Installation
Du clé en main pour installer des maraîchers

Proposer des installations clé en main à des maraîchers autour de centres urbains, telle est l'ambition de La ceinture verte Drôme, une Scic créée par la chambre d’agriculture, Valence Romans agglo et la SAS Ceinture verte. Un premier îlot est déjà en activité à Granges-les-Beaumont.

Du clé en main pour installer des maraîchers
Devant les tunnels de La ceinture Verte à Granges-les-Beaumont : Coralie Sicard (stagiaire en fin d’étude d’ingénieur agronome), Manuel Linot (directeur de Scic La ceinture verte Drôme) et Thierry Leduc (maraîcher installé depuis mars). © AD

Faciliter l'installation en maraîchage bio autour des agglomérations, tel est l’objectif de la SAS La ceinture verte groupe, société qui se décline sur les territoires dans des Scic (société coopérative d'intérêt collectif). Son principe : fournir des terrains équipés et un appui technique à travers un réseau d’accompagnement à la production et la vente en contrepartie d’une cotisation mensuelle. Un premier projet a été lancé en 2019 autour de l'agglomération de Pau (Pyrénées-Atlantiques). Fort de cette expérience réussie, SAS La ceinture verte a décidé d’essaimer en d'autres régions, en commençant sur le territoire de Valence Romans Agglo. Une Scic baptisée « La ceinture verte Drôme » a été créée par Valence Romans Agglo, la chambre d’agriculture de la Drôme et la SAS La ceinture verte Groupe. Chacun des trois cofondateurs a investi 80 000 euros, soit 240 000 en tout. « C’est ce qu’il nous fallait pour faire démarrer le projet », explique Stéphanie Oliveira, membre du bureau de la chambre d’agriculture et présidente de La ceinture verte Drôme depuis décembre.

Cotisation mensuelle et commodat

Cette somme a servi a acquérir un terrain d’environ huit hectares à Granges-les-Beaumont, au nord du lycée Terre d’horizon, afin d’y installer quatre maraîchers. A chacun, La ceinture verte Drôme fournit deux hectares de terre, un accès à l'irrigation, 1 500 m2 de tunnels et 100 m2 de bâtiment d'exploitation. En contrepartie, ils paient une cotisation mensuelle de 550 euros. Le matériel et les consommables ainsi que les plants sont à la charge des exploitants. La mise à disposition du foncier se fait sous la forme d’un commodat avec La ceinture verte Drôme prévoyant un droit au maintien sur le site pendant au moins 18 ans. Les maraîchers ont le libre choix de leur statut et de l'organisation de leur production. Ils sont ainsi indépendants tout en étant intégrés dans un collectif en tant que membres de la Scic.

En amont, plusieurs études agronomiques ainsi que des analyses de sol ont permis de s’assurer de la compatibilité de cette surface avec une activité maraîchère. « L’expertise d’une conseillère de la chambre d’agriculture du Rhône, très pointue sur le maraîchage, a aussi été sollicitée », précise Stéphanie Oliveira. Deux exploitants sont installés et deux autres devraient arriver très prochainement, sélectionnés parmi une dizaine de candidatures.

Des objectifs de chiffre d’affaires

« La ceinture verte s’adresse à des profils souhaitant être accompagnés dans leur projet », souligne Stéphanie Oliveira, élue chambre d’agriculture et présidente de La ceinture verte Drôme.

La ceinture Verte s'adresse à des maraîchers déjà formés, avec au moins une saison complète d'expérience et souhaitant s’installer en bio. Une trajectoire de 25 000 € de chiffre d'affaires la première année et 60 000 € à terme sont des repères de réussite atteignables. « Au bout de quatre ans, l’objectif est d’arriver à un chiffre d’affaires minimum de 40 000 euros afin de dégager un Smic, précise Stéphanie Oliveira. On est là pour installer durablement sur un système viable. »

La structure drômoise s’est dotée d’un directeur. « Dès que le terrain nous a été attribué, on n’a pas attendu le début des travaux pour rechercher des porteurs de projets, une tâche qui incombe à Manuel Linot, directeur de la Scic, souligne Stéphanie Oliveira. Son rôle consiste aussi à coordonner les travaux sur les îlots, apporter son aide aux maraîchers en cas de difficulté, les aider à chercher du matériels, à développer la vente. » Sa mission est également d’assurer le développement de Ceinture verte Drôme sur d’autres îlots dans le département.

« Au delà de l’accessibilité au foncier et des investissements nécessaires pour s’installer, on se rendait compte que les maraîchers avaient besoin d’un appui technique dans la durée, ajoute Stéphanie Oliveira. D’où l’idée d’un tutorat avec des maraîchers drômois expérimentés et l’accompagnement apporté par la chambre d’agriculture. De plus, dans chaque îlot, les maraîchers sont encouragés à se concerter pour acheter du matériel en collectif (afin de diviser les coûts), à se regrouper pour offrir des capacités de vente solide. La ceinture verte Drôme s’adresse à des profils souhaitant être accompagnés dans leur projet. »

Un outil de plus pour installer

Pierre Pezziardi, président de La ceinture verte Groupe, ne cache pas son ambition de développer partout en France une centaine de Scic et plusieurs milliers de fermes de proximité. « La relocalisation en circuits courts d’une partie de la production agricole n’est pas un challenge uniquement à Valence ou dans la Drôme », déclare-t-il avant d’ajouter : «  Un tel objectif n’est atteignable que s’il existe, comme dans la Drôme, un consensus politique entre les collectivités et la chambre d’agriculture sur la nécessité d’une telle démarche. »

Le président de Valence Romans Agglo, Nicolas Daragon, porte lui aussi une ambition forte en annonçant sa volonté de développer « une centaine d’hectares, soit cinquante exploitations à taille humaine sur l’agglomération. Notre objectif est d’augmenter l’autonomie alimentaire de notre territoire et l’on va transformer des terrains “économiques” en foncier agricole. »

Christophe Ledoux

Si vous souhaitez postuler ou obtenir plus d’infos, consulter www.laceintureverte.fr

« Ça colle bien avec ma situation personnelle » 

Thierry Leduc s’est installé sur La ceinture verte de Granges-les-Beaumont depuis le 1er mars.

Longtemps informaticien en France puis en Suisse, Thierry Leduc, 52 ans, a entamé une reconversion professionnelle en 2008, avec l’envie d’aller vers une activité maraîchère tout en se rapprochant de Sauzet où habite une partie de sa famille. Arrivé à Montélimar fin 2013, il devient salarié du jardin de Cocagne Le Terreau à Cruas (07) pour un contrat de huit mois. Suivra un autre contrat d’un an, cette fois chez un maraîcher de Montélimar. En parallèle, il s’inscrit au Pradel, à Villeneuve-de-Berg (07), pour suivre une formation BP REA et obtient son diplôme en septembre 2016. Pendant près de quatre ans, tout en effectuant des travaux saisonniers, il cherche à s’installer mais rien n’aboutit.

Son annonce de recherche de foncier sur le leboncoin.fr est repérée en août 2020 par l’un des fondateurs de la SAS Ceinture verte. « Le contact a été très positif et je me suis pris d’intérêt pour le projet drômois de Granges-les-Beaumont, raconte Thierry Leduc. L’idée d’une démarche d’installation individuelle tout en bénéficiant d’un collectif pour éviter l’isolement, et notamment de l’accompagnement par la chambre d’agriculture, m’a plu. De plus, n’étant pas marié et sans enfant, la mise à disposition du foncier, des tunnels et du bâtiment sur dix-huit ans colle bien à ma situation personnelle. Et comme je peux dénoncer le contrat qui me lie à Ceinture verte chaque année, cela me laisse libre de m’installer à Sauzet si finalement je trouvais un terrain là-bas. »

Un investissement de 35 000 euros

Sur les deux hectares mis à sa disposition, Thierry Leduc exploite trois tunnels de 500 m² chacun ainsi que deux parcelles de plein champ. Son assolement englobe l’ensemble des productions maraîchères classiques. Son investissement représente 35 000 euros et se résume à l’achat d’un motoculteur, d’un semoir, d’une camionnette et d’une brouette maraîchère. Pour ses fournitures techniques, il a bénéficié d’un prêt d’honneur à taux zéro d’Initiative France, remboursable sur dix-huit mois.

La conversion des terres pour produire en bio est en cours. « A terme, cela me permettra de valoriser mes débouchés vers des structures comme Biocoop », espère-t-il. En attendant, sa cible sont les marchés de village. Et grâce à un contact pris par le directeur de Ceinture verte Drôme, lui et l’autre maraîcher installé sur l’îlot devrait bénéficier prochainement d’un étal dans le centre Leclerc de Saint-Paul-lès-Romans.

C. Ledoux

« Incarner une approche très agricole »

Point de vue / Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme.

« La ceinture verte entre pleinement dans notre projet de mandature de développer l’installation en encourageant l’innovation. C’est le cas avec la Scic La ceinture verte Drôme où l’on propose des installations individuelles dans un cadre collectif et sécurisé sur les plans technique (appui) et économique (allègement de charges). C’est important au vu de la multitude des porteurs de projets en maraîchage qui, pour une partie après quelques années, ne dégagent pas un revenu suffisant. Par ailleurs, La ceinture verte permet de répondre à la forte demande de produits locaux des consommateurs et des collectivités. La chambre d’agriculture a investi 80 000 euros dans la Scic La ceinture verte Drôme car nous ne voulions pas être simple spectateur mais membre fondateur. En ayant la présidence de la Scic, nous voulons incarner une approche très agricole avec l’objectif d’un développement sur l’ensemble du département, chaque fois en s’adaptant aux situations locales. Un second projet avec l’agglo de Montélimar est d’ailleurs en discussion et d’autres intercommunalités se sont dites intéressées. »

La Ceinture verte en vidéo