Arboriculture
Fruits d’été : des récoltes très précoces et plutôt faibles

Dans la Drôme, en fruits d’été, 2020 se caractérise par du gel sur certains secteurs, une faible récolte et une avance de maturité d’au moins deux semaines.
Fruits d’été :  des récoltes  très précoces  et plutôt faibles

En cerises, les prix étaient soutenus jusqu'à début juin mais il y avait beaucoup d'écarts de tri, indique Régis Aubenas, président de la section fruits de la FDSEA. Après, la qualité sanitaire était bonne mais les prix avaient baissé. 2020 reste tout de même « une campagne honorable », estime-t-il. En abricots et pêches cette année, toute l'Europe est dans une situation de faibles tonnages.
Dans la Drôme, la récolte est de l'ordre de 50 % du potentiel de production, voire moins en abricots. Le gel a causé des dégâts surtout dans les Baronnies. Des zones de la vallée du Rhône ont souffert aussi, même si c'est à un degré moindre et si les vergers protégés s'en sortent mieux. En pêches et nectarines, il reste autour de 70 à 80 % de la production sur le département ; des secteurs ont été très touchés par le gel au sud de Valence, notamment celui de Loriol... « La récolte est très faible, constate Marc Fauriel (Fauriel Fruits, à Loriol). Je n'avais jamais vu autant de dégâts de gel sur notre exploitation (toute en bio depuis cette année). » Résultat : 250 tonnes de pêches au lieu des 800 espérées.

Au moins deux semaines d'avance

Autre caractéristique, en abricots comme en pêches, la saison est très précoce : « deux semaines d'avance sur 2019 (qui était une saison à peu près normale), comme en 2011 », signale Régis Aubenas. En abricots, la commercialisation de Bergeron est presque terminée. La saison devrait finir vers le 10 août. Habituellement, c'est à la fin de ce mois-là. « L'avance est même de trois semaines dans certaines variétés, complète Marc Fauriel. Je n'avais jamais connu une telle précocité. » En poires sur le secteur de Loriol, la récolte arrive avec, également, « bien 15 jours d'avance et de tous petits volumes à cause du gel ».
En termes de qualité gustative, les taux de sucres sont bons. Sur le plan sanitaire, « les fruits tiennent car il fait chaud, commente Régis Aubenas. Mais les dégâts de cicadelles (qui piquent les tiges et les font sécher) va crescendo. Ce problème, lié au climat chaud et sec, est catastrophique car on n'a pas de matière active pour les maîtriser. » En bio, « la qualité sanitaire est difficile à gérer, d'autant plus avec les pluies dernièrement tombées », fait remarquer Marc Fauriel. Du fait du gel, les fruits sont moins nombreux, plus gros, comportent des microfissures qui sont des portes d'entrées de maladies. « Même en production conventionnelle, c'est compliqué avec le choix de matières actives de plus en plus limité, des cahiers des charges de plus en plus restrictifs », ajoute-t-il. La gestion de la main-d'œuvre, « elle aussi, est complexe cet été car les besoins en personnel ne sont pas forcément les mêmes d'une semaine à l'autre, certaines variétés étant chargées à 80 % et d'autres à 10 % ». La récolte de pommes s'annonce en avance également et « plutôt exceptionnelle » : une belle coloration, déjà un très bon taux de sucres pour la période et du volume (la floraison étant plus tardive, le gel n'a pas impacté la production).

La situation économique des arboriculteurs sera très hétérogène, cette campagne. Les résultats dépendront du tonnage récolté. Les prix ne compenseront pas les pertes de volume.

Ventes : mieux en abricots qu'en pêches

Côté ventes, en abricots, la saison se déroule plutôt bien, la production étant déficitaire. Donc, « les prix sont assez fermes mais ne compenseront pas le manque de tonnage », précise Bruno Darnaud, président de l'AOP* pêches et nectarines de France. En pêches et nectarines, tout comme Régis Aubenas, il signale que le début de saison s'est bien passé. Puis, début juillet, les pêches ont peiné à sortir des stations. « On a perdu 20 % de la valeur en deux semaines, précise Régis Aubenas. Le commerce, qui n'avait pas intégré l'avance de maturité des fruits, a fait baisser les cours. Les distributeurs sont revenus à une guerre des prix, que l'on n'avait plus vue depuis 2018. Cela a été un peu compliqué en pêches mais les cours sont redevenus corrects. En nectarines, le marché est plus fluide. A présent, les ventes suivent leur cours avec des prix plus élevés mais sans compenser la baisse de volume. »

Une situation très hétérogène

La consommation de pêches, Régis Aubenas la qualifie de « modérée » : l'offre a suffi pour alimenter le marché jusque-là. « Pour la dernière partie de la saison, on sera en sous-offre. Mais, si on en avait eu davantage, la commercialisation aurait été difficile. Et, malgré son manque de production, l'Espagne reste agressive. Actuellement, elle alimente encore un tiers du marché français. » Les GMS n'ont que récemment basculé sur la pêche française. Et les grossistes continuent à acheter de la production ibérique. Et en bio, « on sent qu'il en faudrait peu pour que le marché soit déstabilisé, ce n'est pas l'euphorie. Les prix sont corrects mais pas exceptionnels ni spéculatifs comme on pourrait le croire au regard du manque de volume ».
De l'avis de Régis Aubenas comme de Bruno Darnaud, au final, la situation économique des arboriculteurs sera très hétérogène cette campagne. Les résultats dépendront du tonnage. Ils seront insuffisants pour les producteurs en dessous de 50 % de récolte (les prix ne compensant pas le manque de volume), les autres s'en tireront mieux. C'est aussi le sentiment de Marc Fauriel : « Ce sera compliqué pour ceux qui ont des petits volumes, même en bio ». 

Annie Laurie

*AOP : association d'organisations de producteurs.

 

Dans les Baronnies et le Nyonsais, globalement, les 80 % de perte d’abricots ont été dépassés.

Abricot des Baronnies / Du gel mais un peu de baume au cœur

Le gel de fin mars dans les Baronnies et le Nyonsais est « le plus impactant de ces quatre dernières années sur la production d’abricots, fait remarquer Benoît Chauvin-Buthaud, conseiller en arboriculture à la chambre d’agriculture de la Drôme. Globalement, les 80 % de perte d’abricots ont été dépassés. Des exploitations ont tout perdu, d’autres ont entre 5 et 10 % de récolte. Et celles qui ont pu protéger une partie de leur verger atteignent 20 à 30 % ». L’avance de maturité des fruits est de 10 à 12 jours par rapport à une année normale. La situation sanitaire est satisfaisante, mis à part des dégâts de capnodes et de drosophila suzukii. Du fait des conditions climatiques et de la sous-charge des arbres, les abricots sont de très belle qualité, la coloration et les taux de sucres sont très bons. Sur le plan commercial, « la saison se passe très bien pour les producteurs vendant à des détaillants et des grossistes, ce qui est le cas le plus fréquent », souligne Benoît Chauvin-Buthaud.Démarche IGPSi les dégâts de gel sont catastrophiques, une bonne nouvelle est tombée : l’abricot des Baronnies a reçu un avis favorable du comité national des IGP1, labels rouges et spécialités traditionnelles garanties de l’Inao2, qui a nommé une commission d’enquête pour la suite de la démarche de reconnaissance en IGP.  Une démarche lancée par le syndicat de valorisation de l’abricot des Baronnies en 2017 (dossier déposé en juin de cette année-là). De quoi mettre un peu de baume au cœur des arboriculteurs de ce secteur.  A. L.
1 IGP : indication géographique protégée.
2 Inao : institut national de l’origine et de la qualité.