25 meilleures années : que des gagnants
C’est un combat syndical vieux de près d’un quart de siècle qui va trouver son issue à compter de janvier 2026 : le calcul des pensions agricoles sur les 25 meilleures années.
Vingt ans : c’est le temps qu’il a fallu pour enfin voir aboutir un combat syndical sans cesse remis sur l’ouvrage, le calcul des retraites des non-salariés agricoles sur la base des 25 meilleures années. « Un juste retour à l’équité, on va enfin pouvoir retirer les mauvaises années (nombreuses ces derniers temps entre sécheresses, inondations, crises économique et sanitaire…, N.D.L.R.) », s’est félicité Luc Smessaert, polyculteur éleveur dans l’Oise et vice-président de la FNSEA. En charge entre autres des questions sociales et fiscales, ce dernier intervenait vendredi 23 mai devant le conseil fédéral de la FDSEA du Cantal pour un éclairage sur les avancées récentes, nombreuses dans ces domaines et notamment sur le serpent de mer des retraites agricoles. Adoptée définitivement le 17 février 2025, cette réforme va s’appliquer au 1er janvier 2026 aux futurs retraités, de manière progressive en deux étapes, a exposé Aude Fernandez, juriste à la FNSEA et spécialiste du dossier. Sachant que cette réforme ne concerne que la retraite de base et non la retraite complémentaire obligatoire (RCO en points).
2026-2027 : période transitoire
Jusqu’à présent, cette retraite de base était constituée d’une retraite forfaitaire (325 €/mois pour une carrière complète) et d’une retraite proportionnelle en points, qui vont donc laisser place à un calcul basé sur le revenu. Dans un premier temps — soit pour les départs en retraite en 2026 et 2027 — le calcul sera hybride, avec calcul de la retraite forfaitaire selon les règles actuelles et calcul de la retraite proportionnelle selon les règles actuelles pour la période à compter de 2016, mais sur la base des meilleures années de points pour les périodes avant 2016. Le tout en répartissant les meilleures années selon le régime pour les assurés polypensionnés, très nombreux : neuf personnes sur dix partant en retraite dans le régime agricole sont en effet polypensionnés, soit avec des périodes de salariat agricole, soit dans d’autres régimes. Et ils devraient l’être tout autant sinon plus à l’avenir avec l’installation d’un nombre croissant de jeunes et moins jeunes hors cadre familial.
À compter de 2028, c’est le calcul réformé qui se mettra intégralement en place, avec une double liquidation : calcul de la retraite forfaitaire pour les années antérieures à 2016, à laquelle sera additionnée la retraite proportionnelle calculée sur les meilleures années de points toujours pour les périodes avant 2016 et d’un montant sur la base des seuls revenus des années à compter du 1er janvier 2016. Ce schéma concernera les nouveaux départs en retraite, mais ceux l’ayant fait valoir à compter de 2026, verront également leur retraite recalculée sur les nouvelles bases : si celle-ci leur est plus favorable, elle sera rehaussée et le différentiel leur sera versé de façon rétroactive au titre des années 2026 et 2027.
100 à 200 € de plus par mois
Quel sera l’impact de cette réforme ? Le simulateur promis par la MSA n’est pas encore opérationnel, les décrets d’application n’étant pas parus, mais à l’échelle globale, les études ministérielles estiment que l’ensemble des futurs retraités vont bénéficier d’une hausse de 5 à 10 % de leur pension (retraite de base). « Elle va surtout bénéficier aux exploitants agricoles dont les revenus ont été très variables ou qui ont eu un bout de carrière comme salarié ou encore qui n’ont pas droit au 85 % du Smic », précise la juriste. « Les personnes qui partiront au 1er janvier 2026 ou qui peuvent le faire avant, mais qui hésitent sont dans le flou, reconnaît Aude Fernandez. Mais on a une certitude, c’est que personne ne sera perdant dans cette réforme, il n’y a donc aucun risque à attendre quelques mois de plus. »
Parachever les avancées avec la PPL Chassaigne 3
Concrètement, cela pourrait se traduire par un gain de 100-150 € par mois, voire 200 € pour certains, « ça met du beurre dans les épinards », appuie Luc Smessaert, non sans rappeler que le combat n’est pas fini avec des revendications professionnelles que la proposition de loi Chassaigne 3, portée par le successeur du député puydômois, reprend dans l’ensemble : 85 % du Smic minimum pour toutes les carrières complètes y compris les conjoints et aides familiaux, exclusion des pensions de réversion de l’assiette de calcul du seuil d’écrêtement pour la revalorisation de la retraite agricole de base… Une PPL déposée à l’Assemblée nationale (sans date connue d’examen), qu’il va falloir défendre en convainquant le gouvernement « de mettre un peu d’argent ». Et de conclure : « On avait un système de retraite totalement déconnecté, demain, il sera relativement proche de ce qui se pratique chez les artisans, commerçants, salariés, tout en restant géré par la MSA ».
Patricia Olivieri
Les actifs sont aussi concernés
Les cotisations assurance vieillesse actuelles seront remplacées par une cotisation de retraite unique de 17,87 % sur un minimum de 600 Smic harmonisés. Explications.
La réforme des retraites agricoles s’accompagne d’un alignement des cotisations des non-salariés agricoles sur les autres indépendants dès 2026 pour les chefs d’exploitation et progressivement sur trois ans pour les chefs d’exploitation à titre secondaire et les membres de la famille. Les cotisations assurance vieillesse actuelles seront remplacées par une cotisation de retraite unique de 17,87 % sur un minimum de 600 Smic harmonisés. Finalement, le taux de cotisation va augmenter, mais sur une assiette changée. Cela va bénéficier aux 370 000 agriculteurs à titre principal, qui devraient payer 130 € de cotisation de moins à l’année ; a contrario, les chefs d’exploitation à titre secondaire cotiseront davantage (+ 130 €/an).
Plus de droits pour la RCO
Autre évolution à venir, la réforme du calcul de la CSG-CRDS sachant ce dernier était jusqu’à présent défavorable aux non-salariés. Au 1er janvier 2026, toutes les cotisations et contributions sociales personnelles dues par les exploitants agricoles seront calculées sur une assiette unique. Cette mesure a une double finalité : augmenter les droits retraite (RCO) et harmoniser les modalités de calcul des cotisations entre salariés et non-salariés.
P. O.
Coup d'accélérateur
En quelques années, des avancées majeures ont été obtenues sur les retraites agricoles avec la loi Chassaigne 1 qui a revalorisé de 75 à 85 % du Smic leur montant pour une carrière complète (soit 1 200 par mois au 1er janvier 2025) : un gain de 105 € par mois pour quelque 200 000 pensionnés représentant un budget global de 200 millions d’euros par an. La loi Chassaigne 2 a garanti un minimum retraite aux conjoints collaborateurs et aides familiaux, avec une hausse moyenne de 100 €/mois pour plus de 210 000 retraités, dont 67 % de femmes, soit également 200 M€/an au total. Pour autant, Georges Delmas, président de la SDAE du Cantal, rappelle que les retraites agricoles, même revalorisées, restent inférieures en moyenne de 200 € aux autres régimes, un écart qui se creuse jusqu’à 600, voire 700 € pour les femmes.