VISITE MINISTÉRIELLE
Loup, brucellose, inflation au menu du ministre de l’Agriculture en Haute-Savoie

En Haute-Savoie dimanche et lundi derniers, le ministre de l’Agriculture a parlé, entre autres, prédation du loup, brucellose dans la faune sauvage et inflation des charges.

Loup, brucellose, inflation au menu du ministre de l’Agriculture en Haute-Savoie
Avec un ministre de l’Agriculture jugé accessible, posé et à l’écoute, les responsables agricoles savoyards ont pu échanger longuement sur une multitude de sujets. © BC

Le 24 octobre, le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, est venu en Haute-Savoie pour visiter un élevage familial de montagne en transformation fromagère puis une coopérative laitière. La veille, il a consacré toute sa soirée à une longue séance de travail à la préfecture d’Annecy en présence d’une quarantaine de responsables professionnels agricoles et d’élus politiques des Savoie. Au menu des échanges, l’explosion des attaques de loups en alpage, la gestion du foyer de brucellose dans la population de bouquetins du massif du Bargy, l’adaptation de l’agriculture savoyarde au nouveau climat, l’inflation des charges, la problématique de la transmission des fermes, de l’installation et du recrutement en agriculture…

Des pistes de travail pour mieux réguler les loups

« Une réunion constructive, de bons échanges et de vraies pistes de travail dégagées, notamment sur la prédation », retient Cédric Laboret, président de la chambre d’agriculture Savoie Mont- Blanc. Le ministre a reconnu que l’État avait des marges de manœuvre pour « trouver des modalités de tirs plus efficientes, plus claires et plus fluides » afin d’atteindre au plus vite le quota de destruction de loups pour 2022 (135 tirs à ce jour pour 174 autorisés). « Le problème ce n’est pas le nombre de loups, c’est le nombre d’attaques », estime Marc Fesneau. Selon Guillaume Léger, président des JA 74, plusieurs propositions concrètes ont été débattues : le regroupement des différentes catégories de tirs de défenses en une seule, la généralisation des procédures de tirs de protection sur les bovins, la possibilité d’anticiper les demandes de tir sur les zones déjà prédatées, le financement des équipements des louvetiers qui,jusqu’à présent, financent eux-mêmes leurs matériels, l’ouverture aux discussions sur l’indemnisation des louvetiers pour l’instant uniquement défrayés… Marc Fesneau a clairement affiché sa volonté de ne pas créer de zones territorialisées mais de porter dans le prochain Plan loup une territorialisation des quotas de tirs en fonction du nombre d’attaques. « Ces axes de travail suivent nos revendications et nos demandes de simplification pour préparer le prochain plan loup 2024 », estime Guillaume Léger.

Feuille de route brucellose

Sur la gestion du réservoir de brucellose qui affecte les hardes de bouquetins du massif du Bargy et qui fait toujours peser un risque énorme sur l’élevage de ruminants des Savoie et sa filière fromagère AOP-IGP, Marc Fesneau a rappelé que la France devait à tout prix conserver son statut indemne. Le ministre veut protéger la santé animale et la santé publique et vise « l’extinction » de cette maladie bactérienne par une combinaison de mesures. Il a présenté une nouvelle feuille de route ministérielle en quatre axes : éradication de la brucellose dans les populations de bouquetins (plus de 170 bouquetins capturés cette année et 61 prélevés) ; renforcement de la surveillance des cheptels en estive (étendue à la Savoie suite à la découverte cet été d’un bouquetin infecté dans le massif des Aravis) ; concertation locale (création de comités de suivi) et renforcement des connaissances scientifiques (capacité d’analyse et de détection de la bactérie brucella dans le lait et les fromages ; suivi du comportement de brucella tout au long de la durée de vie des produits affinés qui seraient contaminés).
Un long échange avec Marc Fesneau a également concerné l’évolution climatique du territoire, la réponse du gouvernement à travers les calamités et la nouvelle assurance récolte, l’accompagnement des expérimentations aux changements de pratiques agricoles et au stockage de l’eau. Sans oublier les dispositifs facilitant la transmission des fermes, le renouvellement des générations et le remplacement des agriculteurs pour congés attendus dans le cadre de la prochaine loi d’orientation agricole.

Le ministre au pays du Reblochon fermier

Le lendemain de cette séance de travail très riche, qui s’est achevée tard dans la nuit, le ministre de l’Agriculture a été accueilli à La Ferme des Quatre Seullis par Muriel et Guillaume Burgat-Charvillon et leurs enfants. Le couple associé en Gaec élève une cinquantaine de vaches laitières de race abondance et produit 44 tonnes de fromages fermiers par an (manigodine, tommes et raclette de Savoie) affinés avec les établissements Paccard. « Nous comptons sur vous pour défendre la spécificité montagnarde de l’attache et faire valoir auprès des instances européennes qu’avec cinq mois d’hiver, il est impossible de lâcher les vaches tous les jours », a dit Cédric Laboret. Avec la réserve de fourrages au niveau supérieur, l’éleveur a témoigné de ses limites en capacité de stockage pour affronter sereinement les sécheresses à l’avenir. Il a aussi évoqué les surcoûts de construction en altitude (charpente renforcée) et de matériel spécialisé pour travailler les pentes. Avant de repartir, le ministre a félicité l’engagement des producteurs de montagne, « une agriculture de contraintes dont la société a bien besoin pour protéger nos paysages ouverts et attractifs ».
Le second rendez-vous de la journée était pris à la coopérative laitière du Semnoz à Gruffy, l’un des cinq ateliers de l’union Les Fruitières des Savoie. Le président des producteurs, Fabrice Jacquet, et le fromager partenaire, Luc Chabert, ont présenté des ateliers de fabrication de Tome des Bauges AOP et de fromage Abondance AOP. « Le modèle coopératif est un bon support d’organisation et de création de valeur », ont-ils prouvé au ministre, lui demandant de « tout faire pour conserver le tissu d’exploitations laitières en agissant sur la transmission de l’outil ». Le prix du lait a bien progressé depuis un an « mais pas autant que l’inflation vertigineuse des charges dans les fermes et nous avons besoin de mesures pour compenser le différentiel ». Luc Chabert a aussi affiché ses inquiétudes sur les ventes prévisionnelles de fromages savoyards dans le contexte de baisse générale du pouvoir d’achat. Il a aussi chiffré à au moins + 30 euros les 1 000 litres la hausse de la facture énergétique des fromageries. « Toute la marge de notre entreprise va y passer alors que nous avons aussi besoin de remonter les salaires de nos équipes pour les fidéliser ». Marc Fesneau a indiqué travailler à un bouclier tarifaire pour prendre en charge 50 % de l’augmentation des charges électricité, gaz et GNR, « un mécanisme de plafonnement » pour les entreprises agricoles et agroalimentaires « destiné à amoindrir le choc ».
B. C.

Analyses brucellose : les résultats enfin connus

En janvier dernier, le troupeau de 240 bovins du Gaec Pré Jourdan était entièrement abattu après la découverte d’un cas de brucellose. Neuf mois après, les résultats d’analyses sur les autres vaches du cheptel ont enfin été officialisés : neuf animaux étaient contaminés en plus de la première vache et quelques autres sujets ont développé des anticorps. Ces données prouvent « une circulation virale forte et extrêmement rapide de cette maladie qui en quelques semaines peut se propager dans des troupeaux entiers », commente Cédric Laboret, président de la chambre d’agriculture Savoie Mont- Blanc, pour qui la stratégie sanitaire d’éradication reste la seule option.