À Bren, une retenue d’eau collinaire pour plus de résilience
Pour l'irrigation de leurs cultures, Christophe Lamotte et Philippe Grève, exploitants agricoles à Bren, revalorisent 100 % de l’eau provenant du lavage des légumes et de la récupération d’eau des toits.
S’il s’agit d’un projet colossal pour HDC Lamotte, l’entreprise de Christophe Lamotte, et l’EARL La roche, la ferme de Philippe Grève, cette retenue collinaire a su faire toutes ses preuves depuis sa construction en 2023. Engagé dans la recherche de solutions pour répondre aux enjeux et aux besoins en eau du territoire, Thierry Devimeux, préfet de la Drôme, est venu rencontrer les deux agriculteurs lundi 2 juin.
« Si je viens, c’est que je veux que nous puissions dire collectivement que c’est possible de faire des retenues d’eau collinaires. Vous en êtes un exemple. On ne pourra pas éviter les stockages. Il faut du stockage. Nous avons une réglementation qui est pour l’instant contraignante. Ces sujets sont toujours compliqués car il y a des avantages et des inconvénients. Par exemple, un sol argileux peut aussi être une zone humide et un risque que le projet dénature un peu plus la biodiversité. Or, la biodiversité est un sujet. Le stockage de l’eau, c’est un sujet. La protection de nos sols, c’est un sujet. Il y a une somme de contraintes parfois difficiles à gérer », déclare le préfet.
La retenue collinaire de Christophe Lamotte et Philippe Grève se situe quant à elle en zone sableuse et est équipée d’une membrane protectrice.
Réutiliser les eaux
L’entreprise HDC Lamotte, expédie 10 000 tonnes de produits chaque année dont 60 à 70 % sont cultivés sur le secteur. L’entreprise familiale s’est développée depuis 1992 avec plusieurs phases d’agrandissements en 2008, 2018 et 2022. Les fruits et légumes sont vendus à la grande distribution par le biais de plateformes et de centrales d’achat. « Au fur et à mesure des agrandissements, je me suis retrouvé à devoir mieux gérer l’eau, notamment pour le lavage des légumes. En plus, nous avons une belle surface de captage d’eau sur nos 9 000 m² de bâtiments, a expliqué Christophe Lamotte. Avec Philippe, nous consommions environ 60 000 m³ d’eau par an. Pour obtenir des aides sur le projet, nous nous sommes engagés à réduire de 40 % nos prélèvements ».
Leur retenue collinaire a une capacité de 18 000 m³. « Sur une année normale, on récupère 27 000 m³ d’eau sur les 60 000 m³ consommés. Donc nous allons au-delà des 40 % demandés dans la diminution de nos prélèvements ».
Avant la retenue, Christophe Lamotte et Philippe Grève consommaient de l’eau issue de deux forages construits par leurs pères dans les années 1980. En parallèle de son entreprise, Christophe Lamotte cultive des fruits et légumes (abricots, pommes de terre, courges…) sur les 120 hectares de sa ferme SCEA Soleil des collines. L’EARL La Roche, installée depuis 1992, produit le même type de fruits et de légumes mais possède aussi une activité d’élevage de volailles.
Depuis l’installation d’un système de goutte-à-goutte aux pieds des arbres en 2015, les agriculteurs avaient divisé leur consommation d’eau par deux sur cette culture. À ce jour, ils bénéficient en outre d’un bassin d’environ 6 500 m³.
La retenue d’eau collinaire a une capacité de 18 000 m³. ©ME-AD26
« Avant la retenue, l’eau de lavage partait au fossé. Nous avons décidé de la récupérer, a expliqué Christophe Lamotte. Pour financer ce projet, les agriculteurs ont bénéficié de 80 % d’aides de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée et du Département de la Drôme. La création de la retenue d’eau collinaire a nécessité 700 000 € d’investissements, ici rendu possibles avec l’avance de la Caisse d’Épargne.
L’eau, un des nerfs de la guerre
Pour mener ce type de projet, les agriculteurs sont invités à prendre contact avec la Direction départementale des territoires et la chambre d’agriculture avant de faire appel à un cabinet d’études. À noter qu’à présent, pour bénéficier d’aides pour ce type de retenue collinaire, au moins quatre exploitants agricoles doivent être associés sur le projet. « Vous voyez le coût que cela représente au m³ ?, a analysé Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme. Pour les retenues qui peuvent être remplies uniquement hors période d’étiage, donc avant le mois de mai, ça reviendrait cher, 700 000 € pour 20 000 m³ d’eau stockés. Ne pourrait-on pas, plutôt que de parler de période d’étiage, parler de hautes eaux ou de basses eaux ? Quand il y a des orages et de la pluie pendant quelques jours, nous pourrions remplir à ce moment-là. Cela permettrait, pour le même investissement, d’avoir un volume mieux valorisé et même de pouvoir aider les milieux à certains moments ». De quoi faire réfléchir le préfet, attentif aux revendications des agriculteurs présents.
« Demain, nous projetons de continuer à nous développer. Les cultures sont déjà établies. Il y a une demande croissante de nos clients pour plus d’approvisionnement car il y a une diminution du nombre d’agriculteurs. Déjà, certains ont du mal à se projeter sur l’eau. En plus, nous travaillons sur la fin de nos produits phytosanitaires les uns après les autres. Aujourd’hui, nous n’avons plus d’herbicide et de pesticides autorisés pour certaines productions. Ensuite, il y a aussi le manque de personnel. Donc si vous additionnez l’eau, les impasses techniques et le manque de main-d’œuvre… L’équation est assez dure même s’il faut continuer à croire en son métier », a énuméré Christophe Lamotte. Une chose est sûre, sur l’eau, les deux agriculteurs peuvent regarder vers l’avenir grâce à cette réserve d’une durée de vie d’au moins cinquante ans.
HDC Lamotte en chiffres
- 10 500 tonnes de produits (3 000 t d’abricots, 3 000 t de pomme de terres, 3 500 t de courges, butternut, 500 t de navets violets, 450 t de poires bio).
- 9 000 m³ de bâtiments.
- 50 salariés permanents.