Son projet de hangar est remis en cause par des riverains
A Soyans, le permis de construire pour un hangar photovoltaïque accordé à un jeune agriculteur est attaqué devant le tribunal administratif. Un recours qui le met en grande difficulté car il ne dispose d’aucun bâtiment pour son activité agricole.

Quatre ans après son installation, Jordan Magnet ne dispose toujours pas de bâtiment agricole pour son exploitation. Son hangar de 680 m² couvert d’une toiture photovoltaïque, pour lequel il a obtenu le permis de construire en novembre 2019, aurait dû sortir de terre depuis plusieurs mois. Mais des voisins et une association locale ont lancé une procédure qui menace le projet. « Ils ont d’abord saisi le maire pour un recours gracieux. La mairie n’ayant pas donné suite à cette demande d’annulation, j’ai décidé en juin 2020 de lancer les travaux. Mais en juillet, j’ai reçu un courrier recommandé de leur avocat m’indiquant qu’un recours en annulation du permis de construire avait été déposé devant le tribunal administratif de Grenoble », raconte le jeune exploitant. Les arguments avancés par l’association selon lui : le bâtiment ne serait pas nécessaire au projet agricole et il gâcherait le paysage. Sauf que Jordan Magnet a bel et bien besoin de ce hangar et comptait sur sa construction au plus tard avant l’été 2021.
« En janvier 2017, j’ai récupéré une vingtaine d’hectares à mon oncle qui prenait sa retraite. Par prudence, j’ai réalisé un minimum d’investissements et démarré sans bâtiment. La première année, j’ai pu utiliser ceux de mon oncle avant que son fils s’installe à son tour », justifie-t-il. Dès 2017, il a lancé son élevage de porcs plein air* sur deux hectares de landes en conversion bio. La même année, il a entamé la conversion de cinq hectares de terres labourables sur lesquelles il a produit luzerne et blé. Aujourd’hui, les vingt hectares qu’il exploite en plus des deux hectares de parcours sont en bio ou en conversion. « J’ai fait évoluer mes rotations en conséquence et depuis cette année, je diversifie avec des lentilles, des lavandes, des semences potagères en betterave rouge et courge muscade, du fenouil graines… », explique l’agriculteur. Il lui faut désormais stocker dans de bonnes conditions le matériel destiné aux parcs mobiles de son élevage, la bétaillère, l’aliment qui lui est livré en cuves de 700 kg et les céréales de sa production qu’il compte introduire dans l’alimentation des porcs. Sans oublier l’espace nécessaire pour mettre à l’abri la luzerne fourragère, désormais indispensable dans son système en agriculture biologique, et la lentille, qu’il compte valoriser en circuit court.
« J’ai déjà perdu plus d’un an »
« Jusqu’à présent, mon père m’a dépanné mais ce n’est plus possible d’utiliser ses bâtiments pour nos deux exploitations, souligne-t-il. Je ne peux pas me passer de ce hangar : son emplacement est central par rapport à mes terres et mon élevage et me permet un accès à la route avec une bonne visibilité ». Il sait que la couverture photovoltaïque est particulièrement visée par les opposants au projet. « Mais l’insertion paysagère avec des plantations d’arbres est prévue dans le dossier que j’ai déposé pour le permis de construire », insiste l’agriculteur.
Il hésite pourtant à démarrer les travaux compte tenu du risque de voir annuler son permis de construire par le tribunal administratif. « Ce qui est le plus difficile à vivre, c’est que ce projet a été validé par toutes les instances devant lesquelles il a été présenté : direction départementale des territoires (DDT), commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers… Tout cela n’a servi à rien et j’ai déjà perdu plus d’un an dans la réalisation. Sans oublier le dénigrement dont j’ai fait l’objet : tracts, banderoles sur la parcelle du futur bâtiment... », déplore le jeune exploitant. Avant d’interroger : « Nous sommes une quinzaine d’agriculteurs sur la commune, avec une bonne dynamique d’installation sur de petites surfaces, des systèmes diversifiés pour tenter de nous adapter au changement climatique. Pourtant plusieurs bâtiments ont déjà été contestés par ceux qui attaquent mon projet. Que souhaitent-ils ? Un village avec un seul agriculteur qui concentre toutes les terres et implante de gros bâtiments en un même endroit ? » Une perspective que rejette totalement Jordan Magnet qui, engagé au sein du syndicat Jeunes Agriculteurs, milite pour des exploitations « viables, vivables et transmissibles demain ».
S.Sabot
* naisseur engraisseur, 40 porcs transformés par an, abattage à Romans, découpe et transformation par des prestataires, commercialisation sur le marché de Crest toute l’année, La Touche de mai à décembre et Puy-Saint-Martin l’été.
Vincent Bardet, avocat partenaire de la FDSEA de la Drôme : « Il est parfois préférable de déposer un nouveau permis »

Quelles sont les formes et délais de recours possibles contre un permis de construire ?
Vincent Bardet : « Dans les deux mois qui suivent la date d’affichage du permis sur le terrain, une personne physique (voisin) ou morale (association) ayant un intérêt à agir peut en demander l’annulation sous la forme d’un recours “gracieux” ou d’un recours contentieux. Le recours à titre gracieux est porté devant l’auteur de la décision (en principe le maire), à qui on va demander de retirer le permis. Le maire a alors deux mois pour se prononcer à compter de la date de réception de la demande (sans réponse de sa part dans ce délais, la demande d’annulation est considérée comme rejetée). En cas de rejet du recours gracieux, la personne qui conteste le permis a de nouveau deux mois, à compter de la date de rejet, pour déposer un recours devant le tribunal administratif. »
Qu’est-ce qu’implique un recours devant le tribunal administratif ?
V.B. : « Les délais du recours contentieux sont longs, un à deux ans, mais il n’a pas d’effet suspensif. L’agriculteur peut parfaitement débuter les travaux. C’est toutefois dangereux si le permis venait à être annulé. Les contestataires peuvent également, si la construction débute, tenter un “référé suspension”, c’est à dire demander au tribunal administratif de suspendre les effets du permis pendant toute la période du contentieux. »
Si l’opposant au projet a gain de cause, un recours est-il envisageable pour l’agriculteur ?
V.B. : « Si le permis de construire est annulé, un appel devant la cour administrative d’appel est possible. Mais celui-ci n’est pas suspensif de la décision du tribunal administratif. Le projet doit donc s’arrêter le temps de cette nouvelle procédure. C’est pourquoi, en fonction des motifs d’annulation, il est parfois préférable de déposer un nouveau permis en corrigeant ce qui a posé problème dans le premier. »
Vers qui se tourner si on se retrouve dans une telle situation ?
V.B. : « La représentation par un avocat n’est pas obligatoire devant le tribunal administratif. Cependant il s’agit d’un contentieux extrêmement technique. Mieux vaut prendre contact avec un spécialiste de ces questions en interrogeant la protection juridique de son assurance, son syndicat agricole ou la structure qui vous a accompagné pour monter le permis de construire.
A savoir également, les angles d’attaque au tribunal administratif concernent soit la légalité externe, le contestataire va alors rechercher la faille dans la forme de l’acte, soit la légalité interne, c’est à dire le fond du permis de construire. En agricole, ce qui est le plus souvent attaqué, c’est l’insertion paysagère ou l’utilité de la construction en zone agricole. D’où l’intérêt d’être représenté par un avocat expert de ces questions. »
Propos recueillis par S.S