AGROFORESTERIE
EARL Les Cabrettes : les arbres contribuent au bien-être animal

À La Motte-de-Galaure*, Rémy Estavil s’est lancé dès 2016 dans l’agroforesterie. Il explique le rôle des arbres et haies dans son système d’exploitation et livre quelques constats tirés de son expérience.

EARL Les Cabrettes : les arbres contribuent au bien-être animal
En 2016, Rémy Estavil a implanté 450 arbres sur 3,5 ha. Dès 2023, la parcelle accueillera une prairie permanente pour le troupeau ovin. ©AD26

Depuis son installation en 2011, sur la ferme familiale à La Motte-de-Galaure, Rémy Estavil a construit un système d’exploitation qui repose sur un maximum de complémentarité entre élevage et cultures. L’exploitation compte un troupeau de 130 brebis, un atelier porcs plein air et depuis peu une trentaine de vaches de race Highland Cattle. Rémy Estavil est en effet en cours d’association avec Stéphane Hekimian. Celui-ci rejoint l’EARL Les Cabrettes avec son troupeau bovin tout en gardant une activité à mi-temps comme conseiller agroforestier de la Mission haies Auvergne-Rhône-Alpes. Les associés disposent d’une centaine d’hectares de SAU (voir détail ci-dessous).

Sécheresses successives

Rémy Estavil s’est rapidement intéressé aux arbres fourragers. « J’ai mis en place une première parcelle en agroforesterie en 2016, soit 450 arbres plantés sur 3,5 ha. À l’époque, j’ai implanté frênes, chênes, mûriers, érables champêtres ainsi que des petites bandes de haies avec de la coronille, des mûriers et frênes conduits en têtard, du noisetier, du troène commun... », détaille l’agriculteur. Cette parcelle qui jouxte l’exploitation accueillait jusqu’à présent des luzernes. Fin septembre, les associés projettent d’y semer de l’épeautre puis, après sa récolte en 2023, d’y implanter une prairie permanente en vue d’y parquer les brebis. 

Six ans après cette première expérience, Rémy Estavil a revu ses objectifs en matière d’agroforesterie. « Cette première plantation n’a pas été une réussite. Les arbres ont souffert des sécheresses successives. Désormais, je ne plante que des haies vives ou champêtres. Par exemple des haies de feuillus avec une alternance de haut jet et moyen jet », poursuit l’exploitant.

« Pas question de transporter des branches »

Depuis 2016, il a déjà implanté 1,2 km de haies. Avec son associé, ils ont également programmé 1,5 km de nouvelles plantations sur trois ans qui devraient être achevées durant l’hiver 2023-2024. Les objectifs sont multiples. « Pour les parcelles qui accueillent les animaux, l’enjeu est avant tout le bien-être animal, en créant de l’ombre et limitant le vent », précise l’exploitant. La ressource alimentaire des haies demeure secondaire pour Rémy Estavil. « Nous avons encore assez peu de retours sur ce que ces haies peuvent représenter en termes de potentiel d’alimentation. Mon objectif est d’arriver à faire consommer cette ressource par les animaux sans que cela représente un chantier trop important. Il n’est pas question pour moi de transporter des branches à l’auge. L’idée, c’est de couper et de laisser au sol afin que les animaux mangent sur place », poursuit-il. Seule exception, le mûrier blanc. « Cela fait quatre ans que je distribue du mûrier aux brebis. C’est très appétent et c’est une vraie source de protéines à l’automne qui, je pense, offre un effet flushing naturel et me permet d’avoir des mise-bas encore plus groupées. »

Limiter l’érosion des sols

Autre enjeu des haies : protéger les parcelles de l’exploitation, cultivées en bio, d’éventuels traitements phytosanitaires sur les champs voisins. Sans oublier d’autres effets que Rémy Estavil liste avec la conviction de celui qui s’intéresse aux haies depuis longtemps : limiter l’érosion des sols sur ce territoire particulièrement vallonné de la Drôme des collines, créer de la biomasse favorable à la fertilité des sols ou encore favoriser une biodiversité essentielle dans un système en agriculture biologique. À terme, les associés pourraient exploiter ces haies pour le bois énergie. Quant à l’hypothèse de copeaux pour la litière, Rémy Estavil ne l’envisage pas pour l’instant. « Nous avons suffisamment de céréales à paille et mon frère est élagueur donc, si besoin, nous disposons déjà d’une ressource », précise-t-il.

Si l’arbre a tout bon à l’EARL Les Cabrettes, l’exploitant rappelle aussi quelques limites de l’agroforesterie. « Il faut plusieurs années avant de bénéficier des effets. Se pose aussi la question des espèces à choisir face à des étés de plus en plus secs. Il faut prévoir d’irriguer les jeunes plantations de manière efficace parce que gérer une citerne pour arroser, c’est laborieux, avertit-il. Sans oublier le paillage. Le plus rapide à mettre en place, c’est le film de paillage biodégradable. » Enfin, Rémy Estavil conseille de se rapprocher d’organismes comme la chambre d’agriculture de la Drôme pour des achats groupés de plants et de paillage. « Cela permet de bien réfléchir son projet en amont avec le technicien et, en mutualisant les achats, d’obtenir des tarifs intéressants », conclut-il.

Sophie Sabot

À noter : selon les territoires, des aides existent pour la plantation de haies. Se renseigner auprès de la chambre d’agriculture de la Drôme (Aline Buffat – 06 68 43 94 86) ou de la Mission haies pour le Nord Drôme (06 62 32 56 91). 

* Désormais commune déléguée de la commune nouvelle de Saint-Jean-de-Galaure.

L’EARL Les Cabrettes vise toujours plus d’autonomie
Des arbres seront également implantés sur les parcelles destinées à l’atelier porcs plein air. ©AD26
PROJETS

L’EARL Les Cabrettes vise toujours plus d’autonomie

L’année 2022 devrait marquer un nouveau tournant pour l’EARL Les Cabrettes. L’arrivée d’un associé va permettre de concrétiser plusieurs projets dans l’objectif d’aller vers un système d’exploitation de plus en plus autonome.

« Nous projetons de passer à quatre porcs abattus par semaine », annonce Rémy Estavil. En 2023, devrait en effet se concrétiser l’ouverture de l’atelier de découpe à Claveyson, dont il porte le projet avec deux autres exploitations, le Gaec des Bio Prés et l’EARL Cros. En parallèle, il réfléchit à développer de nouvelles ressources alimentaires pour l’atelier porc. « Aujourd’hui les porcs sont nourris à 80 % avec du méteil en farine qu’on complémente avec 20 % d’aliment bio acheté. En 2023, nous devrions remplacer nos surfaces en maïs grain par du tournesol que nous ferons presser en prestation pour vendre l’huile et récupérer le tourteau pour les porcs, ce qui permettra de réduire la part d’aliment acheté », explique l’exploitant. L’arbre aura aussi sa place. « Les porcs sont en rotation sur 6 ha. Nous avons déjà planté des haies en bordure pour l’ombre mais nous réfléchissons aussi à implanter des arbres sur les parcelles », commente Rémy Estavil. Toute la question est de trouver une espèce qui pousse rapidement et qui puisse, pourquoi pas, produire des fruits qui constitueraient une ressource alimentaire pour les animaux.

Du côté des Highland Cattle, l’objectif est de rester sur du plein air intégral. « Le troupeau pâturera les intercultures, soit potentiellement une douzaine d’hectares. Nous comptons aussi développer l’éco-pâturage, précise l’exploitant. Nous avons conventionné avec la communauté de communes Porte de DrômArdèche pour l’entretien de sous-bois, bords de cours d’eau… 7 à 8 ha sont déjà contractualisés. Les Highland Cattle consomment notamment la renouée du japon. L’idée est de voir si on peut contenir cette plante. » Un protocole de pâturage sera ainsi établi pour obtenir un effet optimum sur cette plante invasive.

S.Sabot

Carte d’identité de l’EARL Les Cabrettes

- Rémy Estavil, installé en 2011, et Stéphane Hekimian, en cours d’association et salarié à mi-temps de la Mission haies Aura.

- Une centaine d’ha de SAU en bio ou conversion : 10 ha de prairies permanentes, 10 de temporaires, 12 de luzerne, 5 de trèfle, 15 de méteil, 10 de blé tendre + 3 de sarrasin (ces deux productions sont transformées en farine pour les particuliers et un boulanger), 5 de seigle, 5 de courges (vente à un grossiste), 3 de pois chiche (vente directe), 10 de maïs grain + 12 de blé dur (vente à la SA Valence Céréales). 

- 130 brebis, trois lots de mises-bas soit 180 agneaux abattus à Annonay et découpés en prestation à l’atelier du Partouret (Burdignes, 42). Vente au détail sur les marchés et à la ferme.

- Atelier engraisseur porcs plein air. Deux porcs abattus par semaine (Annonay + découpe en prestation au Partouret), l’un pour la vente au détail, l’autre pour une charcutière.

- Une trentaine de vaches Highland Cattle. La viande sera vendue en colis de 5 ou 8 kg.