Coopération gagnante entre nuciculteur et éleveurs ovins
À l’initiative de la chambre d’agriculture de l’Isère et de la station d’expérimentation nucicole Rhône-Alpes (Senura), une nouvelle information sur le pâturage sous noyers a été réalisée pour mettre en avant la coopération entre Sébastien Renevier, nuciculteur de la Ferme de Margrit à Tullins et Eudes et Lise Jouet Pastre, éleveurs ovins.
« Je me suis installé en 2017 sur 45 ha, dont 90 % sont consacrés aux noyers. Je produis de la noix de Grenoble AOP sur une trentaine d’hectares. La ferme a engagé une conversion en agriculture biologique en 2021, en complétant la certification européenne d’autres labels comme Nature et Progrès, Global Gap, Biosuisse », expose Sébastien Renevier, nuciculteur de la Ferme de Margrit à Tullins, lors de la journée de retour d’expérience organisée par la chambre d’agriculture de l’Isère et la station d’expérimentation nucicole Rhône-Alpes (Senura), fin avril.
Une recherche de nouvelles techniques d’entretien sous noyers
« Je travaille à de nouvelles techniques de gestion de l’enherbement sous noyers. Et je trouvais dommage de ne pas valoriser la ressource fourragère disponible sous les arbres, poursuit le nuciculteur. En 2024, Eudes et Lise Jouet Pastre, éleveurs d’ovins, m’ont contacté car ils recherchaient des parcelles bio à faire pâturer par leurs animaux. Grâce à l’annuaire de l’Agence bio, il leur a été possible de connaître les nuciculteurs certifiés sur le trajet de leurs 300 brebis qui partaient sur l’alpage de Chamechaude, depuis les vignes de la Drôme provençale. »
Des avantages considérables
« Je n’avais aucune exigence quant à la conduite du pâturage. J’avais potentiellement 25 ha disponibles. Avec les conditions poussantes, 12 ha ont finalement été consommés par trois lots d’ovins en races corse et mérinos, indique le nuciculteur. Suite à leur passage, le couvert pâturé me semble plus uniforme qu’à la tondeuse, habituellement employée, et plus économe (1,5 heure et 12 l fuel/ha). La gestion du lierre est également appréciable. Il a été éliminé naturellement, car il est particulièrement apprécié par les moutons. J’imagine aussi que cette pratique a un impact positif sur la biodiversité. Je n’ai pas tablé sur une restitution fertilisante, même si les déjections animales permettent un retour au sol d’éléments plus facilement assimilables. »
Des rapports humains remis en première ligne
« La pratique a engendré de nouvelles relations humaines. Avec Eudes et Lise, la communication a été quotidienne et simple. Nous avons écouté les contraintes des uns et des autres, et les décisions ont été faciles à prendre. » Il ajoute : « Avec les riverains et les promeneurs, cela a permis également de tisser des liens.
La profession est soumise actuellement à des tensions. Retrouver des animaux dans les campagnes a permis des échanges constructifs avec les habitants de la commune. Cela a aussi permis de réhabiliter des bonnes pratiques : moins de divagations de chiens, moins de véhicules stationnés en bord de champs. Malgré la présence de chiens de protection, aucune plainte n’est à déplorer. J’avais pris mes précautions en informant la mairie qui a passé l’information via ses panneaux lumineux. »
Bénéfices pour les animaux
Des mesures ont été réalisées sur des parcelles pâturées par la chambre d’agriculture de l’Isère. Au 17 avril, 2,4 tonnes de matière sèche étaient disponibles, dont un peu plus de la moitié de graminées. Cela a permis d’alimenter 30 brebis/ha pendant cinq semaines, dont la moitié était en lactation. Il n’y a pas eu de traitements sur les parcelles pendant ou avant le pâturage. Une vigilance a toutefois été de mise avec le cuivre qui est toxique pour les ovins (voir encadré). En fin de campagne, un temps spécifique et convivial a été pris pour faire un bilan. « Satisfaits, nous avons réitéré l’expérience ce printemps. Les animaux sont arrivés le 10 avril. Ils ont d’abord pâturé les variétés précoces, et ils sont actuellement dans les couverts végétaux », a indiqué Sébastien Renevier.
Catherine Venineaux, conseillère ovins, chambre d’agriculture de l’Isère
(1) - Journée organisée dans le cadre du programme Greenfruit, projet suivi par la Senura et financé par FranceAgriMer pour démultiplier des pratiques vertueuses existantes.
Recommandations liées à l’utilisation du cuivre
– Différer le plus possible le pâturage des ovins après une application
d’une préparation à base de cuivre.
– Un temps de retour au pâturage
de quatre semaines semble raisonnable même si cela peut être modifié par plusieurs facteurs notamment la pluviométrie
et la pousse de l’herbe.
– Le molybdène et le soufre préviennent l’absorption
et l’assimilation du cuivre.
Il serait efficace de mesurer
la présence dans des parcelles
à risque, mais la mise en pratique reste complexe, avec le besoin
d’anticiper des analyses.
Recommandations issues du projet de recherche Ecorce sur le pâturage en vergers en saison de végétation, de mars à octobre.
Les synergies cultures-élevage
Ces collaborations sont suivies par la Senura et la chambre d’agriculture de l’Isère, dans
le cadre de deux programmes : Greenfruit, qui a pour objectif l’information et l’accompagnement vers un ensemble de pratiques agroécologiques de gestion de l’herbe au verger, et Parten’R-Aura, qui étudie les synergies entre élevage de ruminants et nuciculture.
Cette rencontre a été l’occasion pour la Senura d’évoquer les premiers résultats du suivi des impacts du pâturage sur les noyeraies de la station expérimentale, à Chatte (Isère). On peut retenir que les déjections ovines peuvent apporter, entre autres, plus de 20 unités d’azote, avec, toutefois, une répartition non homogène, dépendante du mode de pâturage (nombre d’animaux, durée). Les mesures de compaction et d’infiltration de l’eau dans le sol ne montrent pas de différence avec une zone non pâturée, pouvant rassurer les personnes craignant le tassement de leurs sols par cette pratique.