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Arboriculture

Charles & Alice :  la carte du partenariat  avec les producteurs locaux

Depuis dix ans, le Gaec Fauriel frères à Loriol (Drôme) fournit 30 % de sa production de pommes à l’industriel Charles & Alice, leader français des desserts aux fruits. Le spécialiste de la compote est en recherche de nouveaux partenaires pour faire face à une demande en hausse, notamment en poire.

Charles & Alice :  la carte du partenariat  avec les producteurs locaux
De gauche à droite : Thierry Goubault, PDG de Charles & Alice, Stéphanie Jacq, directrice des achats, et Marc Fauriel, arboriculteur à Loriol. ©PLB

Engager un partenariat sur le moyen et le long terme, voilà le chemin pris il y a dix ans par le Gaec Fauriel frères à Loriol et le leader français des desserts aux fruits, Charles & Alice. L’entreprise achète 40 000 tonnes de pommes dans un rayon de 200 km autour de ses deux ateliers de transformation situés à Allex (Drôme) et Monteux (Vaucluse). « Notre philosophie s’articule autour de deux objectifs : s’approvisionner en France et le plus localement possible. Sur la gamme de nos produits, 70 % des fruits sont d’origine France et nous voulons poursuivre cette croissance en renforçant nos collaborations avec les producteurs de fruits sur du long terme », explique Thierry Goubault, PDG de Charles & Alice. Le groupe pèse 178 millions d’euros avec 465 collaborateurs et possède une marque présente à la fois en grande distribution et en restauration collective. Aujourd’hui, l’entreprise est en recherche de partenaires qu’elle entend accompagner dans toutes les étapes, pour leur donner de la visibilité et en même temps sécuriser les approvisionnements.
Générer un chiffre d’affaires à l’hectare
Thierry Goubault et Stéphanie Jacq, directrice des achats, se sont rendus au Gaec Fauriel frères (quatre associés) pour évaluer les volumes de pommes disponibles sur l’exploitation de 110 ha en culture biologique et estimer la qualité sanitaire, la coloration, le taux de sucre et le calibre des fruits dans un contexte climatique délicat marqué par des problèmes d’approvisionnement en eau. Les deux représentants de Charles & Alice ont parcouru un verger de pommiers constitué des deux variétés Golden et Crimson Crisp bio. Le Gaec Fauriel frères (40 ha de pommes, 40 ha de pêchers, 12 ha de poires, 10 ha de cerises, 8 ha d’abricots) a mis en place un système d’irrigation mais a dû baisser de 60 % ses prélèvements en eau dans la nappe phréatique du Rhône. « Nous avons dû nous plier à des tours d’eau de plus en plus restrictifs », indique Marc Fauriel, l’un des associés. L’exploitation familiale, agréée en bio il y a cinq ans, vend 70 % de sa production en fruits de table aux enseignes Carrefour, Intermarché, Biocoop, La Vie Claire, Satoriz ainsi qu’à des grossistes et 30 % de sa production déclassée à Charles & Alice. Elle a su développer des variétés résistantes aux maladies, comme la tavelure, et s’est équipée d’éoliennes contre le gel et de filets de protection contre la grêle et les piqûres d’insectes. 95 % du verger de pommiers est ainsi protégé par des filets anti-grêle.

Générer un chiffre d’affaires constant

La production de pommes s’annonce plus importante en volume en 2022, entre 1 200 et 1 400 tonnes, soit le niveau de l’année 2019. « 30 % de notre production de pommes est destinée à l’industrie dont 90 % pour Charles & Alice. Ce sont souvent des pommes déclassées avec un problème de coloration. Cette année, le taux de sucre est élevé. Les restrictions en eau et la chaleur ont favorisé une accélération de la maturité. Nous avons dix à quinze jours d’avance sur la récolte par rapport à l’an passé. Elle a démarré le 15 août et devrait se terminer début octobre. Grâce au partenariat engagé depuis dix ans avec Charles & Alice, nous arrivons à pérenniser nos volumes et à générer un chiffre d’affaires constant à l’hectare. Nous nous développons sur les marchés du frais et du fruit déclassé. Aujourd’hui, le consommateur veut un fruit impeccable, sans tache, de beau calibre avec une coloration régulière, indique Luc Fauriel, co-responsable du Gaec familial. Malgré ce partenariat sur le long terme, avec le contexte actuel de restriction d’eau et une hausse importante du coût de l’énergie qui a doublé sur la station de conditionnement passant de 3 000 à 6 000 euros, nous nous posons la question de l’avenir pour la production de pommes », s’inquiète Marc Fauriel.

« Le nerf de la guerre, c’est l’énergie »

De son côté, Charles & Alice investit de manière régulière cinq à sept millions d’euros par an dans l’énergie, l’économie d’eau et le recyclage des matériaux qui sont ses trois axes de développement. « Le nerf de la guerre, c’est l’énergie ! L’augmentation annoncée est énorme. Nous investissons sur les énergies alternatives et nous travaillons actuellement sur un concept d’éolienne pour un site de production », indique le PDG qui ne cache pas une certaine inquiétude sur la répercussion des prix de l’énergie sur les prix de vente. Le chef d’entreprise avance une augmentation de plus de 5 % sur le prix de vente de ses compotes, soit huit à dix centimes d’euros par paquet de quatre pots.

Pierre-Louis Berger

En recherche de partenaires 

Charles & Alice mise sur la « refruitalisation des vergers français » et le localisme, véritable socle sur lequel s’appuie l’identité de la marque et de l’entreprise. Elle a développé un réseau avec différents fournisseurs de pommes ce qui lui permet de s’approvisionner localement. Le marché des compotes et des desserts aux fruits est porteur mais la demande des consommateurs est de plus en plus exigeante : traçabilité, localité, goût. La marque a ainsi noué des partenariats avec une vingtaine de producteurs de pommes bio et une soixantaine de pommiculteurs du Vaucluse ayant obtenu la certification HVE (les pommes HVE sont utilisées dans les recettes 100 % pommes en restauration hors foyer). Charles & Alice cherche aussi à éviter des contrats de courte durée. « Nous essayons de développer des partenariats à moyen et long terme avec les arboriculteurs. L’équipe des achats se déplace sur le terrain et accompagne les producteurs. Nous voulons développer ces échanges afin de pérenniser les volumes. Nous sécurisons les apports et nous apportons des garanties d’approvisionnement sur tous les sites. On s’engage sur un prix, sur un volume et un profil de stockage. Nous sommes toujours en recherche de partenaires », détaille Stéphanie Jacq. 
Pierre-Louis Berger

Relancer la production de poire Williams

Relancer la production de poire Williams
© DR

La pomme n’est pas le seul fruit à intéresser l’industriel Charles & Alice qui participe au développement de nouvelles filières de fruits français. L’entreprise investit depuis deux ans dans la poire Williams, une variété ancienne qui est particulièrement appréciée pour les desserts aux fruits. Il y a aujourd’hui un gros déficit sur ce fruit en France. « Si on ne fait rien sur la poire Williams, dans dix ans, nous n’en aurons pas assez et le fruit manquera dans nos assiettes », indique l’industriel. C’est pourquoi l’entreprise a décidé d’accompagner quatre jeunes agriculteurs dans les Hautes-Alpes pour la plantation d’un verger de poires Williams de 10 ha, soit un volume de 450 tonnes. L’entreprise  s’est engagée sur les prix et le maintien des volumes via un contrat sur quinze ans. « La plupart de nos contrats ont une durée moyenne de cinq ans en pomme. Pour la poire Williams, nous nous projetons sur quinze à dix-huit ans pour sécuriser nos volumes et rassurer les producteurs », ajoute Thierry Goubault. Autre exemple de contractualisation avec la rhubarbe, une production déficitaire. « Nous n’en trouvions pas assez en France. Cette fois, nous avons dû aller dans les Hauts-de-France pour des raisons de climat plus humide, afin de trouver un producteur et de convenir d’un partenariat pour produire de la rhubarbe française », précise Stéphanie Jacq.
P-L.B