A Miscon, des fromages au lait de vache

Miscon, 850 mètres d'altitude, 64 habitants recencés en 2013. C'est ici que Thibaut Oddon, 24 ans, a choisi de s'installer. Pour rien au monde il n'aurait voulu aller ailleurs. Miscon, c'est la terre de ses ancêtres. Et l'agriculture, il a toujours baigné dedans. « C'est ce que je veux faire depuis tout petit. J'aime ça. Même si c'est dur, j'ai été élevé là dedans », déclare-t-il d'ailleurs. Son patronyme n'est d'ailleurs pas inconnu, son père - Didier Oddon - ayant par le passé été le président de la coopérative Terres Dioises. Mais contrairement à son aîné, l'enfant du pays a choisi une toute autre voie : l'élevage de bovins, avec transformation à la ferme. D'importants investissements ont ainsi été engagés pour ce faire.
La clé de la réussite
Ce choix d'une toute autre production n'est pas le fruit du hasard. « En transformation fermière, la filière bovin lait ne connaît pas de difficultés. Et ici, il y en a peu », souligne Thibaut Oddon. « Nous l'avons encouragé à rester, naturellement, indique pour sa part son père, Didier Oddon. La transformation, c'est lui qui a voulu. Quand je me suis installé, mon père m'a laissé faire ce que je voulais. Je souhaitais un certain projet, c'est ça la clé de la réussite. Nous n'allions pas aller à son encontre. » Et de poursuivre : « Aujourd'hui, un troupeau de brebis, quand on a 50 ans, ça passe. Mais pas pour un jeune qui veut s'installer. Ce n'est pas motivant de se dire qu'on va vivre à travers des aides. Les subventions, c'est une réalité. Quant à la vente directe avec des brebis, il y a déjà du monde. Les vaches, ça recrée une dynamique. » La collecte n'était pas non plus envisageable. « Ce n'est pas possible ici », explique Thibaut Oddon. Son père précise aussi que les frais de collecte sont de plus en plus élevés.
La vache et puis c'est tout
Avant de s'installer en 2014, le jeune homme s'est formé au lycée agricole des Hautes-Alpes, à Gap. « Au niveau praticité, c'était aussi simple que d'aller au lycée de Bourg-lès-Valence, raconte-t-il. J'avais aussi des amis qui étaient là et qui m'en avaient dit du bien.» Il fera notamment un BEP, puis un baccalauréat professionnel « Conduite et gestion de l'exploitation agricole ». C'est au cours de l'un de ses stages qu'il tombera « amoureux » des tarines. C'est cette race bovine qui est aujourd'hui représentée sur son exploitation. Une quinzaine de bêtes constitue son cheptel. Mais avant de se lancer pleinement, l'éleveur a été encouragé à poursuivre ses études. Il faut dire qu'il fallait apprendre le métier de fromager. C'est dans ce contexte qu'il a fait un certificat de spécialisation « Production, transformation et commercialisation des produits fermiers », avec l'Enil(1) Besançon-Mamirolle. Une formation en alternance avec un stage au Gaec de Roche Rousse, à Saint-Martin-en-Vercors.
Mais désormais, c'est lui le patron. Le jeune homme propose ainsi des tommes, des fromages pour les raclettes, des fromages de type lactique, des yaourts ainsi que des faisselles. Entre 25 000 et 30 000 litres de lait ont déjà été transformés depuis mars 2016, date à laquelle la fromagerie fut inaugurée. Pour 2017, l'exploitant table sur 40 000 litres. Voire même 60 000 en vitesse de croisière. Des produits vendus directement à la ferme, ainsi que sur le marché de Luc-en-Diois le vendredi matin et le mardi soir lors de la saison estivale. Ils sont aussi disponibles dans les épiceries des alentours. Thibaut Oddon livre également sur Crest ainsi qu'au Poët-Laval.
D'importants investissements
En attendant que cette activité prenne pleinement son envol, l'exploitation continuera d'être diversifiée. « Tant que le rythme de croisière n'est pas atteint, on n'arrête rien. Les deux hectares de vigne en clairette AOC assurent nos arrières. Cela nous permet de mener le projet à bien, nous sommes sereins », explique Didier Oddon. Le Gaec peut aussi compter sur 20 hectares de céréales, 5 de lentilles vertes, 45 de foin ainsi que 3 de noyers. Les exploitants, bien qu'optimistes, restent donc prudents.
Il faut dire que les investissements sont importants, bien qu'ils aient bénéficié d'aides au titre du Feader(2), du PMBE(3) ou encore du plan de performance énergétique. La fromagerie - d'une superficie de 250 m² - a été construite en lieu et place d'une ancienne grange. Son coût s'élève à près de 250 000 euros. « Nous aurions pu partir sur du neuf, cela nous aurait bien sûr coûté moins cher. Mais nous voulions occuper ce bâtiment et garder les deux caves voûtées d'affinage. Il y a également là-bas le tout-à-l'égoût », explique Thibaut Oddon. Il faudra aussi débourser au moins 40 000 euros pour le matériel, essentiellement d'occasion. Sans compter les 170 000 euros du bâtiment d'élevage, d'une superficie de 700 m². Là encore, des économies auraient pu être réalisées sur les matériaux. Mais les exploitants ont préféré faire appel aux artisans locaux. « Il y a toujours moyen de baisser les prix. Mon fils a un projet de vente directe. Il faut donc commencer à faire travailler le local avant que le local nous fasse travailler », conclut Didier Oddon.
A. T.
(1) Enil : école nationale d'industrie laitière.
(2) Feader : fonds européen agricole pour le développement rural.
(3) PMBE : plan de modernisation des bâtiments d'élevage.