A la recherche de l’autonomie protéique

Depuis 2016, un groupe d'une douzaine d'éleveurs laitiers bio et conventionnels de la Loire et du Rhône, s'est lancé dans la recherche d'autonomie protéique, appuyé par l'Addear de la Loire, l'Ardab et Loire Conseil élevage. Un premier travail d'identification de toutes les sources de protéines existantes sur les fermes de chacun des membres du groupe a été réalisé l'hiver dernier. Il a abouti à l'identification de différentes pistes telles que l'optimisation de la conduite de l'herbe et du pâturage, la révision de la place des maïs, l'introduction de méteils protéagineux dans les rotations, ou encore le toastage des graines de protéagineux.
Des cultures de méteils protéagineux à l'essai
Des essais de mélanges pour une récolte en grains ont été mis en place dès l'automne 2016 (voir tableau). Ces derniers sont faiblement exigeants en azote, mais aussi compétitifs par rapport aux adventices grâce à une forte occupation de l'espace, permettant d'éviter tout désherbage mécanique. En ce sens, ils peuvent être envisagés en milieu ou fin de rotation. Pour choisir les espèces à intégrer, il est indispensable de s'assurer qu'elles ont des maturités proches. À la récolte, le but est d'obtenir des rendements plus élevés que pour des cultures en pures (surtout compte tenu des intrants faibles à nuls) et une valeur protéique supérieure. Attention, la proportion de légumineuses étant variable d'une année à l'autre, les résultats sont imprévisibles. Jusqu'à présent, les agriculteurs du secteur qui pratiquaient des méteils les récoltaient souvent en ensilage. Le pois fourrager entrait très fréquemment dans la composition de ces mélanges. Les nouveaux mélanges testés, cette année, étaient eux à base de féverole et de pois protéagineux. Ces derniers ayant une tige rigide, ils sont ainsi moins sujets au risque de verse. Les agriculteurs du groupe Rhône-Loire, qui sont pour la plupart en zone séchante avec des parcelles non irriguées, vont tester ces mélanges découverts à l'occasion d'un voyage d'étude en Suisse, et ce dans les mêmes proportions. Ils auront ainsi recours à des semis d'automne et choisiront des variétés adaptées, notamment pour la féverole pour laquelle l'enjeu est grand d'optimiser sa résistance aux froids hivernaux, gelées et éventuels épisodes secs printaniers. Les féveroles semées à l'automne 2016 dans les premiers essais ont en effet souvent été semées trop claires, et elles ont vite cessé de fleurir avec la sécheresse de printemps.
Le toastage des protéagineux
En parallèle de ces essais culturaux, le groupe s'est intéressé dès l'an dernier au toastage des graines de protéagineux. Ces derniers disposant de facteurs antinutritionnels, une transformation est nécessaire pour les éliminer. Le toastage est un procédé thermique permettant de cuire les graines à cœur. Le phénomène de cuisson engendre une modification chimique des protéines, qui vont se complexifier avec les sucres par la réaction de Maillard. Ce processus permet de limiter la dégradation des protéines dès le rumen de la vache, qui aura plutôt lieu dans l'intestin où elles pourront être assimilées. Le toastage des protéagineux permet d'augmenter les valeurs en PDIA (protéines dites « by-pass », dégradables dans l'intestin) et par conséquent d'augmenter la valeur du PDIE, qui peut être doublé par l'action du toastage. Pour ce processus, on conserve, à la différence du tourteau ou de l'extrusion, l'huile présente dans les protéagineux. L'aliment toasté est donc également plus riche en énergie grâce à la présence des matières grasses. Autre atout, le toastage permet de conserver les grains au moins une année, contre quelques mois pour l'extrusion et les tourteaux.
Plusieurs modèles de toasteur ont été comparés par le groupe d'éleveurs, pour trouver le matériel adapté à leur situation (volumes à toaster, répartition des besoins sur le territoire...). Parmi les pistes étudiées figure notamment celle d'un toasteur mobile à gros débit, testé par un collectif d'éleveurs vendéens (modèle présent au salon Tech&Bio). Sur le secteur Rhône-Loire, l'idée d'avoir, à terme, plusieurs petites unités fixes semble plus adaptée. Au printemps 2017, un toasteur a été commandé aux États-Unis. Il s'agit d'un modèle fixe, électrique, à faible débit (1 t/jour, 40 kg à l'heure), robuste et simple de conception. Ce toasteur va être testé à la ferme du Murier à Saint-Joseph (Loire). Affaire à suivre donc !
Des projets vers plus d’autonomie
Suite à la participation d’un éleveur de la zone Adabio au voyage d’étude organisé en Vendée par l’Addear de la Loire et l’Ardab, un projet d’autonomie en protéines a également pris forme dans l’Ain et l’Isère. Agriculteurs bio et conventionnels, éleveurs laitiers mais aussi en vaches allaitantes, porcs et volailles, se sont retrouvés pour échanger sur cette même problématique : comment gagner en autonomie pour l’alimentation de ses animaux en valorisant les protéagineux ? Une première réunion d’échange s’est tenue le 21 juin pour répondre aux interrogations des éleveurs et amorcer des pistes d’approfondissement.
Encore des interrogations
Si tous les éleveurs présents à ce temps d’échange se sont montrés intéressés, plusieurs points ont soulevé des interrogations. Parmi eux figurent la manipulation, le niveau d’exigence du triage, la nécessité d’un passage à l’aplatisseur, l’organisation collective et le temps de travail supplémentaire engendré ? Ces questionnements et limites identifiés sont à comparer à la meilleure valorisation de la protéine et au gain potentiel sur les rations (coût alimentation/production). Il est apparu également important d’évaluer le degré d’autonomie souhaité sur la ferme et de recenser les besoins, dans une optique de mise en lien éventuelle avec des céréaliers.
Dans le prolongement de cette première rencontre, une formation sera mise en place durant l’automne afin de travailler sur la culture des protéagineux et leur valorisation au sein des rations. Suite à une rencontre entre les éleveurs de la Loire et du Rhône ayant travaillé sur cette thématique, l’acquisition d’un toasteur est prévue.
Sandrine Malzieu, Ardab et Amandine Clément Adabio
Essais / Lors d’un voyage d’étude en Suisse, des agriculteurs de la Loire et du Rhône ont pu s’informer sur des essais de mélanges à base de féverole et de pois protéagineux.
Un mélange d’espèces sécurisants

- à l’automne, à partir de 2 espèces : pois protéagineux et orge ; féveroles associées à avoines, triticales ou blés fourragers.
- au printemps, toujours à base de 2 espèces : féveroles associées à des avoines, avoines rudes, triticales ou blés ; lupins bleus associés à des avoines, avoines rudes, triticales ou blés ; pois protéagineux et orge.
Pour chaque mélange, les légumineuses et les graminées sont semées respectivement à 80 % et 40 % de la dose en pur.