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La ferme digitale

Mieux protéger les données des exploitations

La Ferme Digitale a organisé, le 9 juillet un débat en visioconférence sur le thème : « Les bonnes pratiques d’échange des data agricoles ». Valoriser et sécuriser les données des exploitations agricoles reste, à l’ère numérique, toujours plus d’actualité.

Mieux protéger  les données  des exploitations

«Mon exploitation génère et livre entre 10 000 et 15 000 données (data) par jour : comptabilité, contrôle laitier, coopérative... Tout s'effectue de manière informatique. Je sais où sont transmises certaines d'entre elles, mais pour la très grande majorité, je ne sais pas ce qu'elles deviennent, ni comment elles sont exploitées », indique Étienne Fourmont, éleveur laitier dans la Sarthe et « Youtubeurre ». Surtout, il pense ne pas avoir signé de contrat permettant aux récepteurs de ces données de pouvoir librement les exploiter. Or toutes ces informations constituent autant de richesses sur lesquelles les agriculteurs n'ont que très peu, voire aucun contrôle, et bien entendu aucun retour financier. Car de nombreux opérateurs s'appuient sur ces données pour développer, par exemple, des démarches qualité, mettre en place des blockchains et valoriser les produits agricoles agroalimentaires.
Retrouver la confiance
Henri Bies-Péré, deuxième vice-président de la FNSEA, n'aurait rien contre cette démarche si elle était organisée sur la base du volontariat, transparente, juridiquement encadrée et si « on pouvait renvoyer à l'agriculteur une partie de la valeur ajoutée » que certains se font sur leur dos. Se développe le sentiment que « nos opérateurs connaissent finalement mieux notre exploitation que nous et c'est un sentiment assez désagréable », acquiesce Étienne Fourmont. « Il faut remettre l'agriculteur en confiance. Beaucoup d'entre eux refusent de digitaliser leur entreprise par crainte de voir leurs données confisquées et détournées », remarque Henri Bies-Péré. C'est pourquoi ce dernier, avec le concours de Jeunes agriculteurs (JA), avait lancé, fin mars 2018, Data Agri, une « charte sur l'utilisation des données agricoles » visant à encadrer les questions de la propriété, du partage et de l'usage de ces données (lire encadré).
Stratégie d'entreprise
Pour Sébastien Picardat, directeur général d'API-Agro, les opérateurs doivent également s'assurer qu'ils ont le bon interlocuteur derrière l'écran. « Si le consentement dans la gestion et l'exploitation des données est important, il faut être certain de l'identité certifiée de notre correspondant », indique-t-il. En effet, chaque année, l'usurpation d'identité numérique touche plusieurs dizaines de milliers de Français. « L'idéal serait aussi d'inventer un langage commun et de standardiser les données », suggère Henri Bies-Péré. Mais aussi qu'il n'y ait pas d'échange de données sans consentement. « Ce serait plus transparent et plus sécurisant », souligne Étienne Fourmont qui est d'accord pour partager ses données organoleptiques avec sa laiterie, « mais pas avec ses voisins ». Les débatteurs regrettent, à mots à peine couverts, que les législations et réglementations existantes sur la protection des données soient insuffisantes. Ce qui fait qu'aujourd'hui, « la data est devenue une question de stratégie d'entreprise », conclut Henri Bies-Péré.

 

Data-Agri / Une charte pour protéger

Si la crise Covid a mis quelque peu entre parenthèses la campagne de communication de la charte Data-Agri, la FNSEA entend « la faire repartir dès l’automne », indique Henri Bies-Péré, vice-président de la FNSEA. « Il est important que les agriculteurs soient sensibilisés à ce qu’ils restent propriétaires des données captées par les opérateurs. Cette charte Data-Agri garantit à l’agriculteur que le contrat ne le dépossède pas de ses données, qu’il sera informé du devenir de celles-ci, que son consentement sera demandé en cas d’utilisation non prévue par le contrat initial, et qu’il pourra les récupérer en cas de rupture des relations avec son prestataire », affirme-t-il, menaçant de boycotter les opérateurs s’ils poursuivent ce qui pourrait s’apparenter à un pillage de données. Ce qui rend les agriculteurs plus méfiants vis-à-vis de certains fournisseurs et opérateurs et ce qui mécontente ces derniers. Or, « si dans le cadre de cette charte, la transparence est garantie, les agriculteurs pourront alors plus facilement faire confiance aux opérateurs. Les intérêts sont communs », souligne Henri Bies-Péré. « La bataille du revenu passe aussi par la maîtrise des données et du dossier numérique », conclut-il.