Abricot : résister à la sharka avec l'aide de Mars

Mars (marker assisted resistance to sharka) est un projet scientifique européen dédié à la sharka chez l'abricotier. Son but est de mieux comprendre, d'un point de vue génomique chez cette espèce fruitière, les mécanismes impliqués dans la résistance au PPV (plum pox virus), responsable de la maladie de la sharka. Dans ce projet subventionné par l'Union européenne, se retrouvent différents types de partenaires (instituts publics, universités, laboratoires privés, obtenteurs et pépiniéristes) de France, d'Espagne, d'Italie, de Grèce, Bulgarie, République Tchèque, Roumanie et Turquie. L'Inra et la société CEP Innovation figurent parmi eux.
Explorer les gènes
A l'heure actuelle, les marqueurs disponibles n'expliquent qu'une partie de la résistance (60 à 90 %). Et leur présence dans le génome n'est pas forcément synonyme de résistance au champ. Un gène impliqué est déjà connu : PPVRes(*). Il semblerait qu'un deuxième gène le soit aussi. Les partenaires du projet Mars mettent donc leurs moyens en commun afin d'explorer les autres gènes impliqués et identifier les marqueurs qui leur sont associés.
Le projet Mars permettra ainsi de compléter la gamme de marqueurs génétiques impliqués dans cette résistance. Ceci pour pouvoir, à terme, les utiliser dans les programmes de création variétale afin de ne diffuser que des variétés commerciales résistantes au PPV. CEP Innovation s'y investit dans l'objectif d'enrichir sa gamme Aramis®. Dans celle-ci figure anegat cov, dont les premiers plants ont été commercialisés au cours de l'hiver 2011-2012. Mais elle n'a été plantée de façon significative que l'hiver dernier. Une présentation de cette variété et du projet Mars a eu lieu le 10 juillet à l'Inra de Gotheron à Saint-Marcel-lès-Valence. Indication donnée par Guy Clauzel, assistant ingénieur au sein de cette unité expérimentale, anegat arrive à maturité trois à quatre jours après bergeron, à Gotheron. Cette variété est décrite comme autofertile, ayant des fruits orangés avec blush rouge, de gros calibres (3A-4A), fermes et de bonne qualité gustative...
Sélection assistée par marqueurs
Dans le cadre du programme Inra-CEP Innovation, tous les hybrides réalisés passent par une sélection assistée par marqueurs (impliqués dans la résistance à la sharka et l'autofertilité), depuis trois ans. « Nous sommes quasiment sûrs que les individus sont autofertiles s'ils présentent les marqueurs liés à l'autofertilité, explique Guillaume Frémondière, responsable licences et développement au sein de CEP Innovation. Par contre, ceux qui ne les présentent pas ne sont pas autofertiles. Par ailleurs, les individus qui présentent les marqueurs PPVRes peuvent être résistants. Et nous sommes sûrs que ceux ne les présentant pas sont sensibles à la sharka. Aujourd'hui, nous plantons en vergers, après sélection assistée par marqueurs, uniquement des hybrides PPVRes et autofertiles. Avoir des marqueurs complémentaires expliquant mieux la résistance à la sharka permettrait une sélection plus fine et pertinente. »
Des vergers durables
Tout cet investissement va dans le sens de la pérennisation des zones traditionnelles de production de l'abricot. « L'État a demandé à l'Inra d'orienter ses programmes vers des vergers durables, a d'ailleurs souligné Guy Clauzel, lors de la présentation du 10 juillet. Nous continuons nos recherches sur la sharka. Nous travaillons également sur le chancre bactérien et monilia sur fleurs. Nous pouvons aussi aller chercher plus loin dans la tolérance à la tavelure, à la rouille. » A propos de ces deux dernières maladies, Guillaume Frémondière remarque : « Elles sont aujourd'hui peu répandues. Mais, avec la réduction des intrants phytosanitaires, elles pourraient devenir émergentes ».
Annie Laurie
(*) PPVRes a été mis en évidence grâce à des projets antérieurs à Mars.
CEP Innovation

Dans sa gamme Aramis, CEP Innovation compte actuellement cinq variétés d'abricots résistants à la sharka : Bergeval, Shamade, Bergarouge, Anegat et Congat. Et deux autres (en cours d'enregistrement) devraient être à la vente à partir de l'hiver 2016-2017.
Résistance à la sharka / Pour prétendre entrer dans la gamme Aramis, les variétés d'abricots doivent passer avec succès plusieurs épreuves.
Des tests drastiques
Les variétés admises dans la gamme Aramis « ont subi des tests drastiques », indique Guillaume Frémondière, responsable licences et développement au sein de CEP Innovation. Le premier est génétique. A ce stade, seules les variétés présentant les marqueurs moléculaires liés au gène PPVRes peuvent éventuellement intégrer cette gamme. Mais, ce gène n'expliquant pas la totalité de la résistance à la sharka, elle doit être confirmée avec des tests dans une serre insect proof.
Examens visuels
Dans cette serre, les variétés candidates sont greffées sur porte-greffe GF 305(*) infecté par la plus virulente des souches de sharka (souche M). Une branche du porte-greffe est conservée pour s'assurer de sa contamination. Les plants d'abricotiers sont ainsi cultivés (en pots) pendant au moins trois cycles végétatifs consécutifs. Au cours de ce temps, des examens visuels permettent de vérifier si les symptômes de la maladie sont toujours présents sur le porte-greffe (grâce à la branche témoin laissée) et s'ils se manifestent sur la variété.
Elisa et PCR
En plus, des tests sérologiques (Elisa) sont réalisés pour contrôler si la variété est indemne du virus, ainsi que des tests génétiques (PCR) pour confirmation. Toutes ces épreuves sont destinées à garantir une résistance durable. Seules les variétés ne présentant aucun symptôme, ni visuels ni de façon moléculaire, peuvent prétendre entrer dans la gamme Aramis.
Les partenaires du projet Mars espèrent découvrir des marqueurs complémentaires qui permettraient de limiter de manière conséquente la phase de passage en serre. Une phase que Guillaume Frémondière qualifie de « fastidieuse, coûteuse et gourmande en temps ».
A.L.
(*) Connu pour sa sensibilité à la sharka.