Laurent Wauquiez : « Mon obsession : des dispositifs agricoles simples et toujours aussi attractifs »
A la veille de l’ouverture du Sommet de l’élevage, Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, revient sur ses ambitions pour l’agriculture et confie « vouloir y consacrer des moyens encore conséquents ».

L’année 2023 va marquer un tournant pour les Régions qui auront entre autres la responsabilité de piloter et mettre en œuvre les mesures « non surfaciques » du second pilier de la Pac, parmi lesquelles figurent les aides en faveur du renouvellement des générations. Comment appréhendez-vous cette nouvelle donne ?
Laurent Wauquiez : « Nous allons effectivement entrer dans une nouvelle Pac qui va courir sur la période 2023-2027. Sur le dossier du Feader, le budget a été mal négocié par la France puisqu’à prix constants, il est en baisse de 20 %. Très concrètement, l’État a gardé l’argent de l’Europe sur le volet agricole en sacrifiant, entre autres, la DJA (dotation jeune agriculteur). Dans ce contexte, les Régions doivent financer les aides à l’investissement, la DJA, et les dispositifs liés à Natura 2000… En Auvergne-Rhône-Alpes, nous avons fait le choix d’impacter cette baisse de budget sur Natura 2000 pour protéger nos agriculteurs car pour qu’un paysage soit protégé, il faut d’abord et avant tout conserver des agriculteurs. »
Confirmez-vous donc qu’en Auvergne-Rhône-Alpes, la DJA ne pâtira pas de la baisse des fonds Feader ?
L.W. : « Un peu partout, les budgets liés à l’installation vont baisser considérablement, mais pas chez nous. Nous considérons que ce ne sont pas nos jeunes agriculteurs qui doivent faire les frais d’une baisse de 20 % du budget européen. Je vais donc rajouter quinze millions d’euros pour maintenir une DJA moyenne de 40 000 euros, quand la moyenne au niveau français est comprise entre 15 000 et 20 000 euros. Le système sera par ailleurs simplifié avec seulement trois modulations. La bonification sur la montagne est maintenue tandis que la DJA sera également avantageuse pour la plaine. L’idée est d’accompagner des projets d’entreprises crédibles. L’installation en agriculture, c’est quelque chose de sérieux. »
Sur le volet modernisation, la flambée des matières premières a des conséquences directes sur le coût des bâtiments. Cela aura-t-il des conséquences sur le niveau des subventions ?
L.W. : « Face à cette situation inédite, nous allons mettre en place une évaluation forfaitaire du projet, ce qui va énormément simplifier les dossiers et raccourcir les délais. Le traitement des dossiers en région a considérablement fluidifié les choses. Nous sommes d’ailleurs la Région qui aura le mieux consommé le budget de l’Europe. Très vite, nous souhaitons passer de trois ans d’instruction en moyenne à un an. Cela va faire respirer tout le monde. Sur le volet financier, nous allons conserver le même volume d’accompagnement à l’investissement car nous en avons besoin. En concertation avec la profession agricole, nous allons passer de quatre-vingt-dix dispositifs européens différents à vingt-six.
Certains territoires de notre région ont été frappés par un nouvel épisode de sécheresse dramatique. La Région les accompagnera-t-elle ?
L.W. : « En accord avec la profession agricole, nous estimons que c’est à l’État de gérer la situation au plus près des réalités de terrain avec le fonds des calamités. De manière plus structurelle, en revanche, la Région s’est dotée d’un plan d’adaptation climatique au bénéfice des agriculteurs avec, entre autres, un développement de réseaux d’irrigation. À terme, je souhaite inscrire dans les contrats de plan État-Région, ces projets d’irrigation. »
La politique de l’eau est largement gérée par les comités de bassin. Comment infléchir leur position jugée souvent trop dogmatique par les agriculteurs ?
L.W. : Sur le bassin Rhône Méditerranée Corse, nous avons la chance de discuter avec un président qui fait preuve de beaucoup de bon sens. Du côté du bassin Loire Bretagne, les choses sont plus compliquées, avec un directeur qui ne respecte pas les élus du territoire. Il est temps que cela change. Je défends les agriculteurs qui ont besoin d’accéder à l’eau pour nous nourrir. Les projets d’irrigation améliorent la gestion de la ressource en eau. D’autres pays l’ont bien compris ! »
Le Sommet de l’élevage qui ouvrira ses portes le mardi 4 octobre à Clermont-Cournon se positionne comme l’ambassadeur de l’élevage durable. C’est quoi pour vous l’élevage durable ?
L.W. : « Défendre l’élevage durable c’est d’abord se battre contre Élise Lucet, contre L-214, contre les caricatures d’extrême gauche, en renouant avec une image réelle et positive de ce qu’est l’élevage. Je dis aux consommateurs : vous voulez défendre l’environnement, alors achetez des produits agricoles français. Nous devons chacun à notre niveau faire reculer les caricatures, accompagner les adaptations de l’agriculture. Mais ne nous trompons pas de combat : les premiers écologistes sont les agriculteurs, n’en déplaisent aux bobos-écolos à la vision étriquée. »
Propos recueillis par Sophie Chatenet
Entre les lignes
- La Région planche sur le déploiement d’un plan d’attractivité des vétérinaires en zone rurale : les contours devraient être connus dans les prochains mois.
- Approvisionnement local : Le chiffre d’affaires de la centrale d’achat de la Région pour la restauration des lycées a été multiplié par trois ces dernières années. 90 % des volailles cuisinées, 80 % de la viande et 80 % des pommes et des poires sont issus de la production régionale. Laurent Wauquiez souhaite aller plus loin en élargissant le dispositif aux collèges en lien avec les conseils départementaux, aux hôpitaux, maisons de retraite… Dans la même veine, l’année 2023 devrait voir l’accélération de la visibilité de la marque « Ma Région, Ses Terroirs » grâce à une augmentation des partenariats avec les GMS.