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BÂTIMENTS

Privilégier les projets de construction  plus raisonnés et plus élaborés

La hausse de 30 % des coûts des matériaux en deux ans pour la construction des bâtiments d’élevage a ralenti les investissements. Des conseillers en élevage recommandent de mieux raisonner et calibrer les projets en se faisant surtout accompagner.

Privilégier les projets de construction  plus raisonnés et plus élaborés
Les coûts des charpentes ont connu une forte hausse en 2021. © Institut de l’Elevage

La hausse des prix des matières premières a eu un impact sérieux sur les coûts de la construction des bâtiments d’élevage. Faut-il limiter les investissements avec la hausse des coûts de l’énergie ? Faut-il prendre en compte l’effet sécheresse ? Tanguy Morel, chef de projet en bâtiments d’élevage pour ruminants à l’Institut de l’élevage de Lyon avance plusieurs recommandations aux éleveurs de bovins, ovins et caprins. « Tous ces facteurs ont ralenti les projets de construction de bâtiments d’élevage qui subissent la hausse des coûts du bois, de l’acier, du béton… Les coûts des charpentes ont connu une forte hausse en 2021. Depuis plus de deux ans, les corps de métiers du bâtiment ont passé des hausses élevées. Les prix ont flambé de plus de 30 %. Cette année, la hausse des coûts des bâtiments se monte à 10 %. Nous n’avons aucune visibilité sur le moyen et le long terme. La prudence est donc de mise en matière d’investissements car les cours peuvent varier rapidement. » Cette opinion est partagée par Bertrand Fagoo de l’Institut de l’élevage qui a réalisé une étude interne pour le ministère de l’Agriculture en 2020 sur les coûts des bâtiments pour les ruminants en France. Ce chef de projet confirme le manque de visibilité à moyen et long terme sur l’évolution des coûts des matières premières. « Depuis décembre 2020, on a enregistré une hausse de 30 % des coûts des bâtiments. On constate un ralentissement de la construction neuve mais il y a encore des projets d’amélioration de l’existant, essentiellement de la modernisation. Dans l’ensemble, les projets sont plus modestes en termes d’investissements. Avec l’inflation, la hausse générale des charges et la sécheresse, nous sommes inquiets pour cet hiver et les années futures. Le monde de la construction ne réalise pas encore les effets de cette crise inflationniste. »

La durabilité des devis

On constate déjà en région Auvergne-Rhône-Alpes un ralentissement des projets de construction des bâtiments d’élevage. Les zones géographiques qui ont subi la sécheresse de plein fouet pendant l’été 2022 sont plus affectées par ce ralentissement. « Les zones géographiques sensibles au réchauffement climatique, dont certaines zones de montagne, compliquent les choix des éleveurs sur le plan économique car un ruminant consomme du fourrage et il y aura un déficit en alimentation pour beaucoup d’éleveurs. Le choix d’un nouveau bâtiment doit être encore plus étudié », remarque Bertrand Fagoo. Ce ralentissement des projets de construction risque d’avoir un effet sur le vieillissement du parc des bâtiments d’élevage. Quelle est la durabilité des devis dans un tel contexte économique ?  « Certains devis sont parfois valables le jour même ou quelques semaines. Généralement, c’est une quinzaine de jours. Il n’y a plus de règles générales », reconnaît Tanguy Morel.

Réaliser un projet avec rigueur

Face à ce cumul de hausse des prix de matières premières, de sécheresse et d’incertitude sur l’évolution des coûts de l’énergie, les conseillers recommandent beaucoup de prudence aux éleveurs pour la réalisation de leurs projets. Bertrand Fagoo avance plusieurs mesures indispensables pour tous les projets : « Il faut prendre le temps de la réflexion avant de construire un bâtiment. Les projets doivent être plus raisonnés et plus élaborés. Il existe en France un réseau de conseillers qui accompagnent les éleveurs dans l’avant-projet. Ces structures (organismes de conseil en élevage) sont indépendantes et ne vendent que du conseil. Elles ont une approche objective. Si l’exploitation est limite en termes de performances économiques et techniques, cela peut déstabiliser le projet. Il faut donc une bonne base économique et technique avant de se lancer dans un investissement. » La liste des conseils est longue pour toute opération de construction : rigueur au montage du projet, dans le calibrage du projet, le choix des entreprises. Il faut chiffrer le projet, prendre des marges de sécurité, vérifier ses capacités de financement, s’assurer d’une étude économique sérieuse et se faire surtout accompagner par des structures comme les chambres d’agriculture. Des pistes de réflexion sont en cours dans la région Auvergne-Rhône-Alpes pour faciliter les demandes de subventions et éviter la multiplication des devis.

Pierre-Louis Berger