La Vinsobraise au fil de ses 70 ans

A Vinsobres, après les ravages du phylloxera dans les vignes, les oliviers prennent d'assaut les coteaux de la commune. Mais le terrible gel de 1929 cause de lourds dégâts dans les oliveraies. Alors les agriculteurs diversifient leurs productions en plantant davantage de vigne, une culture moins gélive. Cet aléa climatique et le classement de Vinsobres dans la zone de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) Côtes-du-Rhône en 1937 redonnent de l'intérêt à la viticulture. Si bien qu'en 1947, sous l'impulsion du maire Emile Brochier, des vignerons décident de créer la coopérative agricole Vinsobraise. L'idée d'alors : vinifier les raisins pour mieux rentabiliser la production mais aussi distiller de la lavande. Finalement, se rendant compte de l'incompatibilité de ces deux activités, ils abandonnent leur projet lavandicole.
Fondée en 1947, ouverte en 1949
A l'époque, le président fondateur, Fernand Maury, est entouré d'une équipe réduite mais déterminée. Et le jeune instituteur du village, Georges Agier, assume la partie administrative, rappelle le directeur actuel de la Vinsobraise, Pascal Monier. Afin de réunir suffisamment de vignerons, les communes de Mirabel-aux-Baronnies et Piégon sont associées à l'aventure dès le départ (d'autres les rejoindront après).
Quand la coopérative agricole Vinsobraise ouvre, en 1949, elle compte 70 adhérents (cultivant autour de 100 hectares de vignes). Elle dispose « du strict minimum » : deux quais de réception, un fouloir, un égrappoir, une pompe à vendange, une presse à scourtins et une cuverie en béton de 6 400 hectolitres (hl). Son directeur, Pierre Depralon vinifie 3 000 hl la première année.
Très vite, un agrandissement est envisagé car la récolte de la deuxième campagne dépasse les 6 200 hl. Et la production progresse : 11 000 hl en 1953, puis 14 000 en 1956 et 19 000 en 1959. Au cours de cette décennie, la cave accroît sa capacité de vinification de 15 500 hl, en quatre fois.
Le gel des oliviers, en 1956, donne une nouvelle impulsion à la cave. En plus, cette catastrophe climatique coïncide avec l'arrivée de la mécanisation : « Sans les bulldozers, l'arrachage des oliviers aurait été compliqué », fait remarquer Pascal Monier. A noter également, en 1957, est obtenue l'AOC Côtes-du-Rhône village Vinsobres et Régis Monier devient directeur de la cave. Il est, à cette époque-là, le seul employé de la coopérative. 1957 est aussi l'année des premières Journées agricoles de Vinsobres.
Un cap franchi en 1980
En 1960, la coopérative prend son nom actuel, la Vinsobraise. Son activité s'amplifie vraiment à partir de cette décennie-là : près de 1 000 hectares de vignes, 40 000 à 50 000 hl de vin produit par an et 62 000 hl de cuverie. En 1965, la Vinsobraise et quatre autres caves fondent l'union des vignerons des Côtes-du-Rhône, dont la marque Cellier des Dauphins est lancée en 1967. La création de cette structure de mise en bouteilles et commercialisation est guidée par « un besoin de récupérer de la valeur et d'aller chercher de nouveaux marchés ». En 1974, la Vinsobraise ouvre un caveau, qu'elle réaménagera en 2002.
En 1980, la coopérative dépasse pour la première fois le cap des 100 000 hl (exactement 109 500 hl) avec autour de 2 000 hectares. En 1987, elle met en place des sélections parcellaires avec l'appui du laboratoire Laco (Suze-la-Rousse). A partir d'une étude pédologique, quatre terroirs majeurs sont identifiés et délimités. Et des cuvées de domaines sont par la suite vinifiées. « Ces sélections ont été le point de départ du dossier du Cru Vinsobres, précise Pascal Monier. A présent, elles font partie intégrante de notre schéma de vinification et de sélection. »
« A la pointe de la technologie »
Au fil du temps, la Vinsobraise vit des évolutions techniques et technologiques : pompe centrifugeuse, puis à pistons et à présent à lobes et à variateur, filtres à terre puis tangentiel, cuves inox, cuves autovidantes, pressoir pneumatique, micro-oxygénation des vins... Dans les années 1980, les agrandissements et investissements se succèdent, et la cave passe à une capacité de 170 000 hl de vin. « Le dernier gros investissement remonte à 1998 : un deuxième bâtiment construit, 32 cuves inox (22 de vinification et 10 de stockage) installées..., indique Pascal Monier. Aujourd'hui, en termes de matériel et techniques de vinification, on est à la pointe de la technologie. » Les nouveaux bureaux, eux, datent de 2001. Autre date à retenir, en 2007, c'est-à-dire après l'obtention du Cru Vinsobres, la cave recrute un commercial pour développer ses ventes dans la grande distribution sur l'appellation Vinsobres.
Les hommes encore, avec le départ à la retraite en 1988 de Régis Monier après 31 ans à la direction de la coopérative. Son successeur, qui est aussi son fils, Pascal, va en faire autant en novembre. Une nouvelle page va se tourner cette fin d'année 2020, donc.
Annie Laurie
Les hommes de la Vinsobraise /
Les présidents :
- Fernand Maury (de 1947 à 1953),
- Marcel Javelas (de 1953 à 1955),
- Denis Sigaud (de 1955 à 1958),
- André Jullien (de 1958 à 1959),
- Paul Brochier (de 1959 à 1969),
- Georges Delhomme (de 1969 à 1992),
- René Faure (de 1992 à 1999),
- Bernard Meyer (de 1999 à 2003),
- Robert Gleize (de 2003 à 2012),
- Lilian de Zanet (depuis 2012).
Les directeurs :
- Pierre Depralon (de 1949 à 1957),
- Régis Monier (de 1957 à 1988),
- Pascal Monier (depuis 1988).
La Vinsobraise aujourd’hui
Autour de 180 adhérents, contre 260 voici 30 ans. Mais avec la même surface totale : environ 2 000 hectares de vignes (entretemps, les exploitations ont grossi).
85 000 à 95 000 hl vinifiés par an en moyenne : 45 000 à 50 000 en AOC Côtes-du-Rhône (CDR), dont 3 500 en bio ; 7 000 à 10 000 en CDR Cru Vinsobres dont 1 000 en bio ; 6 000 en AOC CDR village ; 600 en Grignan-les-Adhémar ; 400 en AOC CDR village Valréas ; 12 000 à 18 000 en IGP Méditerranée ou Drôme.
Deux sites : la Vinsobraise (vinification, élevage et vieillissement des vins, commercialisation, administration, caveau) et le Prieuré (élevage des vins en barriques et stockage du vin conditionné), à Vinsobres.
16 salariés.
176 000 hl de capacité de cuverie.
Vente d’environ 900 000 bouteilles par an : 60 % à la grande distribution ; 40 % au caveau, auprès des grossistes, cavistes, en CHR*et à l’export. Les quelque 50 000 bouteilles exportées partent majoritairement en Belgique. Aux Etats-Unis, il en a été expédié 10 000 en 2018 et aucune en 2019 (marché irrégulier). Commercialisation en vrac : 50 % via le Cellier des Dauphins ; 25 % au négoce ; les 25 % restant comprennent les ventes du magasin aux particuliers, grossistes, CHR et les ventes du commercial auprès de la grande distribution.
* CHR : cafés, hôtels, restaurants.