50 % de poules pondeuses en élevage alternatif d'ici 2022

Philippe Juven, à son assemblée générale le 20 octobre à Montélier, l'Apose a traité de l'évolution du marché de l'œuf. Qu'en est-il ?
Philippe Juven : « C'est un point important de l'actualité de la filière. La production a augmenté depuis 2013 au niveau national. Cela a amené à une situation d'autosuffisance (environ 100 % de la consommation en volume). Avec 14,7 milliards d'œufs de poules par an, la France est aujourd'hui le premier pays producteur d'Europe. Cette hausse est principalement due au développement des œufs issus d'élevages alternatifs (codes 0 à 2 sur les coquilles), dont les achats par les ménages ont progressé de 5 % depuis 2015.
Dans la consommation, la part des ménages est de 47 %, celle de la RHD(1) de 9 % en œufs coquille et 40 % en œufs transformés (ovoproduits), le reste (4 %) est l'autoconsommation. Sur les 40 % d'ovoproduits, 20 % sont issus de la production alternative. »
La filière est-elle en capacité de répondre à l'accroissement de la demande d'œufs issus d'élevages alternatifs ?
P. J : « Aujourd'hui, elle n'est pas en mesure de répondre en totalité à cette accélération de tendance. C'est pourquoi elle a lancé une réflexion en vue de faire évoluer son parc d'élevage.
Grâce à un travail de prospection conduit en 2014, différents scénarios d'évolution de la filière ont déjà pu être établis. Il a été utile pour élaborer un plan d'action appelé contrat sociétal d'avenir (CSA). Il a été dévoilé par le CNPO le 14 octobre, journée mondiale de l'œuf.
Avec ce plan, l'interprofession s'est fixé comme objectif d'atteindre 50 % d'œufs issus d'élevages alternatifs à l'horizon 2022. Cette transition imposera des investissements importants (travaux, achat de foncier pour les parcours des poules). Un poids supplémentaire pour les élevages, dont la plupart amortit encore la mise au normes des cages exigée par la directive bien-être animal de 1999 entrée définitivement en vigueur en 2012. La production ne pourra supporter ces investissements seule, elle a besoin de soutiens. »
Alors comment comptez-vous financer les investissements nécessaires ?
P. J. : « Plusieurs sources de financement sont envisagées. Nous avons rencontré les banques, Siagi (une société de caution mutuelle pour les petites entreprises), les pouvoirs publics et nos clients, (l'aval de la filière). Le ministre de l'Agriculture s'est engagé en inscrivant ce projet dans le cadre des priorités du PCAE(2) et a demandé qu'il soit évoqué lors d'une rencontre avec l'association des Régions de France. Le PCAE n'apportera pas une solution totale. Il faudra aussi le soutien de l'aval. Les discussions ont commencé cet été : le 17 juillet, nous avons rencontré le ministre et l'ensemble de nos partenaires. Nous avons aussi rencontré la FNSafer, qui est d'accord pour nous aider à trouver du foncier pour les parcours des poules. La surface nécessaire est estimée à 4 000 hectares. »
La filière prévoit-elle d'autres actions en lien avec cette évolution ?
P. J. : « Cet automne, avec l'aide de l'Itavi, le CNPO va lancer une enquête pour affiner la connaissance des élevages de poules en cages (capacités, possibilités de reconversion...) et chiffrer les besoins de la transition. Et, dans la suite de cette étude, nous constituerons un groupe de réflexion sur les modes d'élevages acceptables demain. Ainsi préparerons-nous l'avenir de la filière poules pondeuses, qui est à un tournant important. »
Propos recueillis par Annie Laurie.
(1) RHD : restauration hors domicile.
(2) PCAE : plan pour la compétitivité et l'adaptation des exploitations agricoles.
Dans l'actualité aussi
Le ministère de l'Agriculture s'est engagé à mettre en place, via FranceAgriMer, un observatoire de la consommation d'œufs. Par ailleurs, il finance un programme de sexage in ovo (entreprise française) pour éviter la destruction des poussins mâles (qui sont inutilisables à des fins alimentaires) et répondre ainsi aux préoccupations éthiques plus grandes des consommateurs vis-à-vis des animaux.Côté interprofession, une application smartphone est en cours de développement afin que les éleveurs puissent évaluer le bien-être animal (mesure d'indices). Elle devrait être disponible courant 2017. A signaler aussi une étude sur les aires de grattage et de picotage pour trouver une alternative au tapis Astroturf, qui pose des problèmes sanitaires (poux dessous, fientes dessus), de nettoyage... L'Anses travaille sur de nouveaux matériaux. L'Itavi Sud-Est, lui, a testé des matériaux existants de type béton cellulaire, cellulose compressée. Une autre étude s'est intéressée aux alternatives à l'épointage du bec des poules pondeuses. Rhône-Alpes a participé à sa partie épidémiologique : évaluation du picage (fréquence, facteurs d'élevage associés à ce comportement).