Économie
Maîtriser son coût de production, c’est d’abord le calculer !
Le Gaec Charroux à Saint-Mary-le-Plain (Cantal), ferme du réseau de références, a servi de support au décryptage du calcul du coût de production d’un atelier laitier.
Une quasi-lapalissade pas si inutile à rappeler dans un contexte de récente flambée des charges en élevage. Comme l’a souligné Estelle Delarue, ingénieur au service références de la chambre d’agriculture du Cantal, le 7 novembre lors d’une porte ouverte au Gaec Charroux (Saint-Mary-le-Plain), l’une des fermes du réseau références, cet indicateur, à actualiser chaque année, est un outil de pilotage de sa structure. Il permet de pointer les points forts et axes d’amélioration de l’atelier en question au regard de son positionnement par rapport aux résultats des autres exploitations du secteur ou du cas type auquel il est rattaché. Sachant que les leviers sont propres à chaque structure mais que l’échange avec les autres producteurs permet de les identifier. À système équivalent, ce coût de production et les leviers à activer dépendent des objectifs et choix stratégiques de chacun. « Aucun système n’est parfait mais le coût de production permet de se comparer, d’apporter des pistes d’évolution, abonde Romain Charrade du Gaec Charroux. Depuis 2014 qu’on est ferme de références, chaque année, quand on fait le bilan, on regarde ce qu’il faudrait faire différemment… »
Coût de production et pas prix de revient
Le coût de production n’est pas le prix de revient d’un produit. Le premier intègre les charges courantes (opérationnelles et de structure) d’un atelier (lait, viande...), auxquelles on ajoute les amortissements (bâtiments, matériel) et les charges dites supplétives : la rémunération du capital (capital foncier et financier, travail de l’exploitant consacré à l’atelier sur la base de 2 Smic/UMO). Le tout ramené à l’unité de production : les 1 000 litres de lait produit ou encore les kilos de viande vive produits. Le prix de revient correspond en revanche au prix auquel il faudrait vendre son lait (dans le cas présent) pour couvrir ses coûts de production, sans faire intervenir les aides et coproduits de l’atelier.
En 2022, le coût de production de l’atelier lait du Gaec s’est ainsi élevé à 722 €/1 000 l, soit mieux que le cas type (741 €/t) quand son prix de revient (pour 2 Smic) a atteint 506 €/1 000 l. Dans la mesure où le coût de production est ramené à l’unité de production, d’emblée il apparaît que la productivité de la main-d’œuvre joue un rôle essentiel. Au Gaec Charroux, elle est plus élevée que le cas type avec 163 426 litres/UMO (+ 10 000 l/cas type).
Des effluents « en or »
Premier poste de charge calculé : l’alimentation des animaux et l’approvisionnement des surfaces (semences, engrais...). Point clé sur le poste alimentaire : « La cohérence entre quantité de concentré, qualité de la ration de base et rendement laitier », avance Estelle Delarue. Au Gaec Charroux, ce poste pâtit d’un pourcentage de concentré produit (15 %) nettement inférieur au cas type BL 33 (laitier spécialisé herbe et céréales) qui bénéficie de davantage de surfaces en céréales. Autre facteur défavorable à avoir joué en 2022 sur ce poste du Gaec : l’achat de foin sur pied compte tenu de la sécheresse (2,32 t MS récoltées par UGB contre 3,51 pour le cas type). Sur le volet fertilisation1, David Lamat, conseiller chambre agriculture, rappelle que fumier et lisier, « ça vaut plus que jamais de l’or ! » Et il recommande pour bénéficier à plein de ces fertilisants naturels de pratiquer des analyses annuelles de ses effluents d’élevage, couplées à une analyse de l’indice de nutrition des plantes, « sachant que souvent, l’apport d’effluents permet de faire l’impasse sur le phosphore et le potassium ». Un poste sur lequel le Gaec pourrait d’ailleurs encore économiser.
Flambée du prix du GNR
Ligne suivante, les frais d’élevage (litière, identification, reproduction et frais vétérinaires) : avec 44 €/1 000 l, ces charges sont bien maîtrisées au Gaec Charroux, notamment grâce à une stabulation des laitières sur caillebotis2 et des frais vétérinaires modérés. L’occasion pour Estelle Delarue d’inciter, lors d’un projet bâtiment, à considérer non seulement le coût d’investissement mais aussi les frais de fonctionnement des différentes options envisagées. S’agissant des frais de mécanisation3, dans la plupart des cas ils constituent le second poste le plus élevé derrière la rémunération de la main-d’œuvre. Le Gaec Charroux n’échappe pas à la règle surtout avec la flambée du prix du GNR en 2022, quand bien même quasiment tout le matériel (hors tracteur) passe par la Cuma. Les associés ont vu ces frais croître avec le choix fait en 2018 d’implanter 10 ha de maïs pour sécuriser les stocks fourragers avec un précédent méteil ou ensilage d’herbe. L’investissement dans une mélangeuse depuis deux ans a aussi gonflé ce poste « mais c’est un gain de temps non négligeable », avance Gilles Charrade, l’un des associés. Sans compter une meilleure répartition de la ration, diluée sur la journée. Le Gaec a par ailleurs fait le choix de mettre en boudins les fourrages et céréales.
Mécanisation : un poids lourd
« Ce qu’il faut éviter sur le poste mécanisation, ce sont les doubles équipements, a mis en garde David Lamat. Au moment d’investir dans du matériel, il faut bien réfléchir aux options : propriété, copropriété, Cuma, prestation d’un ETA… en tenant compte des problématiques de main-d’œuvre. » Une préoccupation sur laquelle se penche justement Romain Charrade dont les trois associés vont progressivement faire valoir leurs droits à la retraite d’ici quelques années. Viennent ensuite les charges liées aux bâtiments et installation (entretien, électricité, eau, amortissement), les frais divers et de gestion (frais bancaires…) et les frais de foncier et de capital, à même hauteur ici que le cas type. Et enfin, le poste travail qui atteint sur l’atelier lait du Gaec 251 €/l, un peu plus faible que le cas type qui recourt lui à un peu de salariat. « La force ici, c’est l’autonomie fourragère avec au final peu d’achats de foin en 2022, et la maîtrise des charges opérationnelles, notamment animales. Les points de vigilance portent sur la mécanisation et l’alimentation », a conclu Estelle Delarue.
P. Olivieri