Crozes-Hermitage : une belle dynamique mais rien n’est acquis
L’assemblée générale du Syndicat des vignerons de l’AOC Crozes-Hermitage s’est tenue le 19 juillet à La Roche-de-Glun. Le point sur la situation de l’appellation avec son président Pierre Combat.

Avec les contraintes liées au Covid-19, votre assemblée générale a dû être décalée en plein milieu de l’été. C’est donc l’occasion de dresser le bilan de l’année 2020 mais également de porter un premier regard sur les futures vendanges. Que retenir de la récolte 2020 ?
Pierre Combat : « C’est une très belle récolte, qualitative, marquée par le sec sur certains territoires. Les volumes ont atteint 76 290 hectolitres [68 998 hl en rouge et 7 292 hl en blanc, NDLR], bien supérieurs à ceux de 2019 [57 935 hl, NDLR], où les vignobles avaient été touchés par la grêle en juin et juillet. Les transactions avec les négoces depuis janvier 2021 sont sur une belle dynamique et les cours du vrac sont très bons. »
D’un point de vue commercial, comment la crise du Covid-19 a-t-elle affecté les Crozes-Hermitage en 2020 ?
P. C. : « De mars à décembre 2020, les choses ont été très compliquées. Avec la fermeture des restaurants, nous avons sorti beaucoup moins de bouteilles alors que c’est un circuit où les Crozes-Hermitage se vendent particulièrement bien. Nous avons souffert aussi à l’export. Heureusement, la grande distribution a continué à tourner et à écouler des volumes. Les cavistes également ont bien travaillé car les gens se sont fait plaisir chez eux durant ces périodes de confinement. Mais ce que je tiens à souligner c’est que l’année 2020 nous a fait prendre conscience que rien n’est acquis et qu’une taxe export [la « taxe Trump », NDLR], une pandémie peuvent venir bouleverser un équilibre économique. »
L’année 2021 est marquée par le gel d’avril. Qu’en est-il pour l’appellation Crozes-Hermitage ?
P. C. : « Si l’on considère l’appellation dans sa globalité, on peut dire qu’il y a peu de dégâts. Certaines parcelles au nord et à l’est de l’appellation ont cependant été très touchées, avec des pertes importantes. Mais, dans l’ensemble, Crozes-Hermitage s’en sort relativement bien, sans que l’on puisse donner d’explication particulière à cette situation. Nous avons tout simplement eu beaucoup de chance. »
L’autre particularité de cette campagne 2021, c’est la pluviométrie importante depuis le printemps. Quelles conséquences ?
P. C. : « Les vignes auraient préféré un temps un peu plus sec. Mais, si la météo nous aide enfin, on fera un très bon millésime. Les vignerons ont mis tout en œuvre pour réussir. Par contre, on peut noter que cette année, cela va coûter très cher de sortir une bouteille de vin en Crozes-Hermitage. Nous avons tous passé des heures et des heures de travail sur la végétation. D’autant que notre appellation est en train de supprimer au maximum le glyphosate. Bon nombre de vignerons ne désherbent plus et se sont mis à travailler les sols. Cette année, la pousse excessive de l’herbe a donc créé une charge de travail phénoménale. C’est une saison dure et pénible et je reconnais que jusqu’à la mi-juillet le moral des troupes n’était pas terrible. Nous sommes heureux de voir enfin arriver des journées estivales. »
Du côté des plantations, quelles sont les perspectives ?
P. C. : « Nous avons une fois de plus proposé pour la campagne un contingent de 80 hectares [les surfaces demandées sont de 203 ha, NDLR]. C’est le chiffre que nous proposons chaque année. Crozes-Hermitage est une appellation qui se commercialise bien, qui n’a pas de stock, qui se développe bien. Mais nous avons un vignoble qui vieillit et qui produit moins. Il nous faut donc planter pour avoir suffisamment de volumes et répondre au marché, tout en préservant l’équilibre actuel. »
Et du côté de la communication, quelle est la stratégie ?
P. C. : « Au niveau de l’ODG, notre mission est bien sûr de travailler avec l’interprofession pour donner de la notoriété à l’appellation. Nous cherchons bien évidemment à toucher des consommateurs un peu plus jeunes. Il faut renouveler, garder une image jeune et dynamique. Pour cela nous sommes entourés de professionnels de la communication.
Nous misons aussi beaucoup sur les dégustations, les voyages de presse avec des journalistes spécialisés. C’est le plus important pour nous. Sans oublier le travail auprès des prescripteurs au travers des salons professionnels. Hélas, beaucoup ont été reportés ou annulés à cause de l’épidémie et c’est dommageable. Nous avons essayé durant cette période de déplacer un peu la communication sur des actions en partenariat avec des restaurateurs, des artistes [exemple à Lyon : l’opération de décoration de vitrines de restaurants fermés par des artistes du street art avec des messages mettant en avant les Crozes-Hermitage, NDLR]. Mais aujourd’hui, il nous faut pouvoir reprendre au plus vite nos actions habituelles et recommencer à rencontrer nos prescripteurs. »
Propos recueillis par S. Sabot.

Des modifications dans le cahier des charges
Pierre Combat a profité de l’assemblée générale le 19 juillet pour rappeler aux vignerons que des modifications ont été actées depuis décembre 2020 dans le cahier des charges de l’appellation. Les principaux changements sont :
- la mise à jour du nom des communes Mercurol-Veaunes (fusion en 2016) ;
- l’autorisation de la taille Guyot sur les cépages blancs ;
- l’interdiction du désherbage des tournières et talus autre que mécanique ;
- l’interdiction du désherbage en plein avec des herbicides autres que des herbicides de biocontrôle pour les parcelles avec inter-rang en moyenne supérieur à 1,8 mètre.
- l’obligation d’un traitement à l’eau chaude des bois de plantation pour lutter contre la flavescence dorée ;
- l’alignement de la réglementation sur l’irrigation avec celle du code rural et l’interdiction des systèmes fixes ;
- l’interdiction de l’utilisation des copeaux de bois ;
- la modification des seuils concernant la teneur en acidité volatile ;
- l’obligation d’effectuer la déclaration de revendication au plus tard 5 jours après la déclaration de récolte.
Le cahier des charges est à retrouver sur www.syndicat-cotesdurhone.com, rubrique « Réglementation ».
L’appellation Crozes-Hermitage en chiffres
Production
- 76 290 hl (90 % en rouge, 10 % en blanc) produits sur 1 818 ha en 2020.
- Production moyenne sur cinq ans : 72 408 hl sur 1 749 ha.