Loi Duplomb : « De nouvelles réponses pour aider les agriculteurs »
Après son passage au Sénat le 2 juillet dernier, l’Assemblée nationale a adopté définitivement le 8 juillet (316 voix pour, 223 contre ; 564 votants, 539 exprimés) la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Ce texte est issu de la commission mixte paritaire dont Jean-Luc Fugit, député de la 11e circonscription du Rhône, était membre.

Quels sont vos commentaires à la suite de l’adoption définitive de ce texte ?
Jean-Luc Fugit : « Ce texte a vocation à répondre aux difficultés rencontrées par nos agriculteurs, tout en préservant nos exigences environnementales. Soyons clair, je n’aurais jamais voté pour un texte dont je considère qu’il aurait été dangereux pour les Français. En conséquence et en responsabilité, j’ai apporté mon soutien à ce texte.
Nos agriculteurs font face à une réalité de plus en plus difficile : trop de normes, trop de contrôles, trop d’injonctions contradictoires. Leur quotidien est devenu un parcours d’obstacles. Ils doivent relever un triple défi : produire une alimentation de qualité, à bas coût, tout en respectant des normes sanitaires et environnementales parmi les plus exigeantes au monde. À cela s’ajoutent les effets du changement climatique : l’augmentation des aléas extrêmes, gel, grêle, sécheresse, mais aussi l’arrivée d’espèces invasives, complexifient encore davantage leur travail.
La crise agricole du début de l’année 2024 a mis en évidence la nécessité d’apporter des réponses concrètes et urgentes. Le gouvernement et le Parlement ont porté l’abandon de la hausse du GNR agricole, le soutien à l’installation des jeunes, la réduction des frais de succession, le plan Ambition bio, des mesures budgétaires pour faire face à la crise sanitaire des élevages ou encore la loi sur les drones d’épandage. La loi d’orientation agricole (LOA) adoptée début 2025 a aussi posé un cap clair avec le principe « pas d’interdictions sans solutions ». C’est dans cette continuité que s’inscrit cette proposition de loi adoptée par le Parlement. »
Après avoir été refusée par l’Assemblée nationale le 26 mai, cette loi avait été renvoyée devant la Commission mixte paritaire, avant son passage au Sénat le 2 juillet, puis l’adoption par l’Assemblée nationale la semaine dernière. Qu’est-ce qui a changé depuis ?
J-L.F. : « Pour comprendre le vote définitif du texte à l’Assemblée nationale, il faut encore remonter un peu dans le temps. Lorsque la proposition de loi est arrivée en débat à l’Assemblée nationale, après avoir été débattue par les sénateurs, le texte proposait une réautorisation sans contrainte de l’acétamipride, la mise sous tutelle politique de l’Anses ou encore la création d’une nouvelle catégorie de zone humide.
Avec mon groupe politique, nous avons travaillé en commission des Affaires économiques à l’Assemblée nationale pour apporter de profonds changements à ce texte, en limitant les capacités d’usage de l’acétamipride, en réaffirmant l’importance de l’indépendance de l’Anses ou encore en proposant de donner corps juridiquement au Comité des solutions à la protection des cultures, qui avait été créé sous le gouvernement du Premier ministre, Gabriel Attal, en 2024.
Ce texte nouvelle formule, qui permet de mieux protéger nos agriculteurs et notre environnement, a été voté par les députés en commission. Malheureusement, l’obstruction de la gauche réunie à coups de milliers d’amendements n’a pas permis que nous puissions avoir un débat serein en séance publique et nous a poussés à rejeter le texte.
Ainsi, c’est le texte initial qui a été débattu en commission mixte paritaire, précisément celui que nous ne voulions pas. Malgré tout, nous avons réussi à trouver un compromis lors de nos débats en commission mixte paritaire. Ce compromis reprend pour beaucoup ce que nous avons défendu à l’Assemblée nationale et corrige de nombreuses imperfections du texte initial. »
Pourriez-vous rappeler les principales mesures contenues dans cette loi ?
J-L.F. :« Parmi ses points structurants, figure la révision du cadre d’organisation de la vente et du conseil en produits phytosanitaires. La séparation rigide, prévue par la loi Égalim de 2018, s’est révélée difficile à mettre en place. Ce texte adopté corrige ce cadre en permettant le maintien de la séparation des activités de vente et de conseil pour les producteurs de produits phytosanitaires et la suppression de la séparation de ces mêmes activités pour les distributeurs.
Ce texte de loi propose aussi de réautoriser l’usage de l’acétamipride en France, pour quelques filières comme l’arboriculture et les betteraves.
En réautorisant l’acétamipride, nous mettons ainsi fin à une surtransposition qui empêche les agriculteurs français de disposer des mêmes conditions de traitement que leurs homologues européens pour l’usage de cette molécule dont les études scientifiques de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) ont conduit à confirmer son autorisation d’utilisation au niveau européen jusqu’en 2033.
Je souhaite aussi être très clair : cette loi ne généralise pas l’usage de l’acétamipride en France. Son utilisation sera ciblée et très encadrée. Ce texte n’ouvre pas non plus la porte à l’autorisation d’autres usages des néonicotinoïdes interdits par l’Efsa. Les produits aujourd’hui interdits en France comme en Europe le resteront, et cela pour une raison simple : c’est toujours aux scientifiques de décider. De plus, la loi interdit dès le 1er janvier 2026, la fabrication, le stockage et la circulation de produits contenant des substances interdites par l’Union européenne.
D’autres avancées de ce texte méritent par ailleurs d’être soulignées. Le texte de loi permet de donner corps juridiquement au Comité des solutions à la protection des cultures, et d’alléger des contraintes bien identifiées, comme : la simplification des démarches pour l’élevage ; la possibilité de recours sur les évaluations de pertes de récoltes ; la qualification d’intérêt public majeur pour les ouvrages de stockage de l’eau. C’est du concret, du terrain, et cela répond à une demande forte des exploitants.
Finalement, cette proposition de loi constitue une avancée supplémentaire, réelle, tangible et attendue, en apportant de nouvelles réponses pour aider les agriculteurs à exercer leur métier dans des conditions dignes et durables. Désormais, il nous faudra veiller à sa mise en œuvre rapide et fidèle à l’esprit du compromis trouvé. »
Propos recueillis par E.P. et C.L.
Votes et réactions des députés de la Drôme
Paul Christophle, député PS de la première circonscription de la Drôme (Valence, Tain), a voté contre : « La loi Duplomb est une tromperie à l’égard du monde agricole et un danger pour la santé humaine et environnementale, a-t-il écrit sur sa page Facebook, le 8 juillet. Réintroduction des néonicotinoïdes : nous saisissons le Conseil constitutionnel ! »
Lisette Pollet, députée RN de la deuxième circonscription de la Drôme (Portes-lès-Valence, Loriol, Montélimar, Pierrelatte), a voté pour : « Une loi essentielle pour mettre fin aux surtranspositions et sur-réglementations françaises sur les produits phytosanitaires. Parce que nos agriculteurs subissent, depuis trop longtemps, une double peine : des règles plus strictes que celles imposées au niveau européen ; une concurrence déloyale face à des produits importés soumis à des normes moins exigeantes », a-t-elle écrit sur son compte Instagram, le 9 juillet.
Marie Pochon, députée écologiste de la troisième circonscription de la Drôme (Vercors, Diois, Baronnies), a voté contre : « Ce mardi 8 juillet restera comme un jour noir pour la santé des Françaises et des Français, et les maigres avancées que nous avions acquis en matière de protection de la biodiversité. Le texte réautorisant des néonicotinoïdes toxiques, et levant les réglementations sur les élevages ICPE ou les méga-bassines, a été adopté par l’Assemblée nationale à 316 voix contre 223, contre l’intérêt général », a-t-elle notamment publié sur sa page Facebook, le 8 juillet.
Thibaut Monnier, député RN de la quatrième circonscription de la Drôme (Nord-Drôme), a voté pour : « J’ai voté pour la loi Duplomb pour défendre notre agriculture, pilier de notre souveraineté alimentaire. Sans agriculteurs, pas de France souveraine. Merci à ceux qui nourrissent nos familles au quotidien », a t-il réagi sur sa page Facebook, le 8 juillet. n