Hervé Lauzier, la passion des amandes

«L'amande reste un produit confidentiel et recherché. Je cultive des variétés de manière raisonnée qui correspondent aux attentes d'une clientèle haut de gamme », avoue Hervé Lauzier, amandiculteur depuis 1988 sur la commune de Châteauneuf-du-Rhône, à quelques kilomètres seulement de la cité du nougat. Pour autant, ses amandes sont utilisées dans les quatre coins de la France et de l'Europe, à destination des chocolatiers, confiseurs et autres nougatiers. « Nous vendons de moins en moins en direct, à la ferme ou dans les boutiques », fait-il remarquer.
Lorsqu'il a repris l'exploitation familiale, Hervé Lauzier cultivait soixante hectares (ha) de semences. Après la réforme de la politique agricole commune (Pac) en 1988 et l'application du système des quantités maximales garanties sur les céréales, il s'est dirigé naturellement vers les plantes à parfums, aromatiques et médicinales (Ppam) et les amandiers.
Sud-Drôme : environ 150 ha d'amandiers
Hervé Lauzier a donc débuté avec trois ha d'amandiers pour en cultiver désormais 25. « Aujourd'hui, le sud de la Drôme doit compter environ 150 ha d'amandiers », précise-t-il. Son verger comprend cinq variétés : lauranne, ferragnès, mandaline, ferraduel et ferrastar. Sur ces dix dernières années, l'exploitant a récolté en moyenne 800 kg d'amandes à l'hectare, soit environ 20 tonnes par an. Cette année, sa récolte ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Il explique cela par les conditions météorologiques de l'an passé : le violent orage de grêle du 7 mai 2018, suivi d'un mois de juin très pluvieux et très froid, ont conduit à une très mauvaise induction florale. Ensuite, les mois de septembre et d'octobre ont été très secs et, malgré l'irrigation, les arbres ont beaucoup souffert. « J'estime la perte à 50 % par rapport aux années normales ».
Californie et Espagne, ces « gros » qui font du tort
Une récolte insuffisante combinée à la concurrence toujours plus intense de la Californie ou de l'Espagne. En France, les amandes sont vendues entre 10 et 12 euros le kg, soit pratiquement le double des amandes étrangères du fait des coûts de revient plus élevés. « On vend ce produit peut-être cher mais nous tenons à mettre en avant le terroir, le goût, la qualité... », explique-t-il, alors que de nouveaux pays, tels que la Chine ou le Japon, se mettent à consommer de l'amande. D'autre part, si la France en produit chaque année environ 500 tonnes, c'est encore trois fois moins qu'en Californie.
« Le marché français doit s'agrandir »
Une culture intensive qui mène à une révision de la production d'amandes sur le territoire français : « Le marché français doit s'agrandir et proposer plus de volumes, estime Hervé Lauzier. Mais il faut maintenir notre niveau de qualité et ,surtout, prendre conscience que le cours de l'amande ne va pas aller vers la hausse... ».
Pour contrer cette concurrence étrangère, Hervé Lauzier et certains de ses confrères ont comme projet de relancer l'ancien groupement interrégional de producteurs d'amandes (Gipa). « Cela nous permettrait non seulement d'avoir un interlocuteur privilégié avec les autorités régionales mais aussi de mutualiser notre travail et notamment nos recherches de moyens de lutte contre le ver de l'amande, l'eurytoma. »
La suppression du glyphosate inquiète
Aujourd'hui, l'exploitant s'attache à réaliser des cultures raisonnées, en promouvant les engrais verts. Il avoue d'ailleurs ne pas avoir beaucoup de solutions au niveau des produits phytosanitaires, en nette disparition. « La préservation de l'environnement est au cœur des interrogations de notre clientèle », indique Hervé Lauzier. Pour autant, le gros défi auquel vont devoir faire face les agriculteurs est la suppression prochaine du glyphosate. Un sujet qui inquiète Hervé Lauzier : « Pour s'en séparer, il va falloir se structurer, changer nos méthodes. Pour ma part, ce sera un investissement de 30 000 euros : je vais devoir changer tout mon système d'irrigation, utiliser davantage de matériel, avoir plus de main-d'œuvre... ». Comme dans les autres filières agricoles, le monde de l'amande est en pleine évolution. Reste à savoir de quelle façon sera géré ce grand tournant.
Amandine Priolet
L’amande en chiffres clés
- Production française : 500 tonnes environ.- Production mondiale : 1,7 million de tonnes environ (dont 1,5 en Californie, 80 000 t en Espagne).
- Consommation française :
30 000 tonnes.
- Prix à la production de l’amande française : entre 10 et 12 €/kg.
- Prix à la production de l’amande étrangère : entre 5 et 7 €/kg.
Léa Lauzier, dans
les traces du paternel
Petite-fille et fille d’agriculteurs, Léa Lauzier a baigné dans le milieu agricole depuis sa plus jeune enfance. Comptable dans un cabinet montilien, elle est finalement revenue à ses premières passions en créant sa pépinière de plantes à parfums, aromatiques et médicinales (Ppam), le 1er octobre 2016, sur les terres de son père. A 30 ans, la jeune femme fait également partie du bureau des Jeunes Agriculteurs (JA) de la Drôme, présidé par Jordan Magnet. Elle occupe le poste de secrétaire générale adjointe, aux côtés de Benjamin Aubert.