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Santé

Agir à 360 degrés  pour le bien-être

Depuis plusieurs années, l'agriculture est ébranlée par de nombreuses crises sanitaires et économiques. Les acteurs du monde agricole relèvent leurs manches pour ne laisser personne sur le bord de la route et permettre à chacun de rebondir. Lundi 20 et mardi 21 octobre, Olivier Damaisin, coordinateur national interministériel du Plan de prévention du mal-être en agriculture, était en Auvergne-Rhône-Alpes pour échanger avec les représentants professionnels.

Agir à 360 degrés  pour le bien-être
©MCSB_Apasec
Olivier Damaisain entouré de l'ensemble des présidents des caisses locales de la MSA d'Auvergne-Rhône-Alpes avec lesquels il a échangé le 21 octobre.

Dermatose nodulaire contagieuse bovine (DNCB), fièvre catarrhale ovine (FCO), impasses techniques en arboriculture, crise viticole, influenza aviaire, prédation… Les crises sanitaires, économiques et sociales s’enchaînent, laissant les agriculteurs épuisés, isolés, parfois au bord du gouffre. Les maux sont, en effet, nombreux en agriculture et il est parfois difficile pour les exploitants et salariés agricoles de poser les mots et d’en parler. Le mal-être demeure un tabou, pourtant, dans le monde agricole, il est grandissant. En 2024, la MSA a enregistré 31 % de signalements de situation de mal-être supplémentaires par rapport à 2023. Un constat sans appel qui ne peut rester lettre morte. Pour l’ensemble des parties prenantes, l’humain doit retrouver sa place centrale dans la gestion de la santé mentale, grande cause nationale en 2025. « Ce n’est pas l’activité qui est prioritaire, c’est l’agriculteur », a martelé Olivier Damaisain, coordinateur national interministériel du Plan de prévention du mal-être en agriculture, alors qu’il était en déplacement en Auvergne-Rhône-Alpes les 20 et 21 octobre derniers. Au cours de deux réunions, à Saint-Nizier-d’Azergues (Rhône) sur l’exploitation du président de la MSA Ain-Rhône, Dominique Despras, et à Lyon dans les locaux de la MSA Ain-Rhône, ce frère d’agriculteur a rencontré des représentants de la profession agricole de l’Ain et du Rhône*, parfois à bout de souffle face au désespoir de certains de leurs collègues, et les membres du conseil d’administration de l’Arc MSA Auvergne-Rhône-Alpes. Pendant deux jours, le coordinateur interministériel a échangé à cœur ouvert avec des agriculteurs pour faire remonter au sommet de l’État les préoccupations de terrain.

Les raisons du mal-être sont multiples

Manque de moyens financiers et humains, l’impression d’être parfois seul face au mal-être, dysfonctionnement dans la chaîne de communication… Les doléances ont été aussi nombreuses que poignantes. Tous sont en attente d’un « cap », notamment pour la jeunesse agricole, l’avenir de l’agriculture. « Nous voyons une jeunesse désemparée. Face à la DNCB, par exemple, les jeunes font partis des plus déconcertés. Ils avaient entre 10 et 20 ans lors de la Covid et, aujourd’hui, pour les jeunes éleveurs ou pour ceux grandissant dans une exploitation d’élevage, c’est une Covid animale qu’ils vivent ces dernières semaines. Ils sont dans un département où plus rien ne bouge. Notre jeunesse est interrogative. 45 % des dossiers de la cellule Réagir dans le Rhône sont des jeunes installés depuis moins de 5 ans », souffle-t-on dans les rangs des élus professionnels pointant du doigt un isolement toujours plus accru, renforcé parfois par les réseaux sociaux. « Parce que nous avons 10 000 amis sur les réseaux, nous pensons ne pas être seuls. C’est faux ! » L’isolement est, en effet, l’un des facteurs aggravant du mal-être dans la population agricole qui est multifactoriel. Les raisons peuvent être de l’ordre personnel ou professionnel. Selon les dernières statistiques de la plateforme Agri’écoute, la pression économique apparait comme la première source de risque professionnel devant la surcharge de travail et les contraintes administratives. Ainsi, si les raisons du mal-être sont multiples, pour Olivier Damaisin et l’ensemble des parties prenantes, la réponse aussi est plurielle. Il est indispensable de mettre en place une approche globale, intégrant les dimensions humaines, sociales et psychologiques, afin de donner du répit aux personnes en situation de mal-être.

Tous ensemble

« À mon sens, il est primordial que nous avancions tous ensemble. La MSA, la chambre d’agriculture, le syndicalisme… doivent être dans les premiers à être prévenus lors d’un événement comme la DNCB ou d’autres situations préoccupantes. C’est ensemble que nous parviendrons à relever ce défi et que nous réussirons à permettre aux personnes touchées de mettre en place les 4R dans leur vie pour surmonter les crises : le repos, le recul, le réseau (collègues, banques, assurances, services de l’État…) et le rebond », a affirmé Olivier Damaisain. 


Marie-Cécile Seigle-Buyat

*MSA, Département, chambres d’agriculture, FDSEA 01 et 69, Solidarité paysans 01-69…

Le mal-être agricole : définition 

Si le mal-être est défini comme un état physique et/ou mental dégradé, issu de difficultés multifactorielles, le mal-être en agriculture est souvent caractérisé par un cumul de plusieurs facteurs de tension très spécifiques à l’exercice du métier agricole. Ces facteurs sont de natures diverses, et peuvent relever de difficultés personnelles ou familiales, de problèmes de santé liés ou non au travail, de la charge de travail elle-même ou encore du poids social et culturel que représente l’activité agricole dans la société française. Le mal-être agricole est un phénomène complexe et global, qui peut affecter toute la population des assurés MSA, qu’ils soient exploitants ou salariés agricoles. Il existe un sur-risque de mortalité par suicide au sein des populations agricoles, salariés comme exploitants. À ce titre, un Plan national interministériel de prévention du mal-être agricole a été créé sous la responsabilité d’Olivier Damaisin. Une organisation départementale a été également mise en place grâce à des comités départementaux pléniers et techniques de prévention du mal-être agricole.  
Source MSA

Les dispositifs d’accompagnement existants

Lutte contre le mal-être agricole / Depuis le lancement du plan de lutte contre le mal-être, plusieurs dispositifs ont été mis en place venant compléter certaines mesures historiques.  
Agri’écoute -  09 69 39 29 19
Un service pour échanger à tout moment avec un psychologue Agri’écoute est un numéro d’appel gratuit – 09 69 39 29 19 – accessible 24h/24 et 7j/7 qui permet à tout ressortissant agricole ainsi qu'à leur famille de dialoguer anonymement, à tout moment, week-end et nuit y compris, avec des psychologues formés à la gestion du mal-être dans le milieu agricole. En complémentarité de la ligne téléphonique, Agri’écoute dispose également d’une plateforme de discussion en ligne, agriecoute.fr, permettant d’échanger directement avec des psychologues par tchat, mail ou visio-consultation, et de prendre rendez-vous pour un appel téléphonique ultérieur. Agri’écoute permet une prise en charge privilégiée des appelants, et peut ainsi proposer jusqu’à cinq rendez-vous téléphoniques avec un même psychologue si plusieurs temps d’échanges sont nécessaires. Dans le cadre de son accompagnement à distance, toute personne appelant Agri’écoute peut choisir de garder l’anonymat, en utilisant un pseudonyme. Si l’appelant consent à la levée d’anonymat, il peut alors être mis en relation avec une cellule pluridisciplinaire de prévention du mal-être de la MSA, qui prendra le relais afin de l’accompagner aussi longtemps que nécessaire. En 2024, 4 408 appels ont été traités, correspondant à 3 815 appelants, soit une moyenne mensuelle d’environ 367 appels.
Soutien agri’ - msa.fr/pass-agri
Soutien agri’ est le guide en ligne référençant l’ensemble des aides de la MSA pour soutenir les actifs agricoles en difficulté.
Le réseau des sentinelles
Présent sur l’ensemble du territoire national, le réseau des sentinelles est composé de volontaires formés au repérage des signes précurseurs du mal-être. Leur mission principale est de repérer dans leur entourage les personnes en situation de mal-être (salariés et non-salariés agricoles mais aussi jeunes, retraités…), et de les orienter vers les ressources qui peuvent les aider. Ces volontaires proviennent des organisations professionnelles agricoles comme les salariés de la MSA (conseillers en prévention, agents d’accueil…), élus MSA, mais aussi des conseillers des chambres d’agriculture, des conseillers bancaires, des experts-comptables, ou encore des exploitants, etc. La participation aux formations Sentinelle n’est pas limitée aux seuls actifs du secteur agricole. Les retraités ainsi que les autres acteurs ruraux non-agricoles de la société civile (maires et secrétaires de communes rurales, ambulanciers, vétérinaires, etc.) peuvent se former. Au 31 décembre 2024, la MSA recensait 8 054 sentinelles actives sur tout le territoire.
Les cellules pluridisciplinaires de prévention du mal-être
Pour accompagner au mieux ses ressortissants confrontés à des situations de détresse, chaque MSA dispose d’une cellule pluridisciplinaire de prévention (CPP) du mal-être à destination des salariés et non-salariés agricoles et de leurs familles. Ses objectifs sont d’apporter une écoute, d’analyser les situations de détresse et de développer un réseau d'aides et d'accompagnements adaptés à la situation de chaque bénéficiaire du dispositif. Elle est composée des référents des services de l’action sociale, de la santé au travail, la prévention des risques professionnels, la médecine conseil, la prévention santé, la relation de service, des services réglementaires et du contentieux. Un professionnel de santé (souvent un psychologue), externe ou interne à la MSA, complète la cellule. Mises en place dès 2012, dans le cadre du plan de prévention du suicide en milieu agricole, les cellules pluridisciplinaires couvrent l’ensemble du territoire français.
L’aide au répit
Le dispositif d’accompagnement vers le répit vise à prévenir l’épuisement professionnel de tous les actifs du monde agricole, non-salariés comme salariés, grâce à trois volets d’accompagnement, chacun adapté à des situations différentes. L’aide au répit peut ainsi se traduire par des aides au remplacement, un accompagnement social, et depuis 2024, par le financement d’une prestation de soutien administratif.


Source CCMSA