« Du grain au pain », ou comment proposer du pain local en Drôme
Dans une démarche de relocalisation et de structuration de filières alimentaires locales, la communauté de communes du Val de Drôme lance un projet autour des céréales panifiables. Un après-midi d’échanges entre producteurs, meuniers et boulangers a permis de mettre en exergue les problématiques rencontrées par chacun.
Une rencontre dédiée aux professionnels des filières céréales panifiables (producteurs, meuniers, boulangers) a été organisée le 14 avril dernier à Francillon-sur-Roubion. À l’origine de cet échange, la communauté de communes du Val de Drôme (CCVD), représentée par Violette Roche, chargée de mission alimentation durable. « Cette rencontre s’inscrit dans le cadre du travail lancé fin 2023 par la CCVD et ses partenaires* sur la relocalisation et la structuration des filières alimentaires (légumes, fruits, volailles de chair et céréales panifiables) sur le territoire. Ce projet vise à répondre à quatre enjeux phares : nourrir la population locale avec une alimentation davantage locale, garder de la valeur ajoutée sur le territoire et permettre le partage de la valeur à travers la juste rémunération des producteurs, avoir un effet levier sur le développement de productions adaptées au changement climatique et plus économes en eau, et enfin soutenir les productions et les filières en agriculture biologique », a-t-elle déclaré.
L’après-midi de travaux était consacré à la filière céréales panifiables. « La production de céréales est en baisse, tant en termes de surfaces que de nombre d’exploitations, même si le territoire de la CCVD est plus résilient que le reste de la région. Aussi, nous disposons sur le périmètre de la CCVD de 15 % de surfaces en bio », a souligné Charlène André, chargée de développement économique au sein de la chambre des métiers et de l’artisanat de la Drôme.
Renforcer les liens entre les différents maillons de la filière
« Nous avons la chance d’avoir sur notre territoire ou à proximité, tous les acteurs de la chaîne : producteurs, groupements, grossistes, transformateurs, distributeurs... Dans le cadre de ce projet, nous nous devons d’accompagner techniquement les cultures céréalières moins consommatrices d’eau et de construire des débouchés rémunérateurs. Deux autres objectifs viennent se rajouter : la relocalisation de certains approvisionnements des boulangers locaux et la valorisation de la farine locale et biologique », a-t-elle poursuivi.
Ainsi, étaient réunis en un même lieu les producteurs, les meuniers et minotiers, les boulangers. « L’objectif était de permettre aux professionnels de la filière de mieux se connaître, mais aussi d’évoquer chacun leurs besoins. À terme, l’idée serait de définir les conditions nécessaires pour pouvoir proposer, demain, du pain issu de céréales et de farines locales, à un prix juste, dans les boulangeries artisanales de la CCVD ». Les groupes de travail constitués durant l’après-midi auront permis de faire émerger l’importance du lien et de la contractualisation avec les coopératives locales et la nécessité de travailler sur de nouveaux débouchés. La formation des boulangers apparaît également être un aspect important, notamment pour valoriser des blés à faibles taux de protéines. Enfin, le renforcement des liens entre tous les maillons de la chaîne et le partage de la valeur semblent inévitables pour sécuriser la filière.
Amandine Priolet
*Club drômois de l’alimentation, chambre d’agriculture de la Drôme, chambre de métiers et de l’artisanat de la Drôme, chambre de commerce et d’industrie de la Drôme, Cluster bio, Agribiodrôme.
Ils témoignent…
Olivier Raillon (agriculteur en AB à Soyans) : « Je suis venu par curiosité pour voir comment la filière s’orientait et pour exprimer nos inquiétudes en tant que producteurs de céréales. Nous sommes aujourd’hui dans une impasse technique et réglementaire depuis le passage de nos terres en zones vulnérables. En agriculture biologique, nous ne disposons pas de solutions ou de dérogations que peuvent avoir des agriculteurs en conventionnel par rapport aux outils d’aide à la décision. De ce fait, nous récoltons du blé avec un faible taux de protéines… que la coopérative ne valorise pas. Nous commençons à penser à arrêter le bio sur notre secteur… Si nous voulons maintenir une filière bio dynamique, il faut peut-être réfléchir à des partenariats entre les différents acteurs et les outils coopératifs existants ».
Lionel Souchard (minotier à Chantemerle-lès-Grignan) : « Ces échanges, entre l’ensemble des acteurs de la filière, sont toujours intéressants car au final, on a tous besoin des uns des autres. Nous avons besoin des agriculteurs, des boulangers… Nous nous interrogeons aujourd’hui sur le devenir de la production de céréales dans la région… Nous avons besoin de valoriser un produit par des marchés de niche. Aujourd’hui, nous ne connaissons pas de tension en termes d’approvisionnement, mais la réalité économique existe… Demain, si le prix des céréales s’effondre encore davantage, tout peut basculer… »
Mathéo Chastel (boulanger à Grâne) : « L’objectif de ces temps d’échange est de rapporter nos besoins en tant que boulanger et les avis des consommateurs. Nous recherchons à la fois le bon compromis entre la qualité de la farine, la proximité et le bio. La formation en interne est également un enjeu dans nos boulangeries. Après, c’est intéressant d’avoir des réunions comme celle-ci pour faciliter les rencontres entre les différents acteurs. Aujourd’hui, tout le monde défend son point de vue. On ne peut pas révolutionner le circuit en un après-midi d’échanges, en revanche, je reste persuadé que chacun – à son échelle – peut faire quelque chose. Il n’y a pas de vérités absolues mais plutôt un ensemble de solutions à trouver tous ensemble ».
Vers une juste rémunération des filières bio
Du producteur au consommateur, du blé au pain. Alors que les consommateurs tournent le dos aux produits biologiques jugés « trop chers », le Cluster Bio Auvergne-Rhône-Alpes a souhaité réaliser une étude visant à analyser la construction de la chaîne de valeur pour la fabrication d’une baguette au levain certifiée bio à partir de blé tendre et rappeler les charges liées à chaque maillon de la chaîne. Cette enquête visait également à mesurer l’impact de la juste rémunération du producteur et des autres acteurs de la chaine, mais aussi de rajouter de la transparence sur le prix commercialisé. « Il faut retenir qu’une juste rémunération du producteur n’influence que peu le prix final de la baguette bio. La fluctuation du prix de marché peut avoir un fort impact négatif sur la rémunération du producteur alors que son impact sur le coût final de la baguette reste minime au regard des autres charges », a annoncé Bastien Boissonnier, chargé de projet Filières bio au Cluster Bio AuRA.
Tous les résultats sont à retrouver ici