La technique de l’insecte stérile pour lutter contre les ravageurs
Déjà initiée à l’étranger, la technique de l’insecte stérile (TIS) dans les systèmes de protection des cultures fruitières intéresse de plus en plus l’arboriculture française.

La technique de l’insecte stérile (TIS) consiste en une contraception massive à l’échelle d’une zone », explique Clélia Oliva, ingénieure au CTIFL1, en charge des projets TIS, lors d’un webinaire organisé dans le cadre des Rencontres phytosanitaires fruits. Très prisée à l’étranger, cette méthode consiste à des lâchers massifs et répétés d’insectes mâles élevés en captivité dans des fermes d’élevage puis stérilisés par exposition à des rayons ionisants. « Leur accouplement avec des femelles sauvages se traduira par des pontes non viables, permettant une réduction progressive des populations locales », poursuit-elle. Cette technique s’introduit dans une stratégie intégrée de protection des cultures et d’une lutte territorialisée et collective. Elle présente des attraits intéressants : réduction des besoins en pesticides, effet sur la population sauvage à long terme, etc. « De par le monde, cette technique est très largement utilisée. Des programmes opérationnels sont réalisés à grande échelle pour 14 espèces d’insectes. D’autre part, 25 espèces d’insectes font l’objet de programmes Recherche et développement en laboratoire. » Alors que la France commence à s’intéresser de plus près à cette technique, l’Espagne est déjà munie d’un site de production massive d’insectes stériles (mouches méditerranéennes) et a mis en place des programmes opérationnels, depuis les années 1990, pour protéger les cultures d’agrumes autour de Valence.
Étude de faisabilité
Le Maroc et l’Israël ont également une ferme de production (mouches méditerranéennes Ceratitis capitata), comme la Hollande (mouches de l’oignon). En France, la TIS pourrait permettre de lutter, entre autres, contre la mouche méditerranéenne (Ceratitis capitata), la drosophile à ailes tachetées (Drosophila suzukii) et le carpocapse de la pomme et de la noix (Cydia pomonella). « Pour réfléchir au déploiement de cette technique, nous avons créé un groupe de réflexion en 2018 : le collectif TIS. L’idée est de voir quels sont les leviers réglementaires et logistiques, le modèle économique pour un ou plusieurs sites de production, et enfin connaître la perception de cette technique par les futurs utilisateurs », explique Clélia Oliva. Un projet pilote, CeraTIS Corse 2020-2022, est en cours sur un site de 900 hectares d’agrumes et de fruits à noyaux en Corse. « L’objectif est d’identifier les leviers et les contraintes qui pourraient entrer en jeu lors d’un déploiement de la TIS à l’échelle du territoire ». Sont alors pris en compte les leviers écologiques (outils prédictifs et variation démographique des populations sauvages selon les cultures hôtes et les saisons), les leviers techniques (performance des mâles stériles et mise en œuvre opérationnelle des lâchers TIS) et socio-économiques (étude de perception, proposition organisationnelle des acteurs terrain) à l’échelle du territoire.
Sur l’île de la Réunion, le projet GEMDOTIS (2020-2022) vise à évaluer la faisabilité d’une gestion multi-échelles d’un ravageur invasif (Bactrocera Dorsalis) sur un verger de mangues, incluant la TIS. Ce projet fait suite à l’arrivée de l’insecte ravageur sur l’île, en 2017, causant d’importants dégâts, entraînant une augmentation de l’utilisation des produits phytosanitaires, et un risque accru d’interdiction d’exporter les fruits vers la métropole.
Le CTIFL a fait le choix d’investir dans une structure d’élevage d’insectes pilote, à Balandran (Gard).
Vers une production locale d’insectes stériles ?
Des essais pilotes sur le carpocapse de la pomme et de la noix sont également prévus : « La méthode est utilisée depuis les années 1990 au Canada. En France, nous travaillons sur le sujet depuis 2017. Nous avons obtenu l’arrêté d’autorisation d’introduction dans l’environnement (par les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement) de carpocapses stériles produits au Canada en 2018 et les premiers lâchers « test » ont eu lieu en 2019 », souligne Agnès Verhaeghe, responsable technique au CTIFL. Si l’arrêt des vols internationaux, en 2020, a contraint le CTIFL à mettre entre parenthèses cette expérimentation, cela aura aussi permis de mener à bien une réflexion de production locale. « Nous essayons de relocaliser l’élevage au CTIFL de Balandran (Gard), pour limiter les coûts et la logistique », ajoute-t-elle. En effet, pour aller plus loin, le CTIFL a choisi d’investir dans une structure d’élevage pilote. À terme, la TIS pourrait faire partie des méthodes de lutte au sein des vergers français.
Amandine Priolet
1. Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes