La démarche Happy affiche ses ambitions
Créée par le vétérinaire Lionel Reisdorffer, la démarche Happy promeut des élevages où règne le bonheur. Une approche en apparence utopique, mais qui pourtant s’appuie sur un référentiel de 265 critères mettant en lumière des exploitations dont les animaux sont en bonne santé, les éleveurs moins stressés, les performances au rendez-vous.

Le 19 juin dernier à Mâcon (Saône-et-Loire), la démarche Happy a été présentée dans les locaux d’Obione. Cette société spécialisée dans le management, le confort et la nutrition des animaux est à l’origine du concept « Happy » dont l’ambition est de « faire du bonheur des animaux et des éleveurs une valeur à partager avec toute la filière, jusqu’au consommateur », a expliqué le patron d’Obione, Lionel Reisdorffer. Aborder le suivi des élevages à travers la notion de bonheur est pour le moins original. Le postulat ne manque pourtant pas de bon sens : des animaux « heureux » vont de pair avec des éleveurs heureux et, à l’heure où le consommateur n’a jamais été aussi exigeant, un produit issu d’un élevage où animaux et éleveurs se sentent bien est avantagé.
265 points de contrôle
La démarche s’appuie sur un cahier des charges de 265 critères auxquels sont soumis les élevages désireux d’intégrer le réseau des fermes Happy. 51 points de contrôle concernent les animaux ; 81 portent sur les bâtiments ; 115 sur les éleveurs et 18 sur le pâturage. « On se met à la place des animaux en se couchant à côté de la vache ! », fait valoir Lionel Reisdorffer. Il ajoute que, dans une ferme Happy, « on peut boire l’eau de ses bovins… ». Les animaux sont évalués longuement sur leur santé, leur état (corporel, propreté, blessures…), leur comportement vis-à-vis de l’homme, etc. En bâtiment, l’auditeur s’intéresse à l’abreuvement, aux risques de blessure, à la manière dont se couchent et se relèvent les vaches… L’évaluation prend en compte les conditions d’écornage, la présence de carence, le lien entre éleveur et animaux, la présence de matériels spécifiques en faveur du confort… L’auditeur n’hésite pas à se fondre dans le troupeau afin d’évaluer l’ambiance qui règne dans l’élevage. « Pour obtenir la certification du bonheur des vaches et des éleveurs, une exploitation doit satisfaire à au moins 90 % des 265 critères de contrôle. Certains étant rédhibitoires », signale Lionel Reisdorffer.
Happy Vet, Happy Farmers…
La démarche Happy s’appuie sur un réseau de vétérinaires, les « Happy Vet ». Volontaires pour s’engager, ces praticiens de terrain se forment à leur frais au référentiel Happy puis ils deviennent les vecteurs pour former et recruter les futurs élevages Happy. Les Happy Vet se soumettent à une charte contenant des droits et des devoirs, informe Lionel Reisdorffer. Ainsi, ils ont un certain nombre de protocoles techniques et scientifiques à respecter. Par exemple en matière d’écornage, de castration, etc… Dans la démarche Happy, « le vétérinaire n’est plus un professionnel de la maladie, mais de la santé », explique-t-on. Au contact des éleveurs, les Happy Vet ont la mission de reconnaître ceux qui méritent d’être des Happy Farmers et ce sont ces vétérinaires qui délivrent les diplômes.
« Happy » produits ?
Dans les élevages Happy, il existe des troupeaux où la mortalité est nulle avec des veaux jamais malades, fait valoir Lionel Reisdorffer. Les fermes Happy ont en général davantage de surfaces que les autres. Elles ont une meilleure gestion de la douleur. Les animaux sont plus propres. « Plus heureux que les autres, les éleveurs Happy ne sont ni fatigués, ni stressés… Leurs animaux n’étant jamais malades, le travail s’en trouve plus plaisant », décrit Lionel Reisdorffer, qui ajoute que, « dans ces élevages, on observe une meilleure organisation du travail ainsi que de meilleures performances des animaux. » L’aboutissement de la démarche consisterait à démontrer que le bonheur propre aux fermes Happy a un impact positif sur la qualité des produits. En clair, il s’agirait de valoriser les bienfaits du référentiel Happy au sein d’une filière avec des fromages Happy, des viandes Happy, etc… La demande des consommateurs va dans ce sens, constatent les initiateurs du concept Happy.
Marc Labille
Naissance d’une filière certifiée ?
L’ambition du concept est de développer une filière de produits labellisés « Happy ». Filière qui intégrerait même des agrofournisseurs comme ce fabricant de matelas et couchages pour vaches particulièrement bien étudiés pour le bien-être des animaux. A l’aval, la démarche Happy commence à se faire connaître auprès de distributeurs, bouchers ou restaurateurs. Ainsi témoignait le patron d’une supérette de Charnay-les-Mâcon. Cet ancien chef boucher a expliqué son attachement à une viande de qualité (génisses charolaises culardes). Une restauratrice de l’agglomération mâconnaise a partagé les attentes de sa clientèle. « Un consommateur qui questionne de plus en plus sur les modes d’élevage et la provenance des produits », a-t-elle relaté.
« La démarche Happy, une révolution ! »
Plusieurs éleveurs engagés dans la démarche Happy sont venus témoigner de leur expérience. « Ça a changé ma vie ! », a résumé dans un enthousiasme déconcertant un producteur de lait à comté du Haut-Doubs. Converti au référentiel Happy à près de 57 ans, l’éleveur franc-comtois estime avoir rompu avec quarante ans de mauvaises pratiques. « Une révolution », a-t-il décrit, qui s’est traduite chez lui par un meilleur soin aux veaux (colostrum, niches à veaux), une amélioration de l’abreuvement, des logettes plus permissives… Toutes ces bonnes résolutions se traduisent aujourd’hui par une chute des mammites, aucune mortalité de veau… Et, semble-t-il, une motivation retrouvée.