisser un peu la main aux préfets de département qui doivent pouvoir entrer en concertation avec les associations d’élus et les chambres d’agriculture. Sans oublier que cette loi crée de l’incertitude, de l’instabilité dans l’édification des documents d’urbanisme. L’objectif est à 2050, et pourtant, en 2023, quand les élus travaillent sur leur document d’urbanisme, on leur impose des règles alors qu’il n’ont pas les textes complets.
Nous sommes prêts à participer à une concertation. Les maires de la Drôme, dont certains sont agriculteurs, ne veulent pas supprimer de terres agricoles. Mais il disent aussi que pour installer des agriculteurs, il faut un environnement vivant, où il y a une consommation locale, des services publics, des écoles, des commerces. »
Les agriculteurs doivent-ils réinvestir les conseils municipaux ?
N.D. : « En Drôme, nous avons déjà beaucoup d’agriculteurs dans les conseils municipaux. Le vrai questionnement, c’est dans quelle mesure en ont-ils le temps car on connaît leur rythme de travail. Je sais aussi que mes collègues élus dans les communes rurales sont proches de leurs agriculteurs. Ce sont des acteurs incontournables, qui ont un regard singulier et expert de leur territoire donc importants à écouter. »