Tradition
Dans les froufrous du French cancan

Quand on pense cabaret, on pense inévitablement French cancan, cette danse mythique où les danseuses semblent être guidées par la folie. Mais comment est-elle apparue et devenue un art de vivre à la Française ? Histoire.

Dans les froufrous du French cancan
Dans les cabarets parisiens, la tradition du French cancan se poursuit. ©Roderick Eime Flickr

Une musique endiablée, des jupons qui virevoltent, des acrobaties surprenantes… Dans l’esprit populaire, le cabaret est indissociable du célèbre French cancan pendant lequel les danseuses semblent avoir carte blanche. Cette danse est le symbole d’une femme libre et décomplexée. Pourtant, aux origines, elle est dansée par des hommes. En effet, l’histoire du French cancan débute dans les années 1820. À l’époque, il s’appelle le quadrille et est dansé par les couples dans les bals publics de la capitale. « Au rythme de compositions originales puisées dans les opéras et les ballets, les couples s’adonnent à cette danse composée de cinq figures », apprend-on sur le site Internet du célèbre Moulin Rouge où le French cancan est encore aujourd’hui une réelle signature artistique. Très vite, les hommes s’approprient cette danse en réalisant des mouvements désordonnés pendant quelques minutes. Le quadrille devient alors le chahut. Un moyen pour les protagonistes de décompresser. Ce chahut va petit à petit prendre des airs féminins. 

Libération féminine

Dans les années 1850, en effet, certaines Parisiennes audacieuses décident, elles aussi, de danser le chahut. Dix ans plus tard, c’est outre-Manche, qu’il fera ses premiers pas sur une scène de cabaret. « Charles Morton, l’inventeur du Music-hall moderne présente cette danse surprenante sur la scène d’Oxford. Il la rebaptise French cancan parce qu’elle vient de France et fait du bruit », explique le Moulin Rouge. Dans l’Hexagone, le succès est grandissant. Des célèbres danseuses vedettes contribuent à son succès, dont La Goulue, Jane Avril, Nini Pattes en l’air, ou la Môme Fromage... En effet, les incroyables cancaneuses du Moulin Rouge entrent en scène en 1889 devant les regards ébahis des spectateurs. Pour elles, le cancan est un moyen de contester l’ordre établi. La popularité du French cancan est également portée par des artistes peintres ou dessinateurs d’affiches, dont Henri de Toulouse-Lautrec. Ces peintures et affiches peuvent être admirées dans les plus importants musées du monde.

Plus de 200 m de froufrou

Aujourd’hui, la tradition se poursuit dans les cabarets parisiens, notamment le Moulin Rouge. Sur la butte Montmartre, la danse French cancan, c’est huit minutes de prestation face au public pendant laquelle les cancaneuses d’1m70 mènent la danse sur un air musical d’Offenbach, Orphée aux enfers. Cet art demande aux danseuses du cabaret parisien des qualités d’équilibre, de souplesse, d’acrobatie et de rythme. Elles doivent être capables d’accomplir le grand écart et de réaliser des figures impressionnantes telles que « le port d’armes  », « la cathédrale » et « le salut militaire ». Et que serait le French cancan sans son costume emblématique ? Au Moulin Rouge, la robe d’une danseuse représente 200 mètres de froufrou par jupon et 32 mètres par culotte. Les strass, nœuds et rubans sont assemblés à la main, avec la cadence de cette danse effrénée, les robes french cancan n’ont qu’à bien se tenir !

Marie-Cécile Seigle-Buyat

C’est show ! Le cabaret comme si vous y étiez 
Plusieurs artistes ont enflammé l’inauguration, le 8 décembre, de l’exposition Cabarets proposée par le Centre national du costume de scène. ©CNCS
Exposition

C’est show ! Le cabaret comme si vous y étiez 

Jusqu’au 30 avril, le Centre national du costume et de la scène à Moulins dans l’Allier propose une exposition sur le thème du Cabaret. Du Lido, au Crazy Horse en passant par Chez Michou, des pièces à la fois rares et époustouflantes, joliment mises en scène, sont à admirer. 

Indémodable, le cabaret puise ses origines dans les cafés-concerts parisiens du milieu du XIXe siècle, où chacun pouvait venir boire, fumer, écouter d’authentiques chanteurs ou tenter de monter sur scène. Lieux de rencontres variées plus ou moins prévisibles, lieux de diversité, de mixité sociale et d’émancipation, ces cafés-concerts élargissent peu à peu leur programmation à une large palette de propositions artistiques au cours du XIXe siècle. Ouvrent alors des établissements de « variété », dont les Folies Bergère est le premier en 1869, puis d’authentiques « cabarets » à commencer par le Chat Noir en 1881, puis le Moulin Rouge en 1889, année qui voit la réouverture du Paradis Latin qui passe alors de Théâtre à lieu d’« excentricités ». Aujourd’hui célèbres, ces salles telles que le Moulin Rouge, les Folies Bergère, ou encore le Paradis Latin continuent d’attirer les foules. Si le spectateur apprécie tant le cabaret, c’est pour ces artistes, mais aussi leur enveloppe, à savoir leurs costumes flamboyants. Pour la première fois, le Centre national du costume de scène de Moulins dans l’Allier leur consacre une exposition.
Déluge d’excentricités 
Cette exposition transporte le public dans un oasis de couleurs, de matières et d’extravagances. Cent vingt costumes provenant de maisons historiques comme le Paradis Latin, le Moulin Rouge, le Lido, le Crazy Horse ou de Chez Michou, ainsi que d’artistes indépendants, qui peuplent les nouveaux cabarets « indisciplinaires » sont exposés. Ils illustrent le large spectre de la création depuis l’excellence des métiers d’art, ateliers spécialisés, créateurs haute couture, jusqu’à celle de la débrouille géniale où tout est imaginé pour faire rêver et proposer une soirée d’exception, hors du quotidien. Un parcours où se croisent de grandes figures comme Line Renaud, Zizi Jeanmaire, Dalida, Barbara, Jean-Marie Rivière, Michou et les créatures fantasques d’aujourd’hui comme la Big Bertha, l’Oiseau Joli, Kiki Béguin, Lola Dragoness Von Flame, Miss Knife… qui revisitent le cabaret avec élégance et insolence.
Pas has been le cabaret…
Le Centre national du costume et de la scène propose de découvrir le travail remarquable de tous ceux qui travaillent dans l’ombre pour proposer un spectacle d’exception : les costumiers. Comme au cabaret, le visiteur entre dans l’exposition par le Foyer qui rassemble le public avant l’entrée dans la salle de spectacle. Piano bar, affiches et programmes aux murs, cette première salle rend hommage aux grandes Égéries du cabaret d’hier et d’aujourd’hui. En ce début de XXIe siècle, les cabarets, de plus en plus nombreux, s’affirment totalement dans le paysage de la création contemporaine. Jouant des codes sociétaux, de la liberté d’expression, de l’émancipation du genre et de la fête, ils se positionnent aux croisements des sujets actuels et des esthétiques en renouvellement.

Sophie Chatenet

Ce music-hall venu d’Outre-Manche

Le music-hall, terme apparu en Angleterre, se diffuse dans toutes les capitales d’Europe entre la fin du XIXe siècle et les années 1930, sur un modèle cousin du cabaret et une recherche de toujours plus de glamour, de faste et d’émerveillement. Paris voit alors fleurir de nombreuses salles qui s’emparent de cette forme de spectacle, fréquentées par une foule de spectateurs français et étrangers. Les Folies Bergère, le Paradis Latin, le Moulin Rouge, le Lido, le Casino de Paris, l’Olympia, l’Alhambra, Bobino… connaîtront cependant différentes évolutions au cours de leur existence. Aujourd’hui, certaines de ces institutions perpétuent le merveilleux des spectacles de revues, montrant une vitrine de la création française, qui attire toujours un public national et international.