Adapter les chèvreries aux fortes chaleurs
Les chèvres sont très sensibles au stress thermique. Rayonnement et ventilation sont les deux points de vigilance à avoir pour que les chèvres s’adaptent aux fortes chaleurs.

«En 1995, on faisait des bâtiments pour abriter les animaux du froid en hiver ; aujourd’hui, ces bâtiments doivent les protéger des fortes chaleurs en été », résume Sylvain Chopin, éleveur caprin en Saône-et-Loire. Depuis plusieurs années maintenant, le changement climatique bouscule la donne pour la conception des bâtiments d’élevage. À elle seule, une chèvre émet 1,7 litre d’eau par jour dans l’atmosphère. « Un mauvais renouvellement d’air entraîne une augmentation de l’humidité, du CO2 et de l’ammoniaque favorisant in fine le développement du microbisme », indique Caroline Sauvageot, animatrice du projet Cap’Climat Territoires à l’Idele. Le stress thermique n’est, en effet, pas à prendre à la légère, car ses effets sur le troupeau sont nombreux : baisse de la production, des taux, du bien-être, de la fertilité, de l’ingestion de fibres et d’eau… « Une chèvre se retrouve en état de stress thermique dès que la température ambiante atteint 20-25 °C, ce qui est très fréquent », souligne Caroline Sauvageot.
Faire la chasse aux rayonnements solaires
Alors, pour prévenir ce stress, la chasse aux rayonnements du soleil à l’intérieur des aires de vie est primordiale. Ainsi, les tôles translucides sont à proscrire. En même temps qu’elles laissent passer la lumière, elles provoquent une augmentation des températures à l’intérieur de l’ordre de 0,7 °C en comparaison des bâtiments qui n’en disposent pas. « Aujourd’hui, on recommande de privilégier l’apport de lumière par les côtés », avance l’intervenante. Les translucides de toit peuvent être repeints en blanc, de préférence de l’intérieur », conseille-t-elle. L’autre source de rayonnement sont les grandes ouvertures au sud et à l’ouest, laissant entrer le soleil jusque sur les aires paillées. Outre le fait de surchauffer l’aire de vie, l’entrée du soleil crée des contrastes lumineux que les animaux détestent. L’un des moyens les plus efficaces de remédier à ce type de rayonnement est de créer des débords de toiture au sud.
Miser sur la ventilation naturelle
La ventilation n’intervient qu’après avoir réglé les problèmes de rayonnements. La ventilation naturelle est la meilleure solution et il est important de « l’optimiser dès la conception du bâtiment en limitant les largeurs et les volumes », recommande Morgane Lambert, spécialisée dans les bâtiments d’élevage des petits ruminants et les ateliers de transformation fromagers fermiers à l’Idele. L’idéal est de privilégier les solutions modulables pour s’adapter à tous les climats avec, par exemple, des longs pans ouverts équipés de rideaux enroulables ou de type ascenseurs. « Sur des bâtiments existants, certains éleveurs ont fait le choix d’ajourer les bardages en retirant des planches ou en créant des volets ouvrants », signale Morgane Lambert.
Solutions de secours…
« La ventilation mécanique est une solution de secours qui apporte du confort aux animaux, mais elle ne fait pas de miracle », poursuit l’experte. Quant à la brumisation, elle ne doit intervenir qu’en dernier recours et le bâtiment doit être ventilé de manière irréprochable. Quid de l’isolation ? Elle « n’empêche pas la chaleur de rentrer », précise Morgane Lambert.
EA 71
Astuces
Quatre paramètres d’ambiance
Dans un bâtiment, quatre paramètres d’ambiance sont impliqués dans le stress thermique. « Outre la température, il y a aussi l’humidité, la vitesse de l’air et les rayonnements (directs et indirects) », énumère Morgane Lambert, spécialisée dans les bâtiments d’élevage des petits ruminants et les ateliers de transformation fromagers fermiers à l’Idele. Si le stress thermique peut être mesuré par plusieurs indicateurs chiffrés, il peut également être détecté en observant la répartition des animaux dans le bâtiment. Les caprins incommodés par le stress thermique ont tendance à rester debout ou assis, cherchant à surélever le poitrail. Des animaux qui halètent avec la bouche ouverte sont le signe d’alerte ultime.
Quid de l’abreuvement et de la densité ?
Le projet Batcool, porté par la chambre régionale d’agriculture d’Occitanie et copiloté par l’Idele et la chambre d’agriculture de l’Aveyron, vise à adapter les bâtiments d’élevage de petits ruminants au changement climatique pour améliorer le confort thermique des animaux et des hommes. Température et humidité d’une soixantaine de bâtiments caprins et ovins ont été enregistrées en continu. Des cartographies de confort thermique intégrant les vitesses d’air et les rayonnements ont été établies dans chaque ferme. Un suivi de troupeau avec score de halètement et données de production a aussi été effectué. Plusieurs recommandations ont émergé de ce projet. Ainsi, il est primordial que les animaux aient un accès à l’eau illimité et facile. « Les abreuvoirs individuels à pipette sont à éviter, et il est judicieux d’avoir quelques bacs d’abreuvements collectifs (à réserve) », souligne Morgane Lambert de l’Idele. Il est préconisé un abreuvoir individuel pour 20-25 chèvres et un bac en sortie de traite. En termes de densité, il faut compter entre 1,65 et 2 m2 par chèvre. Au cornadis, c’est 33 cm par animal et il faut disposer d’une place à l’auge par chèvre.
Le bien-être des boucs compte aussi !
Si l’on pense volontiers aux effets des fortes chaleurs sur les femelles, on oublie de se préoccuper des boucs dont le bien-être conditionne tout autant la réussite de la reproduction. Les boucs commencent à produire leurs semences deux mois avant le début de la reproduction. « Il faut donc surveiller les boucs deux mois avant la reproduction et durant le mois de reproduction. Pour les chèvres, il faut surveiller aussi les retours en chaleur en maintenant la vigilance sur deux cycles. Du démarrage de la production de semences chez les boucs jusqu’à la fin du second cycle chez les chèvres, cela fait donc trois mois pendant lesquels de fortes chaleurs peuvent entraîner des conséquences sur la reproduction », résume Caroline Sauvageot de l’Idele. Pour la reproduction, il est recommandé de mettre un bouc pour 20 chèvres. En cas de fortes chaleurs, il est conseillé de réduire le nombre de chèvres par bouc.