A quand le retour de tous les saisonniers étrangers ?

L'agriculture est un secteur fortement employeur de main-d'œuvre saisonnière et c'est particulièrement vrai en Drôme où l'on dénombre, chaque année, quelque 35 000 contrats d'occasionnels. Les saisonniers assurent les récoltes mais aussi d'autres tâches (éclaircissage et taille en arboriculture, travaux en vert en viticulture...). Dès le début de la crise sanitaire liée au Covid-19 et la mise en œuvre des mesures de confinement, les exploitants ont très vite fait part de leurs inquiétudes sur la pénurie de salariés. La profession agricole s'est alors organisée pour recruter en lançant la campagne « Des bras pour ton assiette ». Fin avril, plus de 310 000 personnes s'étaient inscrites, démontrant par là-même l'engouement des Français à venir donner un coup de main. « Mais les demandes ne sont pas forcément au top », a expliqué Emmanuel Martin, agriculteur à Epinouze, lors d'une visite du préfet Hugues Moutouh sur son exploitation (EARL Martin Seiglières), le 28 avril. Comme une quarantaine d'exploitations drômoises, il a proposé du travail pour la récolte de ses fraises (100 tonnes en deux mois). « Des Parisiens se sont proposés mais je n'ai pas donné suite car ils ne se rendaient pas compte de la pénibilité de la tâche ».
« On n'est pas sereins »
Ceux qui manquent le plus sont actuellement les salariés étrangers, bloqués dans leur pays pour cause de fermeture des frontières liée à la pandémie de Covid-19. « Le noyau dur de notre équipe de saisonniers comprend sept personnes en contrats Ofii (voir encadré), actuellement bloquées au Maroc, quatre Equatoriens venant d'Espagne ainsi que deux Polonaises », a indiqué Emmanuel Martin. Lui et son épouse ont réussi à constituer une nouvelle équipe en faisant appel à des prestataires espagnols (pour des salariés résidant en France) ainsi qu'à Pôle Emploi et Agri Emploi. « Pour l'instant, et après plusieurs turn-over, ça tient le coup. Mais on n'est pas sereins », confie l'agriculteur.
Présents à cette rencontre, le président de la FDSEA de la Drôme, Grégory Chardon, et le vice-président de la chambre d'agriculture, Pierre Combat, ont demandé l'application en France du même protocole que celui mis en œuvre en Allemagne début avril. A savoir la possibilité de faire venir de nombreux travailleurs d'autres pays d'Europe, notamment de Roumanie, Bulgarie et Pologne. « Il faut appuyer notre demande auprès du gouvernement car il nous faudra beaucoup de bras habitués aux travaux physiques ces prochains mois. » Les deux responsables agricoles drômois ont aussi demandé au préfet la prolongation de quarante contrats Ofii, jusque-là bloqués, alors qu'une ordonnance gouvernementale* de début avril permet de prolonger les contrats de salariés agricoles étrangers déjà présents sur le territoire français.
« La situation se débloquera »
« J'entends vos demandes, a répondu le préfet, et je ne suis pas inquiet pour les semaines à venir. La situation se débloquera. L'agriculture sera bénéficiaire du plan de déconfinement » (annoncé l'après-midi de cette visite par le Premier ministre). Se voulant rassurant, il a tout de même rappelé que « l'urgence est aujourd'hui sanitaire » mais que « le ministre de l'Agriculture comprend la situation ». Des avancées sont donc à attendre. « On compte sur vous », leur a dit le maire d'Epinouze, Yves Lafaury, et son adjoint, Alain Bonneton.
Par ailleurs, Pierre Combat a sollicité le préfet pour des assouplissements sur le transport des salariés. « Pour amener les équipes dans les vignes ou les vergers, en général quinze minutes de route suffisent. Aujourd'hui, pour respecter les gestes barrières, il faut à chaque fois plusieurs véhicules. Ne pourrait-on pas appliquer la même norme que celle des transports en commun, à savoir plusieurs salariés dans le même véhicule avec port du masque ? », a-t-il demandé. « La voie est étroite pour répondre à cette demande, a répondu Hugues Moutouh. Vous êtes employeurs de main-d'œuvre, donc pénalement responsables. Une nouvelle organisation est nécessaire comme pour toutes les entreprises car personne n'a envie d'une seconde vague épidémique. »
Christophe Ledoux
* Travailleurs étrangers : l'ordonnance n°2020-328 du 25 mars 2020, modifiée par celle du 22 avril 2020, prolonge pour une durée de 180 jours la validité des documents de séjour temporaire délivrés aux étrangers hors Union européenne (Suisse et Espace économique européen), arrivés à expiration entre le 16 mars et le 15 mai 2020.
Repères
EARL Martin Seiglières
→ Productions- Fraises : 4,5 ha sous tunnels (production au sol) et 1,5 ha sous serres verre ( production hors-sol). Deux variétés : Cléry et Magnum. Volume récolté : 100 tonnes par an.
- Abricots : 6 ha.
- Poires : 4 ha.
- Pommes : 25 ha.
→ Main-d'œuvre saisonnière
- 25 à 30 salariés pour la récolte des fraises d'avril à juin.
- 15 à 20 salariés pour les récoltes d'abricots, de poires et pommes.

Saisonniers étrangers /
Méconnus et cruciaux
