Élevage
Autonomie alimentaire en système fourrager : quels leviers d’action ?

Avec le changement climatique, les ressources fourragères sont de plus en plus rares et fluctuantes. Comment faire face et se rapprocher de l’autonomie ? En Centre-Val de Loire, différents travaux et expérimentations tracent des pistes de solution.

Autonomie alimentaire en système fourrager : quels leviers d’action ?
Pâturage par des génisses de cultures fourragères estivales. © Ferme expérimentale des Bordes

Les éleveurs le constatent : avec le changement climatique, la gestion des prairies et des fourrages devient complexe. Les dates de récolte et de mise à l’herbe sont bouleversées. Et tous font face à une raréfaction de la ressource, les obligeant parfois à piocher précocement dans les stocks hivernaux.
Face à ce constat, le réseau des chambres d’agriculture du Centre-Val de Loire, accompagné de nombreux acteurs de la filière élevage, porte depuis 2013 un grand programme appelé Herbe et Fourrages Centre-Val de Loire, qui vise à accompagner les éleveurs dans la gestion de leur système fourrager face aux aléas climatiques et économiques. En partenariat avec ce programme, différentes expérimentations multipartenaires sont ainsi menées par la Ferme des Bordes, l’Inrae...
Le 14 mai 2024, lors des Rendez-vous Tech&Bio, le fruit de ces travaux a été présenté lors de la conférence intitulée « Quelles stratégies fourragères face au changement climatique ? Leviers d’adaptations des systèmes fourragers ».

Des leviers d’action reconnus

À partir des essais menés dans des fermes expérimentales de la région, les intervenants ont synthétisé les différents leviers d’adaptation des systèmes fourragers au changement climatique.
Parmi les douze leviers présentés, « nous avons beaucoup de retours sur trois d’entre-eux, que je considère particulièrement intéressants », juge Carole Gigot, ingénieure fourrages à la ferme expérimentale des Bordes pour Arvalis. David Duchêne de l’Inrae précise : « Les leviers à actionner dépendent de multiples facteurs : le contexte géographique, le matériel de l’éleveur, ses capacités à être réactif... C’est une boite à outil dans laquelle piocher, en gardant en tête qu’il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier et multiplier les leviers à actionner ».
Pour Carole Gigot, trois leviers en particulier, « ont fait leur preuve et sont souvent adoptés dans les exploitations. Il s’agit des fauches précoces, l’instauration de cultures fourragères estivales et le semis sous couvert à l’automne. »
Avec une pousse qui démarre de plus en plus tôt, les dates de récolte peuvent être avancées. Et des essais menés au début des années 2000 ont montré que le fait d’avancer les récoltes permettait d’améliorer la qualité des stocks récoltés et favorisait l’autonomie protéique, sans diminuer le rendement annuel. Lancé en 2023, le projet « Coupe-Tôt » vise à valider et actualiser ces conclusions, en avançant encore plus la fauche.

Sorghos, millet... des espèces d’avenir

Par ailleurs, la période estivale peut permettre d’implanter, sur une parcelle de prairie dégradée ou ayant reçu précédemment du méteil récolté immature, des cultures de graminées classées « C4 », c’est-à-dire adaptées aux étés chauds et secs : sorghos, moha, millet perlé, teff grass... Attention toutefois : ces espèces ont besoin d’eau lors de leur installation.
« Le semis sous couvert est aussi très efficace. Il s’agit d’éviter les périodes de sécheresses en décalant le semis des prairies à septembre-octobre, en même temps qu’un semis de méteil, qui sera récolté au printemps et laissera la prairie prendre le relai », explique David Duchêne, pour qui « cela permet de sécuriser l’implantation de la prairie tout en développant ses stocks puisqu’on va récolter 3 à 7 tonnes de MS de méteil à l’hectare en fonction de la date de récolte. »
Les chercheurs égrènent de nombreuses autres pistes d’action. Certaines simples et connues, d’autres plus surprenantes. Ainsi, il s’agira de privilégier l’implantation de prairies pérennes et résistantes, associant plusieurs espèces, plus résilientes face aux aléas climatiques. On pourra également pratiquer un déprimage, consistant, en sortie d’hiver, à faire pâturer rapidement les animaux sur des parcelles destinées à une fauche tardive. En favorisant le tallage, cette technique retarde l’avancée des stades et favorise la qualité des récoltes. Par ailleurs, la mise en place de dérobées hivernales permet, en ajoutant une récolte dans la rotation des cultures, d’augmenter les stocks fourragers. Tout comme les dérobées estivales, qui sont toutefois plus difficiles à mettre en place en dehors des années précoces et pluvieuses. La fertilisation permet quant à elle de favoriser les fauches précoces. Bien sûr, la gestion du pâturage tournant et des rotations est primordiale pour optimiser ses ressources. D’autant que le changement climatique ouvre des opportunités de valorisation de l’herbe d’automne. On pourra enfin tenter d’augmenter la surface fourragère principale et d’optimiser les effectifs et le renouvellement du troupeau.  

Leïla Piazza