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Interview

« Face au gel,  les coopératives ne pourront pas se contenter de saupoudrage »

La coopérative Lorifruit a tenu son assemblée générale à huis-clos le 20 mai, dans un contexte marqué par le gel exceptionnel de début avril et par la crise du Covid. Interview de sa présidente Katia Sabatier-Jeune.

« Face au gel,  les coopératives ne pourront pas se contenter de saupoudrage »
« Après l’épisode de gel que nous venons de traverser, je n’ai qu’un message pour les coopérateurs : il faut garder confiance et plus que jamais, par des moyens techniques, œuvrer à adapter notre métier pour exister demain » affirme Katia Sabatier Jeune, présidente de Lorifruit. ©AD

La coopérative Lorifruit a tenu son assemblée générale le 20 mai. Que retenir de l’exercice clos ? 

Katia Sabatier-Jeune : « L’année 2020 a été placée sous le signe d’une réduction des volumes suite au gel qui a touché les vergers de fruits à noyaux fin mars. Nous avons perdu environ 3 000 tonnes, en pêches-nectarines et abricots par rapport à 2019. Heureusement, la saison de commercialisation s’est déroulée avec des cours satisfaisants et, par conséquent, des niveaux de prix réglés aux producteurs en nette progression par rapport à l’exercice 2019. Une bonne maîtrise des charges de la structure, de façon concertée avec les administrateurs, a permis de maintenir un résultat d’exploitation positif. Le tout, je le rappelle, dans un contexte de crise sanitaire dont l’effet a été limité sur le plan commercial, mais qui a apporté son lot de contraintes et d’exigences sur le plan opérationnel ». 

Quelles sont aujourd’hui vos prévisions pour la saison 2021 suite à l’épisode de gel qui a durement touché vos coopérateurs ? 

K. S.-J. : « En pêches, nous envisageons une demi-récolte, avec un noyau de producteurs plus au sud de Loriol qui a été un peu moins impacté. En revanche, en abricots nous sommes touchés à plus de 90 %, idem en cerises. En prunes et poires, on peut parler de presque 100 % de pertes. Enfin, en pommes et kiwis, il est encore trop tôt pour évoquer des prévisions ». 

Comment allez-vous faire face ? 

K. S.-J. : « Nous allons adapter et dimensionner notre mode de fonctionnement en interne pour maintenir l’activité en pêches-nectarines qui constitue notre cœur de métier. Nous savons déjà que nous serons sur deux lignes de production au lieu des quatre habituelles. Il faudra beaucoup de polyvalence de la part de nos permanents car nous n’aurons pas de continuité dans les apports. Nous comptons sur leur agilité et leur adaptabilité. L’enjeu sera d’optimiser la présence de la main-d’œuvre saisonnière qui, immanquablement, sera réduite cette année. Sur le plan financier, l’entreprise s’appuie sur une structure de bilan fiable et une bonne gestion pour aborder les difficultés associées à la baisse de volume. Je veux cependant rappeler que la situation de nos coopératives face à ce gel n’a rien à voir avec celle vécue par d’autres secteurs d’activité durant la crise du Covid. Pour nos coopératives et exploitations, pas question de fermer la porte et de revenir dans six mois. Nous travaillons sur des produits vivants, des cultures pérennes. Les producteurs doivent continuer à investir dans leurs vergers. Notre pôle technique doit pouvoir les accompagner y compris dans les démarches qualité en cours, notamment la certification environnementale, avec une volonté de faire passer plus de 80 % de nos volumes en HVE. » 

Qu’attendez-vous des Pouvoirs publics ? 

K. S.-J. : «  Il est nécessaire qu’ils nous accompagnent sur les charges fixes. Nos entreprises doivent passer ce cap et continuer à exister pour apporter le service aux adhérents qui ont fait un vrai choix stratégique en déléguant le conditionnement et le commerce. L’Etat et la Région ont bien entendu, je pense, que les coopératives sont la continuité des exploitations. Mais reste à savoir quel sera le montant de l’accompagnement. Le réseau coopératif de la région est confronté a minima à 70 % de pertes de volumes en fruits. Ça veut bien dire que nous avons besoin d’aides directes sur les charges fixes pour être là demain, et d’accompagnements bancaires et sociaux. Nous ne pourrons pas nous contenter de saupoudrage, ce n’est pas possible. L’Etat nous a poussé à nous regrouper, à nous organiser pour être plus performant face au marché. S’il y a un signe à donner aujourd’hui il est bien là. J’attends de voir comment il va accompagner les OP, les coopératives. »

Lorifruit avait défini en 2020 des axes stratégiques pour les cinq années à venir. Où en êtes-vous de ces projets ? 

K. S.-J. : « A l’issu d’un séminaire en janvier 2020, nous avions effectivement défini une stratégie à court et moyen terme pour notre structure. La crise sanitaire a amené de l’inertie dans la mise en place de ces projets. Mais nous poursuivons ces objectifs et le gel ne les remet pas en cause. Nous avons renforcé notre service technique pour structurer les projets de développement. Nous voulons donner de la visibilité à nos producteurs dans les choix à faire pour leurs productions, notamment sur le kiwi dont nous reparlerons à l’automne. Nous travaillons également sur l’ouverture de notre structure aux productions légumières. Après une première saison de conditionnement et d’expédition en 2020, nous allons poursuivre cette année. Nous nous donnons trois ans pour vérifier la rentabilité de cette orientation. 

Après l’épisode de gel que nous venons de traverser, je n’ai qu’un message pour les coopérateurs : il faut garder confiance et plus que jamais, par des moyens techniques, œuvrer à adapter notre métier pour exister demain. Ça nous oblige, entre autres, à une plus grande solidarité entre producteurs et au sein de la filière. »

Propos recueillis par S.Sabot

En bref

Lorifruit, dont le siège se situe à Loriol, représente une quarantaine de producteurs et 350 hectares de vergers.