Dépérissement de la vigne : une cause nationale

«Je suis persuadé que ce qui a été mis en place dans le cadre de ce plan national dépérissement, et ce qui va suivre, continuera de partir du vignoble. Les vignerons sont notre force et cette co-construction est notre avenir. Les programmes de recherche ne se feront plus uniquement entre les organismes scientifiques et les interprofessions mais avec le monde vitivinicole, dans le cadre d'un travail en réseau où l'on partage, indépendamment de nos structures, a indiqué Jean-Marie Barillère, président du CNIV(1) et du conseil de surveillance du Plan dépérissement, à l'issue de la restitution des deux premières années du Plan national dépérissement du vignoble, à Montpellier SupAgro dernièrement. C'est une question de survie car derrière, il y a une problématique à résoudre, celle du dépérissement. Mais ce que nous avons réussi à mettre en place depuis deux ans n'est rien par rapport à ce qui nous attend et la résolution de la triple performance - environnementale, sociale et économique. Il nous faut désormais regarder dans trois directions sans aller dans le mur et des transitions sont nécessaires. »
Les participants sont d'ailleurs repartis avec le premier numéro « Les carnets du Plan », un document qui témoigne de l'élan impulsé et fait le point sur les actions menées partout en France. Synthétique et pratique, il rassemble 31 fiches action, des liens pour en savoir plus, des vidéos et des contacts. Ce document est librement disponible sur la plateforme web collaborative, www.plan-deperissement-vigne.fr.
10 % de la marge brute impactée
Face à l'enjeu du dépérissement de la vigne - responsable d'une perte de rendement annuelle de 4,6 hl/ha (voir encadré) - Xavier de Volontat, président du CIVL(2), n'a pas manqué de rappeler « qu'il était important d'avoir une organisation nationale pour aborder ce problème qui touche tous les vignobles français », faisant le constat de la perte de 10 % du vignoble ces dernières décennies, « soit 1 million d'hectolitres, 100 millions d'euros et 10 % de la marge brute des exploitations. Notre compétitivité est touchée », a-t-il ajouté. L'ensemble des interprofessions s'est engagé dans ce plan, a souligné le président, un rassemblement qui a permis de mettre en place « une surveillance précise de l'extension de cette maladie ».
De son côté, Jérôme Despey, président du conseil spécialisé viticulture de FranceAgriMer, a expliqué qu'il ne se passait pas un déplacement « sans qu'il ne soit interpellé sur cette question, quel que soit le bassin de production ». Il a également salué la trentaine d'actions d'ores et déjà engagée dans la recherche, la formation, le développement et le transfert de techniques, en lien avec le CNIV, l'État et FranceAgriMer, mais aussi les chambre d'agriculture fortement impliquées « dans l'animation des réseaux d'acteurs ». Il a d'ailleurs annoncé qu'un accord avait été conclu avec le Fafsea pour « ajouter un bloc de compétences aux deux CQP, certification de qualification professionnelle, destinées aux ouvriers viticoles et aux métiers de la pépinière. La formation initiale et continue doit s'emparer de cette question du dépérissement ».
Un second appel à projet
La formation est d'ailleurs un des quatre leviers identifiés par le Plan pour lutter contre le dépérissement, avec l'engagement des viticulteurs, le matériel végétal et la recherche. Chacune de ces thématiques a fait l'objet d'interventions dédiées le mois dernier, ce qui a permis aux auditeurs présents de voir le chemin parcouru et les perspectives à venir, portées notamment par le second appel à projets lancé cette année. Les projets de recherches sélectionnés seront connus fin juin. Cinq axes ont été définis : la relation entre le rendement et la longévité en lien avec les processus physiologiques ; l'écosystème racinaire dans les équilibres entre la plante et la composante du sol ; la prévention et la maîtrise des risques biologiques ; la maîtrise de fabrication du plant de vigne et son implantation au vignoble ; l'impact socio-économique. « Nous avons insisté dans ce second appel à projets sur des thématiques absentes du premier - le sol, le changement climatique, les maladies émergentes - car nous souhaitons que ces trois appels à projet soient interconnectés et permettent de balayer tous les champs d'intervention. Le sol est une composante essentielle de la notion de "terroir" en viticulture. Les projets offrant des solutions pour la restauration des sols dégradés seront regardés avec attention », a précisé Laurent Charlier, du CIVB(3). L'objectif des second et troisième appels à projet (2019) est de « combler les trous dans la raquette » après les neufs premiers projets de recherche déjà sélectionnés et qui abordent différentes thématiques, notamment la physiologie (projets "Physiopath" et "Vitimage" les parasites et ravageurs (projet "Vaccivine" la construction du rendement et la longévité (projets "Tradevi"et "Longvi" le matériel végétal et la pépinière (projets "Origine"et "Eureka").
Lors de colloque, le président de la Fédération française de la pépinière viticole (FFPV), David Ambelvert, est venu rappeler la démarche dans laquelle la pépinière française était engagée avec la création d'une marque collective. Celle-ci « fera reconnaître nos process de production pour sécuriser la viticulture française dans son approvisionnement et démarquer la pépinière française d'un standard de qualité européen », a-t-il expliqué. Son nom et ses modalités d'application seront dévoilés en octobre, lors du congrès de la FFPV à Beaune. Les premiers plants en pots sous marque seront disponibles au printemps 2019 et les premiers plants greffés-soudés traditionnels en 2020.
Céline Zambujo
(1) CNIV : Comité national des interprofessions des vins à appellation d'origine.
(2) CIVL : Conseil interprofessionnel des vins du Languedoc.
(3) CIVB : Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux.
Repères / Les chiffres clefs du dépérissement
Le constat d’une menace de dépérissement généralisé du vignoble en termes de rendements, longévité, compétitivité :
- 11 % des ceps improductifs ;
- 4 à 5 % de mortalité par an ;
- perte de rendement annuelle moyenne de 4,6 hl/ha ;
- 10,5 millions d’euros débloqués par la filière pour 3 ans (2017-2020).