« Agriculture et biodiversité : des liens essentiels »

Les 26 et 27 octobre, la LPO(1) Rhône-Alpes a organisé un colloque dans la Drôme sur le thème « agriculture et biodiversité : des liens essentiels ». Et ce, en partenariat entre autres avec le CNRS(2), les Zones ateliers(3), l'Inra(4), la chambre d'agriculture de la Drôme, la ferme expérimentale d'Etoile-sur-Rhône et le lycée agricole du Valentin. Le programme de la rencontre se composait d'interventions, d'échanges et de visites : de l'exploitation du Valentin et celle d'un agriculteur qui est aussi chargé de mission LPO, de la plateforme Tab(5) à la ferme d'Etoile et de l'unité expérimentale de l'Inra Gotheron. Nouer un dialogue en vue de promouvoir des pistes pour une meilleure biodiversité était le but de ce colloque, a annoncé en ouverture la présidente de la LPO Rhône-Alpes, Marie-Paule de Thiersant.
Œuvrer en concertation
Au nom de la chambre d'agriculture de la Drôme, son vice-président Jean-Pierre Royannez (président aussi de sa commission biodiversité), a souligné : « Nos objectifs sont de mieux prendre en compte la biodiversité tout en préservant l'activité économique. La biodiversité et l'agriculture, ce sont des sujets sensibles comme les zones humides, des espèces à problèmes, la prédation... Mais la concertation est nécessaire pour aller vers plus de positions partagées. » Preuve de leur volonté de travailler ensemble, la chambre d'agriculture et la LPO ont signé une convention en avril ; la première souhaitant mieux connaître la biodiversité sur les exploitations et améliorer sa prise en compte et la seconde s'investir dans la conservation des espèces en milieu agricole. Jean-Pierre Royannez a encore fait remarquer : « Le monde agricole est au cœur de la gestion des paysages. La profession est consciente de la nécessité de maintenir la biodiversité et de travailler avec les acteurs souhaitant agir en ce sens ». En ce domaine, la chambre d'agriculture œuvre en partenariats avec différentes structures.
La Région Rhône-Alpes, elle, « a le souci de faire cohabiter à la fois les intérêts de l'agriculture et de la nature » dans sa politique de soutien. Son vice-président en charge de l'agriculture et du développement rural, Michel Grégoire, l'a assuré.
L'effet des pratiques agricoles
L'effet des pratiques sur la biodiversité en verger selon les modes de production (conventionnel, lutte par confusion sexuelle et agriculture biologique) a été abordé par Sylvaine Simon et Jean-Charles Bouvier, de l'Inra de Gotheron et d'Avignon, avec le cas de la protection contre le carpocapse du pommier. « Les pratiques de protection affectent quantitativement et (ou) qualitativement les communautés d'oiseaux et d'arthropodes du verger impliqués dans les régulations naturelles. [...] Milieu pérenne, multi-strate et complexe, le verger est un habitat à fort potentiel écologique, sous réserve de limiter l'effet des pratiques de protection. »
L'effet des pratiques d'élevage sur la biodiversité des prairies (flore et insectes) a été traité par Anne Farruggia, de l'Inra de Clermont-Ferrand. Les prairies sont des réservoirs de biodiversité. Les diptères (mouches, dont les syrphes) y sont très présents. La flore des prairies est révélatrice des pratiques des éleveurs. Dans les prés fertilisés et intensément utilisés composés de graminées compétitives, la valeur nutritive chute rapidement après la floraison (groupée) de celles-ci. La flore des prairies peu prélevées est plus diversifiée et comporte des espèces à différents stades végétatifs, d'où une valeur nutritive plus stable. Elles sont souples d'exploitation, « reposantes » pour les éleveurs.
Annie Laurie
(1) LPO : Ligue pour la protection des oiseaux
(2) CNRS : Centre national de la recherche scientifique.
(3) Zones ateliers : dispositif interdisciplinaire de recherche porté par le CNRS.
(4) Inra : Institut national de la recherche agronomique.
(5) Tab : techniques alternatives et biologiques.
Observation de la biodiversité
Des agriculteurs mobilisés

Recherche / Des expérimentations portent sur des services que la biodiversité peut rendre à l'agriculture.La biodiversité sert l'agriculture

Dans une expérimentation conduite sur les plantes adventices dans une cinquantaine de champs de blé, « la culture a éliminé, à elle seule, 60 à 86 % des adventices », a indiqué le chercheur avant d'observer : « Il est important d'avoir des adventices dans les systèmes agro-écologiques pour le service de pollinisation ». La pollinisation par les abeilles, papillons, syrphes... « a un intérêt sur le plan économique et pour la persistance de nombreuses plantes sauvages ». Afin de mieux connaître l'intérêt, pour l'agriculteur, de ce service pollinisation, un travail a été réalisé en colza et tournesol sur un grand nombre de parcelles pendant trois ans. Des sachets (n'entravant pas le transfert du pollen par l'air) ont été posés sur les fleurs pour empêcher les insectes pollinisateurs de les butiner. Ainsi, a été constatée une baisse de production de graines de colza de 70 % et de 50 % en tournesol.L'alouette, une alliée
Avoir des adventices dans les champs pour soutenir les pollinisateurs est une chose. Mais encore faut-il pouvoir les contrôler à long terme pour qu'elles ne concurrencent pas trop les cultures. « Là, nous faisons appel à un autre service écosystémique : le contrôle biologique », a expliqué le chercheur. Une expérimentation a porté sur les alouettes des champs, grosses consommatrices de graines en hiver. Les résultats suggèrent qu'elles peuvent manger 4 à 6 000 graines d'adventices par jour (jusqu'à 8 g). « Dans la Zone atelier Plaine et Val de Sèvre (450 km²), des comptages sur plusieurs années révèlent la présence de 500 000 à 1 000 000 d'alouettes en hiver ». Elles sont donc en capacité de consommer environ 9 tonnes de graines. » Des relevés d'adventices ont aussi été faits, pour mesurer leur production de graines. « Ils montrent que les alouettes peuvent éliminer, à elles seules, 50 % de la "pluie" de graines d'adventices présentes en début d'automne. »A.L.(*) Zones ateliers : dispositif interdisciplinaire de recherche porté par le CNRS.