Au café Lobut, honneur aux tripes
Au cœur de Villeurbanne (Rhône), dans l’ambiance chaleureuse du café comptoir Lobut, Sandrine Huit défend depuis vingt ans une cuisine lyonnaise traditionnelle, dans laquelle les produits tripiers occupent une place tout à fait singulière. C’est aux côtés de son mari, Cyril, que la cheffe de 46 ans incarne sa passion pour les plats authentiques et généreux.

Nappes Vichy à carreaux rouge et blanc, convivialité à table et carte traditionnelle : s’il n’est pas situé dans sa ville natale, le café Lobut a pourtant tout d’un bouchon lyonnais. Sa devanture fait encore écho au bar à vins dont les portes ouvraient en 1949, inauguré par André Lobut. Le pot de morgon est toujours sur la table, mais il accompagne désormais la quiche à moelle, l’andouillette, la tétine de vache ou encore le tablier de sapeur. Ce dernier est d’ailleurs devenu la spécialité de Sandrine Huit, auquel elle adore donner une forme de cœur dans l’assiette. « J’ai toujours aimé cuisinier le tablier de sapeur, je trouve qu’il permet d’appréhender la tripe de manière assez douce. Il rencontre d’ailleurs beaucoup de succès, j’en fais 15 kg par semaine », affirme-t-elle. « Nous recevons le bonnet en entier, je le découpe puis le fais mariner pendant quelques jours au vin blanc et à la moutarde. Je trempe ensuite les morceaux dans la panure puis les fais cuire au beurre dans une poêle, à la manière d’une escalope viennoise », décrit-elle. Un plat emblématique de la cuisine lyonnaise, qu’elle maîtrise à la perfection, jusqu’à séduire les jurys du championnat des produits tripiers à Rungis, organisé par la Confédération de la triperie française il y a deux ans. « Je lui dois beaucoup. Sa forme de cœur a été très appréciée », raconte-t-elle. Elle remporte la quatrième place face à 24 candidats.
Briser les préjugés
Avant de devenir une spécialiste des abats, Sandrine Huit a suivi des études au sein d’une école hôtelière à Dardilly (Rhône). Elle a fait ses armes dans plusieurs grandes maisons, notamment à la brasserie Georges, établissement emblématique lyonnais, puis dans différents bouchons lyonnais. « J’aimais la simplicité et la convivialité, les moments à table, qui redonnent le moral, qui font passer de beaux moments. Et j’aimais l’originalité des plats, je trouvais que ça changeait vraiment du restaurant traditionnel. » Aujourd’hui, beaucoup de produits tripiers peinent encore à séduire, mais la cheffe observe un regain d’intérêt pour ces plats rustiques. « Je trouve déjà qu’il y a un changement, de plus en plus de clients sont curieux, et souhaitent goûter aux plats de tripes ou d’abats », se réjouit‑elle. « C’est avec plaisir que je leur fais goûter un petit morceau en amont. Dans le restaurant nous proposons toujours des dégustations, nous parlons de ces produits. » Pour les initier en douceur, elle propose des assortiments en entrée : « une assiette lyonnaise, avec un peu de tripes, un peu de salade de museau. Et toujours avec une explication pour ne pas les prendre au dépourvu. Je suis fière de présenter ces plats que je cuisine avec beaucoup de soins : il y a une cuisson particulière qui fait toute leur mise en valeur, il ne faut pas se tromper », explique-t-elle.
Une cuisine exigeante
« Pour quelqu’un qui goûte la langue de bœuf pour la première fois, la cuisson doit être absolument parfaite, sinon il en gardera une mauvaise image », explique-t-elle. Les produits tripiers et abats sont délicieux à condition que l’on respecte leur particularité de cuisson. D’après Sandrine Huit, en général, ce n’est pas l’odeur qui gêne, ni le goût, c’est la texture qui peut paraître surprenante. « La cervelle d’agneau a un moelleux tout particulier, qui peut ne pas plaire à tous. La langue de bœuf doit être très bien cuite, sinon elle sera trop dure pour être appréciée. Les surcuissons sont aussi un danger, et cela arrive rapidement lorsque l’on n’est pas vigilant. De l'oreille ou des pieds de cochon trop cuits sont impossibles à cuisiner ensuite. » Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, les produits tripiers n’ont pas toujours été l’apanage de Sandrine Huit : « Je les ai connus lorsque j’avais environ 22 ans. Cela ne m’attirait pas forcément de prime abord, puis je m’y suis intéressée. Aujourd’hui, je les cuisine avec amour, je leur rends hommage, le gâteau de foie de volaille, la fraise de veau au vin blanc, l'andouillette de chez Braillon que l’on coupe en tranches et que l’on fait griller, servie avec un beurre persillé ou de la sauce moutarde à l'ancienne, le gras-double, la salade de museau… ». De multiples produits qu’elle sélectionne auprès de son tripier lyonnais, situé à Corbas. « Je leur fais confiance, ils me livrent de beaux bonnets. Nous formons une bonne équipe », raconte-t-elle.
Les abats et les tripes, symboles de la cuisine lyonnaise et française, Sandrine Huit les met aujourd’hui en valeur avec une grande fierté. « Ce sont des produits savoureux et de plus en plus nobles. En plus de valoriser l’entièreté des animaux et d’éviter ainsi le gaspillage, ils sont plein de bienfaits pour la santé. Je suis fière de faire partie de ces passionnés qui font vivre cette cuisine de terroir, franche et généreuse », conclut‑elle.
Charlotte Bayon
La Brigade des tripes, une grande famille de chefs tripiers
Originalité, goût, textures, qualités nutritionnelles, prix abordable…
Le cinquième quartier a tout bon, en plus d’éviter le gaspillage.
« Un jour, La Brigade des tripes a proposé au café Lobut de participer à un concours en lien avec la tripe.
J’ai été élue grâce à nos clients, j’ai été la deuxième cheffe de France à obtenir le plus de voix », se rappelle fièrement Sandrine Huit. C’est ainsi qu’elle participa ensuite à des concours, puis des évènements partout en France. « J’ai découvert le concours de Rungis, nos diplômes nous ont été remis au Salon international de l’agriculture, que j’ai également découvert à cette occasion.
J’ai rencontré de grands chefs venus du monde entier et cuisiné à leurs côtés », raconte-t-elle. « Ils font vivre les produits tripiers d’une manière incroyable. Un jour, j’ai cuisiné du foie de veau avec Laurent Mariotte pour Gérard Jugnot, j’ai vécu des expériences inoubliables. »
Une grande famille
« La Brigade des tripes, ce sont des gens formidables. C’est une équipe de passionnés, pleine de bienveillance, avec lesquels nous participons à tous les évènements existants autour
de la tripe. Je suis très heureuse de les connaître, je suis très fière de faire partie de cette famille », explique Sandrine Huit. Cette dernière en est membre depuis 2019, et compte bien participer à d’autres évènements pour en apprendre toujours davantage sur la cuisine qui la passionne.
C.B