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CONSEILS

Désherbage du maïs, la préservation des molécules restantes est l’affaire de tous

Depuis le 23 juillet 2024, les herbicides contenant du S-métolachlore ne peuvent officiellement plus être appliqués. Le désherbage, de prélevée notamment, repose désormais sur un nombre limité de molécules qu’il convient d’utiliser de manière responsable, afin d’en assurer leur pérennité.

Désherbage du maïs, la préservation des molécules restantes est l’affaire de tous
©Agpm01
Le raisonnement de l’usage du DMTA-P doit se faire sur la base de la flore attendue sur la parcelle.

Largement utilisé sur maïs, maïs semence et sorgho, le S-MOC (Mercantor Gold, Camix etc) était central dans la gestion de la flore de graminées estivales (panic, sétaires, digitaires). Son retrait fait craindre un report massif sur le DMTA-P (Isard, Spectrum), autre molécule de la même famille des chloroacétamides et dont les performances sont similaires. Si cette molécule reste homologuée jusqu’en 2034 à l’échelle européenne, il est très probable que sa fréquence de détection dans les eaux brutes risque de croitre proportionnellement aux surfaces traitées. D’autant plus que son usage, bien que marginal comparé au maïs, est également possible sur tournesol (Dakota-P) et colza (Alabama, Anitop). Il revient dès lors à l’ensemble de la filière de réserver l’emploi de ces produits aux strictes situations le nécessitant.

Pas ou peu de graminées, pas de DMTAP !

Le raisonnement de l’usage du DMTA-P doit se faire sur la base de la flore attendue sur la parcelle. L’analyse des bases de données des essais d’Arvalis-Institut du végétal permet d’identifier les pressions gérables sans cette molécule. Pour des pressions faibles à modérées (20 à 50 plantes/m² toutes espèces confondues), le DMTA-P n’est pas nécessaire et d’autres produits racinaires type Adengo Xtra ou Merlin Flexx constitueront une base de prélevée suffisante. Pour des pressions au-delà de 50 graminées (ou 20 dans le cas où les sétaires sont majoritaires), le DMTAP s’avèrera nécessaire. Il pourra être positionné en post-levée précoce (2/3 feuilles du maïs) pour gagner en persistance d’action sur les semis précoces, notamment. À 30 jours, l’Adengo Xtra permet de contrôler des populations de graminées moyennes à modérées en prélevée. Un rattrapage peut être nécessaire.

Recommandations d’usage spécifiques sur les zones à enjeux eau

En vue de limiter les risques de transfert vers les eaux de captages, BASF a établi des recommandations spécifiques pour les parcelles situées en aire d’alimentation prioritaires : ne pas dépasser 864 gr de DMTA-P/ha (ex 1,2 l d’Isard max) et ne pas dépasser 1 152 gr sur 2 ans (équivalent 0,8 l d’Isard chaque année). Il est ainsi possible de faire 1,2 l d’Isard un an sur deux ou 0,8 l tous les ans, mais son usage ne doit pas être systématique et raisonner en fonction de la flore.

Ouverture de l’usage du DMTAP en prélevée sur sorgho

Initialement utilisable à partir de 2 feuilles du sorgho pour des questions de sélectivité, le recours à des semences traitées par un phytoprotecteur (Concep C) permet désormais d’appliquer le DMTAP au post-semis/prélevée du sorgho.
Cette utilisation est néanmoins conditionnée à plusieurs précautions :
• Appliquer en bonnes conditions : sur sol frais, en absence d’abats d’eau prévus, d’écarts de températures importants etc,
• Ne pas utiliser sur sol très filtrant (> 80 % de sable), pauvre en argile (< 15 % argiles), en MO ou battant,
• Ne pas dépasser les 0,8 à 1 l/ha.
Cette nouveauté ne doit pas faire oublier que la gestion des graminées reste une tâche compliquée en sorgho compte tenu du manque de solutions disponibles en rattrapage de post-levée sur ce type de flore. L’usage en prélevée peut permettre d’améliorer les efficacités des programmes mais il convient de garder à l’esprit qu’il s’agit d’une dose modulée par rapport à la dose maïs et que l’anticipation de l’application peut être limitante pour gérer les levées tardives. Quoi qu’il en soit, les conditions d’applications (humidités du sol, absence de stress) et le stade des adventices (germination, levées) sont des facteurs clefs de réussite.

Des résistances progressent sur les herbicides de post-levée

Par la manière dont ils sont métabolisés par les adventices, les produits foliaires de rattrapage sont particulièrement sensibles à l’apparition de résistances. Leur usage répété dans le temps peut conduire à des baisses de sensibilité voire à des échecs de désherbage. 
Le nicosulfuron, largement utilisé sur maïs a vu son taux de satisfaction de désherbage décroitre de plus de 20 % sur les 20 dernières années, en dépit des évolutions de formulations et d’amélioration du matériel de pulvérisation.
Varier les modes d’actions à l’échelle de la parcelle et de la rotation permet de limiter grandement ces risques de résistances. Pour rappel, le nicosulfuron fait partie de la famille chimique des sulfonylurées, tout comme le foramsulfuron (Monsoon, Equip) par exemple. Les risques d’apparition de résistances sont donc proches pour ces molécules, de même que l’usage de sulfonylurées sur d’autres cultures (ex mésosulfuron sur céréales) qui peuvent encore renforcer la pression de sélection. La gestion du désherbage doit donc se faire à l’échelle pluriannuelle et en englobant les leviers agronomiques (labour occasionnel, rotation, désherbage mécanique etc). 

Yann Janin, Arvalis-Institut du végétal