Le saint-marcellin et la noix font la fête
Vinay s’apprête à accueillir la deuxième édition de la Fête du saint-marcellin et de la noix de Grenoble, les 14 et 15 juin, sur son Champ de mars et au Grand séchoir qui fête ses vingt ans cette année.
L’an dernier, la Fête du saint-marcellin et de la noix avait attiré presque 10 000 personnes et contribué à ce titre à développer l’attraction du territoire. Elle associe les deux communes qui l’hébergent alternativement, la communauté de communes et les deux interprofessions que sont le Comité interprofessionnel la noix de Grenoble (CING) et le Comité du saint-marcellin et du saint-félicien (C2MS). Pas moins de onze confréries prendront part à l’événement, à commencer par celles du saint-marcellin et de la noix, mais aussi les quenelles de Nantois, la châtaigne ou le saint-genix.
Les agriculteurs à l’honneur
« Nous poursuivons deux objectifs, a insisté Frédéric De Azvedo, le président de Saint-Marcellin Vercors Isère communauté (SMVIC). C’est d’abord la mise à l’honneur de nos agriculteurs, souvent accusés de nombreux maux. Cette manifestation leur permet de dérouler leur art car nous avons de plus en plus de difficultés à gérer les incompréhensions, a-t-il déclaré lors de la présentation de la prochaine fête du saint-marcellin et de la noix de Grenoble. Sans paysans nous ne mangerions pas et n’aurions pas les beaux paysages qui font la spécificité du territoire. » Le deuxième objectif est de valoriser l’authenticité et la ruralité, « car nous avons trop souffert de la colonisation des âmes par la métropolisation », déclare l’élu. Il évoque « un combat de société » et dénonce « les discours simplistes et dogmatiques sur les pratiques agricoles, alors que les agriculteurs font beaucoup d’efforts pour limiter leur impact sur l’environnement et nous font manger. »
Des produits complémentaires
Le maire de Vinay, Philippe Rosaire, renchérit sur le besoin « de redonner une image juste et méconnue » à la noyeraie, et de vanter les vertus de la noix. Il évoque l’évolution des pratiques - 30 % des nuciculteurs sont en agriculture biologique - et le retour des animaux qui pâturent sous les arbres. Il souligne la remarquable association du saint-marcellin et de la noix, non seulement d’un point de vue gastronomique, mais aussi parce que ce sont deux productions agricoles complémentaires, depuis la vallée de la noix jusqu’aux élevages des coteaux. Il conclut : « Entre le bleu du Vercors-Sassenage, la raviole, le saint-marcellin et la noix, notre territoire est celui qui réunit le plus de produits sous signes officiels de qualité. »
« Ces productions nous donnent la possibilité de vivre décemment de nos métiers sans se bousiller la santé, poursuit Bruno Neyroud, président du Comité du saint-marcellin et du saint-félicien (C2MS). Il faut cependant expliquer pourquoi les choses évoluent en agriculture de la même façon qu’elles évoluent dans l’industrie. L’objectif de ces évolutions en agriculture est de garder la même qualité de produit. » L’agriculteur fait ainsi un clin d’œil à l’exposition temporaire du Grand séchoir, « Les modernes », qui s’intéresse au progrès dans les campagnes.
Isabelle Doucet
IGP du saint-félicien : le dossier avance
Bruno Neyroud, le président du Comité du saint-marcellin et du saint-félicien (C2MF), se réjouit de la mise à l’honneur des produits du terroir et d’une très bonne nouvelle pour la labellisation du saint-félicien.
Le comité a reçu un avis favorable pour le lancement de l’instruction de vos deux demandes : la modification du cahier des charges du saint-marcellin IGP et la demande de reconnaissance en IGP pour le saint-félicien. Que cela signifie-t-il pour vous ?
Bruno Neyroud : « Depuis le 1er avril, et après un an et demi de travail avec l’INAO pour la reconnaissance en IGP du saint-félicien, nous pouvons passer en phase de pré-information. Celle-ci se déroulera par voie de presse. Une commission d’enquête est constituée afin de recueillir les retours sur notre demande de protection du saint-félicien. »
Quelles sont les prochaines étapes ?
B.N. : « Les résultats de l’enquête lanceront réellement le dossier de reconnaissance par l’INAO en France. Puis il faudra franchir l’étape européenne. Le processus devrait prendre entre deux et trois ans. »
Qu’est-ce qui distingue le saint-marcellin du saint-félicien ?
B.N. : « Il ne s’agit pas de faire un gros saint-marcellin, bien que ce soient les mêmes conditions de production et les mêmes vaches. Mais ce sont deux produits différents. Parce que plus gros, le saint-félicien est plus gourmand, et plus consensuel sur les tables. Il n’y a pas forcément d’ajout de crème, mais l’affinage n’est pas le même. »
La zone de production est-elle la même ?
B.N. : « La commission d’enquête définira le périmètre. La zone de production s’étend au-delà de la zone du saint-marcellin. Il y a une partie du Rhône, où est né le saint-félicien, de même qu’en Ardèche et toute la zone de collecte du Nord-Isère. Beaucoup de fermes font à la fois du saint-marcellin et du saint-félicien. »
Désormais les producteurs sont largement associés à la fête du saint-marcellin et de la noix. Quelles sont vos attentes ?
B.N. : « L’aspect touristique est important dans ce genre de manifestation. Pour les producteurs, une fête à la mi-juin, c’est parfois difficile à gérer, entre les foins et les moissons. Mais tous les producteurs ont été invités, aux côtés des élus à l’inauguration. Cette fête commune du saint-marcellin et de la noix nous permet de faire de la pédagogie. L’interprofession du lait (Cniel) sera notamment présente avec son camion, sa salle de traite et sa vache-robot. Il faut parler des produits, qui ne sont pas une matière première, mais issus du travail des producteurs. Ce sont des produits protégés, la noix depuis 1938 - c’est la première appellation fruitière en AOC - et le saint-marcellin depuis 2014 en IGP. Nous nous sommes battus pendant des années pour cela. Cette fête permet de faire reconnaître ce fromage et le travail des éleveurs dont beaucoup sont aussi nuciculteurs. Ces deux produits façonnent le territoire et lui donnent un attrait touristique car ce que l’on fait au niveau agricole se voit. Et nous ne faisons pas n’importe quoi car nos exploitations sont contrôlées et suivies pour aller vers la qualité, une qualité qui paye et nous permet de vivre décemment. J’ai aussi souhaité que nous insistions sur le tri des déchets et le recyclage, avec des moyens humains de la communauté de communes pour expliquer la démarche.
Propos recueillis par Isabelle Doucet