Rémi Camus, l’éco-aventurier qui traque les polluants éternels du Rhône
Explorateur, formateur en techniques de survie et conférencier, Rémi Camus s’est fait une spécialité des expéditions physiques au service de la sensibilisation environnementale. Après avoir descendu le Mékong en hydrospeed, fait le tour de la France à la nage ou traversé la Méditerranée en autonomie, l’éco-aventurier s’est lancé dans une nouvelle mission : celle de cartographier la présence des PFAS, aussi appelés « polluants éternels » dans la vallée du Rhône.
«Le défi physique, l’exploit sportif, c’est un moyen de se mettre au service d’une cause et d’embarquer les gens et les médias dans une aventure humaine », explique Rémi Camus. Ce dernier est, en effet, engagé dans les problématiques liées à l’eau, depuis sa première aventure en 2010. « J’ai monté ma première expérience à cette époque-là, puis je suis parti en Australie que j’ai traversée de Melbourne à Darwin (5 400 km) en totale autonomie. J’y ai rencontré les aborigènes, c’est à leurs côtés que j’ai découvert la rareté de l’eau. J’ai dû boire mon urine pour ne pas mourir après quatre jours dans le désert, c’est cette expérience qui m’a motivé dans mon combat pour sensibiliser aux sujets liés à l’eau. » Rémi Camus s’est ensuite laissé glisser en hydrospeed sur le Mékong, du Tibet au Vietnam (4 400 km) à la rencontre des populations et de leur mode de vie autour de l’eau, avant de parcourir la France à la nage en 2018, de Dunkerque à Monaco (2 650 km), pour alerter les populations et les sensibiliser à la protection des milieux aquatiques.
Défis physiques, messages écologiques
L’explorateur de 40 ans poursuit son engagement au travers d’une nouvelle aventure : cartographier la présence des PFAS dans le Rhône, du glacier à la Méditerranée, à bord d’un canoë gonflable (packraft). « On parle souvent de pollution visible : les plastiques, les déchets flottants. Mais il existe une pollution invisible, dissoute, très inquiétante », explique-t-il. Les PFAS (pour poly et perfluoroalkylées) sont des composés chimiques, créés par l’homme et produits pour de multiples usages : « ustensiles de cuisine, textiles, peintures, cosmétiques, agriculture... Il en existe des milliers », explique Rémi Camus. « Leur structure chimique les rend presque indestructibles », ce qui leur vaut le surnom de « polluants éternels ». C’est pour ces raisons que le 15 septembre, il s’est mis en route à la traque des PFAS dans le Rhône. 28 jours de traversée, 812 km, 9 heures de navigation par jour, une aventure riche qui débouchera sur la réalisation d’un documentaire en 2026.
L’ampleur de ce qui
est invisible
Pour Rémi Camus, le plus grand des défis reste celui de faire comprendre au grand public l’ampleur de ce qui est invisible. « Il est difficile de faire entendre qu’une eau limpide, transparente,
d’apparence pure, peut contenir de nombreux polluants, extrêmement dangereux pour notre santé. » Pour cela, l’aventurier a décidé de montrer au grand public comment évolue un fleuve du glacier à la Méditerranée, avec ses affluences, ses barrages, ses écluses, agglomérations, industries, forêts, prairies, domaines viticoles, agricoles... Il travaille aux côtés du laboratoire Wessling, qui a organisé les prélèvements à faire par le navigateur. « Nous prélevons des échantillons à 2 et 30 cm de profondeur, à intervalles réguliers tout le long du fleuve, sur des points de coordonnées GPS, qui correspondent à des changements d’état de l’eau du fleuve », explique-t-il. S’en suivra l’interprétation des résultats de prélèvements, un travail de longue haleine effectué par les scientifiques du laboratoire, partie prenante de cette expérience. L’aventurier retient tout de même certains chiffres bruts du début de son périple, les prémices de découvertes peu réjouissantes. « Sur les hauteurs du glacier de la Vanoise, à 2 830 mètres, sur des glaces d’une cinquantaine d’années, aucune trace de PFAS n’a été détectée. Un peu plus bas, nous avons prélevé un échantillon à 2 300 m, encore une fois, aucune présence de PFAS détectée. Puis, nous avons prélevé un dernier échantillon dans le lac qui s’est formé depuis 2010 à cause du dérèglement climatique, et qui malheureusement ne cesse de grandir. Nous y avons trouvé 150 nanogrammes de TFA, qui est une molécule de PFAS à chaîne longue. Ce TFA, on ne le trouve pas dans la glace ancienne. En discutant avec le directeur du laboratoire, ce dernier a conclu qu’il provenait probablement des pluies », souligne Rémi Camus.
« Nous sommes donc arrivés à un point où la pollution chimique tombe littéralement du ciel », se désole-t-il. Ces résultats, encore bruts, demandent cependant des mois d’interprétation. n
Charlotte Bayon
Documenter et sensibiliser
L’expédition de Rémi Camus donnera lieu à une cartographie complète au printemps 2026, puis à un documentaire prévu dans la foulée. Il compte ensuite reprendre la vallée du Rhône à vélo, cette fois, pour présenter les résultats aux élus, aux associations et aux citoyens.
«L’idée est d’aller sur le terrain, montrer concrètement ce qu’on a trouvé, et surtout qu’il existe des solutions », explique Rémi Camus. Il est, selon lui, indispensable de lier écologie et économie : « L’écologie, ça ne marche que si l’économie suit. En Asie, j’ai vu des gens ramasser les déchets des rivières uniquement parce qu’ils avaient une valeur marchande. Tant que l’on ne donnera pas de valeur à la dépollution, on n’avancera pas. » Aujourd’hui, les PFAS s’accumulent dans les sols, les rivières, les organismes vivants. Ils contaminent les cultures, les poissons, et finissent dans nos assiettes. « Au cours de mon périple, certains habitants me demandaient : est-ce que je peux manger mon poisson ? Je leur répondais que je n’en savais rien car je ne suis pas scientifique, je ne fais que collecter des données. Mais il est vrai que l’on manque cruellement de transparence sur toutes ces données », assure-t-il.
Des conséquences économiques vertigineuses
Les conséquences économiques s’annoncent, quant à elles, très importantes : selon une étude citée par Le Monde, la dépollution des PFAS en Europe pourrait coûter entre 90 et 2 000 milliards d’euros sur vingt ans. À Chasse-sur-Rhône, la commune a investi 7 millions d’euros dans une station de traitement pour garantir la qualité de l’eau, son entretien annuel coûte 500 000 €. « Si chaque commune doit faire pareil, les dépenses à venir s’avèrent colossales. Il faut agir et trouver des solutions durables », conclut-il.
C.B