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Expérimentation

Abricot : comportement des nouvelles variétés  à la Sefra et évolution climatique

Compte tenu des conditions climatiques particulières cette année, moins de variétés d’abricot ont pu être observées correctement à la station expérimentale fruit Rhône-Alpes (Sefra). Le point sur les résultats des essais.

Abricot : comportement des nouvelles variétés  à la Sefra et évolution climatique
La variété Kalao cov se caractérise par une bonne rusticité de production (confirmée en 2021 par son comportement au gel sur fruits) et d’épiderme (peu d’écarts). © Sefra

La saison arboricole de cette année 2021 restera marquée d’une pierre noire pour la production rhônalpine, une nouvelle fois durement impactée par les conditions climatiques. Les températures enregistrées début avril (-5 °C à Etoile) sont inédites à cette époque de l’année.
Au niveau de la récolte, 2021 s’avère être la plus faible depuis 42 ans (Agreste août 2021). Si toutes les régions de production ont été touchées, c’est bien Rhône-Alpes qui a subi les dégâts les plus importants avec près de 75 % de pertes, par rapport à la moyenne des cinq dernières années. La production régionale est voisine de 15 000 tonnes (t) alors que la production nationale devrait s’établir autour des 50 000 t.

Le changement climatique de plus en plus perceptible et problématique

Les besoins en froid, sont régulièrement satisfaits dès la mi-janvier dans notre région pour la plupart des variétés, avec déjà des cumuls de 1 000 heures (< 7,2 °C). Les températures de plus en plus élevées que nous avons rencontrées au cours de la dernière décennie sur les mois de janvier et février (augmentation de +7 °C de la température moyenne cumulée) permettent ensuite un démarrage rapide de la végétation, et donc une floraison précoce. Graphique 1

Cela se traduit par des avances de floraison qui sont très importantes pour les variétés à floraison précoce. La variété Goldrich, qui nous sert de témoin dans nos vergers, a ainsi vu sa date moyenne de floraison s’avancer de vingt jours depuis le début du siècle. Il en va de même pour les autres variétés à floraison précoce qui ont été sélectionnées ces dernières années. Graphique 2

Les variétés à besoin en froid élevé ont connu une avance de floraison moins rapide sur ce laps de temps, même si l’on a pu constater une accélération sur la dernière décennie. La satisfaction des besoins en froid plus tardive, provoque en effet un démarrage de végétation retardé. Le revers de la médaille étant que ces variétés exigeantes, comme Bergeron, manquent de froid pour avoir une bonne qualité de bourgeon floral. Graphique 3

Les températures trop élevées en février, au moment de la reprise de végétation, sont également responsables des nécroses de bourgeons, plus couramment rencontrées dans les régions sud, mais auxquelles notre région va être confrontée dans les prochaines années.
On le voit, malgré le « réchauffement climatique », les avancées de floraison exposent toujours aux risques de gelées et descentes d’air froid tardives, que certains modèles nous prédisent.

 

Sur le créneau précoce, la variété Fiesta Cot cov a confirmé son bon potentiel de calibre (2A-3A) et de qualité, avec peu de cracking en 2021. © Sefra

Comportement agronomique des variétés

Dans ces conditions particulières à 2021, peu de variétés ont pu être observées correctement cette année. Les variétés à floraison tardive ont été les plus touchées par le gel dans nos conditions, ce qui ne remet pas en cause la nécessité de privilégier ce type de variétés pour notre région.

- Variétés très précoces
Sur le créneau très précoce, le renouvellement est actif, avec maintenant beaucoup de variétés autofertiles mais la plupart des variétés ont des floraisons précoces voire très précoces. Peu de variétés font preuve de suffisamment de rusticité pour s’imposer.
Epoque Colorado cov, la variété Nestor cov (1er juin) est plus facile à faire produire, avec un fruit coloré, mais de calibre moyen (A-AA). Le fruit est doux, de qualité correcte. Luxaprem cov (5 juin) présente des qualités intéressantes : bon potentiel, fruit coloré, de bonne qualité (aromatique), avec une tenue correcte. Ces deux variétés, à floraison précoce, sont à suivre sur ce créneau de maturité (sans doute à éviter en sols favorables à la bactériose).

- Variétés précoces
Sur le créneau précoce, la variété Fiesta Cot cov (9 juin) a confirmé son bon potentiel de calibre (2A-3A) et de qualité, avec peu de cracking en 2021. Le fruit est coloré, avec un fond clair (type Magic Cot). L’arbre est de bonne vigueur avec une floraison précoce à moyenne. Sa régularité doit encore être revue.
Domino cov (11 juin) est une variété très fertile qui demande de l’éclaircissage. Le fruit est très attractif, de très bonne tenue, très doux mais peu aromatique. Enfin la variété Primassi cov* (8 juin) présente un fruit ferme, de bonne qualité, très coloré mais de calibre moyen (A-AA), et nécessitera sans doute un pré-éclaircissage à la fleur. Variété résistante à la Sharka

Sur le créneau Aramis® Sefora cov (14 juin), Flopria cov (15 juin) et Orangered® cov (18 juin), la variété Medianta cov* (16 juin) sera à suivre. L’arbre est de bonne vigueur et de bonne mise à fruit. Le fruit est lumineux, de bon calibre et de bonne qualité si la cueillette n’est pas anticipée.

- Variétés de saison
Le créneau des variétés de saison est représenté par Aramis® Bergeval® Aviclo cov (26 juin), et maintenant Lido cov (20 juin) et Delicot cov (25 juin) pour notre région. Productives, elles possèdent des fruits colorés, de bonne qualité, avec un épiderme rustique. On veillera simplement à ne pas anticiper la récolte. Delicot cov possède une couleur de fond assez claire qui s’améliore après passage quelques jours au froid. L’arbre est de vigueur moyenne à bonne et devra être bien éclairci les premières années pour favoriser son installation.
La variété Cocot cov (25 juin) est proche de Delicot cov, au niveau date de maturité et potentiel agronomique. Les fruits possèdent une couleur de fond plus soutenue, mais elle présente l’inconvénient d’avoir une floraison beaucoup plus précoce, pouvant être problématique dans notre région.
La variété Koolgat cov (20 juin) peut représenter une alternative grâce à son bon comportement à la bactériose. Le fruit étant un peu plus fragile (marbrures possibles en cas de pluie) que Lido cov, mais le potentiel est élevé et le fruit de bonne qualité.

En variétés de type rouge, trois variétés se dégagent en milieu de saison :
Rubissia cov**** (20 juin) : avec un potentiel intéressant, un fruit rouge, attrayant, ferme et de bonne qualité, la variété a beaucoup d’atouts. La sensibilité à la bactériose est assez élevée et doit la limiter à des types de sols peu favorables à la maladie. Résistante à la Sharka.
Bolero cov (22 juin) : elle présente également un bon potentiel, mais l’éclaircissage doit tenir compte de chutes physiologiques postérieures, souvent importantes. La qualité du fruit est bonne ; attention aux risques de chute près de maturité. Assez bon comportement à la bactériose.
Rouge Cot cov (27 juin) : elle a aussi un bon potentiel, et une floraison tardive. Le fruit, de type rouge, est ferme, de bonne qualité et d’un calibre 2A-3A. Résistant à la Sharka, on évitera les plantations en sols favorables à la bactériose.

Le créneau de maturité « Kioto cov / Bergarouge® / Bergeron (8 juillet) » présente un faible renouvellement.
La variété Kalao cov (2 juillet) se caractérise par une bonne rusticité de production (confirmée en 2021 par son comportement au gel sur fruits) et d’épiderme (peu d’écarts). Le fruit est d’un bel orangé, avec une bonne qualité et un potentiel de calibre 2A-3A. On évitera des sur-calibrages pouvant provoquer des fentes au point pistillaire. L’arbre est de vigueur moyenne à bonne et assez sensible à la bactériose.
Lady Cot cov (2 juillet) a le plus fort potentiel de production et de calibre sur ce créneau. Le fruit est attractif, et de bonne qualité si la cueillette n’est pas anticipée, avec une maturité groupée. La sensibilité de l’épiderme au cracking peut être importante sur gros calibre (cas de 2021). L’alternance est le principal problème de conduite de la variété : la taille de fructification devra s’adapter à la floribondité des arbres et un éclaircissage dès la fleur semble intéressant les années de bonne floraison.
La variété Aristo cov (5 juillet) possède un beau fruit, très coloré, avec une bonne qualité. Sa floraison est tardive. Les besoins en froid hivernaux semblent élevés et sa régularité reste à confirmer sur le secteur de Valence ; à réserver aux secteurs septentrionaux.
La variété Noogat cov (8 juillet) a une floraison tardive. Le fruit a une meilleure présentation que Bergeron en plaine, sans être très lumineux. L’épiderme est solide, le calibre 2A-3A et la qualité gustative agréable (sucré, doux, peu aromatique). L’arbre vigoureux, ressemble à celui de la variété Vertige cov et présente des dégarnissements qui vont nécessiter une taille en vert pour remédier à cela. Arbre à ouvrir dès les premières années.
Sur le créneau qui suit Bergeron, la variété Swired cov (17 juillet) présente des qualités d’ensemble intéressantes. Sa floraison précoce reste son principal problème. Le fruit est de bon calibre (3A-2A), coloré, et de bonne tenue et qualité. L’arbre est facile à conduire, résistant à la Sharka, mais avec une certaine sensibilité à la bactériose (arbres et fruits).
Playa Cot cov (19 juillet) peut constituer une alternative avec sa floraison plus tardive et régulière. Le potentiel est inférieur à Swired cov mais une densification plus importante, accompagnée d’une taille plus sévère et d’un éclaircissage précoce peut permettre de compenser cela. Le fruit colorant plus tôt et étant plus acide, la qualité sera très dépendante du stade de cueillette.
Aramis® Anegat cov (12 juillet) est intéressante pour sa résistance à la Sharka, mais sa sensibilité à la bactériose est un inconvénient. Cette variété doit être taillée tardivement pour ternir compte des nécroses de bourgeons (bactériose), qui affectent surtout le vieux bois. L’épiderme est fragile en cas de gros calibres.

Une quinzaine de jours après Bergeron, les variétés Oscar cov (23 juillet) et Milord cov (26 juillet), sont régulières en comportement. La première se positionne sur un créneau qualitatif, avec un beau fruit, très ferme. Très rustique en production, elle va nécessiter un éclaircissage important et précoce. La seconde a un potentiel agronomique supérieur et un fruit plus coloré. La qualité du fruit sera conditionnée par le stade de cueillette (ne pas anticiper). Nelson cov (23 juillet) présente également un bon potentiel agronomique. L’arbre est de vigueur moyenne à bonne à port retombant les premières années (à rigidifier). Le fruit est coloré, de bonne qualité (doux) et de très bonne tenue. Le comportement à la pluie doit encore être confirmé.
Farbela* cov (23 juillet) est intéressante pour sa floraison tardive (bon comportement au gel de 2020). A éclaircir fortement pour assurer un calibre et une qualité de fruit correcte. Le fruit est de type orangé lumineux, avec une très bonne tenue. La cueillette ne doit pas être anticipée pour une bonne qualité de fruit. La jutosité est moyenne.

En revanche, la variété Justo Cot cov (21 juillet) a à nouveau déçu, avec un épiderme fragilisé par la pluie, et ce malgré un bon potentiel et un fruit de qualité.
Les variétés Aramis® Origat cov et Zonda cov (23 juillet) n’ont pas pu être revues cette année.

 

Sensibilité aux bio-agresseurs des variétés  

L’étude des variétés à la Sefra concerne également le suivi du comportement aux principaux bio-agresseurs. La sensibilité au chancre bactérien est étudiée à la Sefra depuis de nombreuses années (voir L’Agriculture Drômoise du 23 janvier 2020). La dernière tranche de plantation de 2017 était composée uniquement de variétés de type « rouge ». Graphique 4
Comme pour les variétés bicolores, on peut voir des différences notables entre variétés. Monabri cov faisant office de témoin, avec une sensibilité proche de celle de Bergeron. On remarque le bon comportement de Cheyenne, Prestigat et Bolero dans des conditions de forte pression à la bactériose. Pour les autres, le choix de la parcelle (type de sol) et du porte-greffe sera essentiel.
La sensibilité aux autres bio-agresseurs est étudiée depuis quelques années (en l’absence de tout traitement), dans le cadre du réseau des stations régionales. La connaissance de la sensibilité au monilia sur fleurs ou à l’enroulement chlorotique de chaque variété est très attendue mais sera très compliquée à déterminer.
Des premiers résultats intéressants ont pu être enregistrés concernant la rouille sur feuilles. Graphique 5
Sur une première série de variétés plantées en 2018, on observe des résultats concordants depuis 4 ans, sur le site de la Sefra. Bergeron est la variété la plus sensible, avec également cinq autres variétés pouvant être qualifiées de sensibles. A l’opposé, on peut voir que six variétés ont présenté régulièrement une faible sensibilité à la rouille.
Les dégâts de défoliaison précoce entraînés par la maladie peuvent avoir de fortes conséquences sur le retour à fleur l’année suivante.
Ces résultats sont intéressants pour une conduite en agriculture biologique, mais également pour une conduite en zéro résidus, où les impasses de fongicide contre les maladies de conservation peuvent avoir des conséquences sur le développement de la rouille. Et tout simplement en production raisonnée, où des allègements de calendriers seront possibles sur certaines variétés et pas d’autres. 

Variétés très tardives

Sur le créneau de Farbaly* cov (4 août) et des variétés très tardives, la variété Madrigal cov (6 août) a confirmé les qualités entrevues les saisons précédentes. Le fruit est plus coloré, peu sensible à la pluie, avec un épiderme très propre. La qualité du fruit est bonne et équilibrée : on veillera à ne pas anticiper la cueillette (coloration acquise tôt et acidité plus élevée que Farbaly cov). L’arbre est de bonne vigueur, avec une production majoritairement sur bois d’un an. La productivité est à vérifier dans les régions sud (niveau de floraison inférieur avec hivers doux).
La variété IPS 22-278* cov (8 août) présente un fruit de présentation moyenne (orangé, forme peu régulière) mais un bon potentiel et aussi une bonne qualité (juteux) sur ce créneau. L’arbre est de vigueur moyenne : à densifier.

En fin de saison la variété Farlis* cov (23 août) présente l’avantage d’être régulière en production dans toutes les régions, même si elle s’est montrée très sensible au gel en 2020. Le fruit bicolore, a une très bonne tenue et aura une qualité de fruit intéressante uniquement si le fruit est cueilli au plus près de sa maturité (la jutosité restant moyenne). Un pré-éclaircissage à la fleur est intéressant, mais on veillera à avoir une charge suffisante pour rester sur un calibre 2A, et éviter une trop grande sensibilité du fruit à l’éclatement.
A la même date, Agostino cov présente un fruit plus coloré. La tenue du fruit est excellente et la qualité correcte (sucré, douce, légèrement plus juteux que Farlis cov). Le potentiel de calibre est moyen (2A/A), et l’éclaircissage sera important et à démarrer partiellement dès la fleur. L’arbre est de vigueur moyenne, très érigé avec une production très localisée sur bouquets de mai. Les charpentières devront être bien démultipliées dès le départ.

Christophe Chamet, responsable du programme abricot Sefra
Contact : 06 20 37 97 74.
*variétés de la gamme Carmingo® 
** variété de la gamme Rougemont®  
***variétés de la gamme Regalcot® 
****variétés de la gamme Rubyngo®