Accès au contenu
Rencontre

Agriculture et changement climatique : combiner les adaptations

L'agriculture et le changement climatique était le thème d'une rencontre de la CNR (Compagnie nationale du Rhône), le 12 septembre à la ferme expérimentale d'Etoile.
Agriculture et changement climatique : combiner les adaptations

La direction territoriale Rhône-Isère de la CNR a organisé une rencontre sur le thème « l'agriculture et le changement climatique », le 12 septembre à la ferme expérimentale d'Etoile-sur-Rhône. La capacité d'adaptation du monde agricole et l'engagement d'acteurs territoriaux y ont été abordés.
« La CNR, a dit ce jour-là son directeur général, Didier Lhuillier, est persuadée que le changement auquel est confrontée l'agriculture est majeur. On doit l'accompagner. Selon des climatologues, les sécheresses pourraient passer de deux à quatre mois à l'horizon 2050. L'agriculture doit se réinventer pour préserver la biodiversité, la ressource en eau, consommer moins d'intrants... Il y a une révolution à venir dans le monde agricole. L'enjeu est économique, environnemental, social. »

Des enjeux forts

A cette rencontre, le secrétaire général de la chambre d'agriculture de la Drôme, Bruno Darnaud, a observé : « Le réchauffement climatique - auquel il faut s'adapter au mieux avec de nouvelles techniques et cultures - est un enjeu majeur ». Via une vidéo, deux techniciens de chambre d'agriculture (Sophie Stévenin et Florian Boulisset) ont témoigné de changements constatés : modifications physiologiques, départs en végétation plus rapides, fortes chaleurs, sécheresses commençant plus tôt et durant plus longtemps, grêles destructives...

De droite à gauche, Frédéric Levrault, docteur en agronomie et expert en changement climatique pour les chambres d'agriculture de France, et Christophe Dorée, directeur territorial Rhône-Isère de la CNR.

« L'eau est un enjeu fort pour l'agriculture mais ce n'est pas le seul, a fait remarquer Frédéric Levrault, docteur en agronomie et expert en changement climatique pour les chambres d'agriculture de France. Sont aussi à gérer la levée de dormance précoce en arboriculture, les risques accrus de gel, la grêle, les maladies, le titre alcoométrique des vins... » Le challenge, « c'est d'accompagner la transition de l'agriculture afin qu'elle puisse rester viable, performante dans un contexte hydrique différent ». Cela passe par « une combinaison d'adaptations : choix du matériel végétal, moyens de lutte contre le gel, filets paragrêle, système assurantiel révisé... ». Dans les organismes de conseil, « un début de mouvement se dessine, a-t-il indiqué. Il va falloir rapidement être en capacité d'analyser les évolutions "attendues ". Donc parvenir à doter les organismes de conseil d'outils d'analyse, de prospective. Il faut former les techniciens, construire des projections les plus fines possibles, créer des référentiels pour aider les agriculteurs à aménager graduellement leur système de production et pratiques. »

L'eau, ressource précieuse

De droite à gauche, Bernard Vallon, président du syndicat d'irrigation drômois (Sid), Didier Lhuillier, directeur général de la CNR, et le journaliste qui animait la rencontre.

L'irrigation est l'une des trois missions fondatrices de la CNR, à côté de la production hydroélectrique et de la navigation, a souligné son directeur général. A ce sujet, Bernard Vallon a présenté le syndicat d'irrigation drômois (dont il est le président), qui résulte de la fusion de 17 syndicats. Il a aussi évoqué le projet d'alimentation du réseau Allex-Montoison avec de l'eau du Rhône (pour moins prélever dans la rivière Drôme), dont la mise en service est espérée en juillet 2020. Ce projet accompagné financièrement par la CNR est, pour son directeur général, « l'exemple d'une problématique locale résolue en mettant autour de la table tous les acteurs ». Il a ajouté : « Nous sommes convaincus qu'il faut trouver un panel de solutions pour aider l'agriculture à se transformer. Pour l'eau, la meilleure est d'en diminuer la consommation ». Et d'inviter à réfléchir afin que, demain, il y en ait assez pour tout le monde.
« La question du futur nous interroge aussi, a confié Thomas Pelte, expert en gestion quantitative et changement climatique à l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse. On doit travailler sur la maîtrise de la ressource en eau, c'est vital pour les différents usages et la biodiversité. »

Expérimentation, agriculture innovante

De droite à gauche, Bruno Darnaud (secrétaire général de la chambre d'agriculture de la Drôme), Jean-Luc Flaugère (président de la chambre d'agriculture de l'Ardèche), Christophe Dorée (directeur territorial Rhône-Isère de la CNR) et Sarah Félix-Faure (chef de projets à la direction des nouvelles énergies de la CNR).

« Une des solutions passe par le matériel végétal », a noté Bruno Darnaud. A la ferme expérimentale d'Etoile, la Sefra* l'étudie espèce par espèce. Sur la plateforme Tab (techniques alternatives et biologiques) sont testés des « mélanges » d'espèces avec en plus des aménagements agroécologiques, pour observer les interactions, les effets de la biodiversité. Et l'introduction de nouvelles espèces est envisagée (pistachier, grenadier, olivier, amandier) dans son système agroforestier. A la Sefra, en outre, un projet agrivoltaïque devrait voir le jour en 2020-2021 sur quatre hectares de pêchers et d'abricotiers. Les panneaux ne s'orienteront pas seulement pour produire de l'énergie mais également en fonction des besoins des arbres.
En Ardèche, « on innove aussi, a indiqué le président de la chambre d'agriculture de ce département, Jean-Luc Flaugère, exemples à l'appui. On doit travailler sur la gestion de l'eau, l'agronomie, le stockage du carbone, l'agroécologie, l'agroforesterie... » L'innovation encore avec des serres photovoltaïques alliant production d'énergie et cultures. « L'objectif est d'avoir un vrai projet agricole dans les serres », a précisé Sarah Félix-Faure, chef de projets à la direction des nouvelles énergies de la CNR. Pour le côté agricole, la CNR s'est tournée vers la chambre d'agriculture de l'Ardèche. Un projet est en cours sur une exploitation du Sud-Ardèche, qui pourrait se concrétiser fin 2020.
L'engagement d'acteurs locaux dans la transition écologique autour des enjeux de l'eau et de l'agriculture a, lui, été abordé avec Sabine Buis, vice-présidente du Département de l'Ardèche, et Aline Comeau, directrice générale adjointe de l'Agence de l'eau Adour-Garonne. Concernant encore l'eau, « l'Etat doit déjà, à court terme, agir comme régulateur », a dit le secrétaire général de la préfecture de la Drôme, Patrick Vieillescazes. Il doit aussi encourager les innovations dans les pratiques agricoles. On a besoin de la recherche, d'expérimenter, de continuer à déployer des projets intelligents, viables. »

Annie Laurie

* Sefra : station d'expérimentation fruits Rhône-Alpes.

 

Elisabeth Ayrault, présidente de la CNR /
L'agriculture, « une des solutions au problème »
Elisabeth Ayrault (présidente de la CNR).
« Je suis fascinée par les efforts faits par le monde agricole, a confié la présidente de la CNR, Elisabeth Ayrault, qui a conclu cette rencontre sur l'agriculture et le changement climatique. On doit aussi faire attention à notre fleuve. Il faut raisonner à la fois la ressource en eau de l'agriculture - car nous avons besoin de nous nourrir - et penser à ce que le Rhône va devenir dans le temps long. Le vrai sujet, c'est une gestion des usages équilibrée. C'est un travail en commun, un mélange entre ce que chacun doit faire pour continuer à donner à boire et manger à une population en croissance. »
Sur la planète, il y a toujours autant d'eau, elle ne part pas dans l'atmosphère, ne disparaît pas. « Le problème, aujourd'hui, c'est qu'elle ne se répartit plus comme il faut, a constaté la présidente de la CNR. On dit qu'une partie de la planète deviendra invivable car trop sèche et qu'une autre aura tellement d'eau qu'on ne pourra plus y vivre. Dans quelques décennies, la population va se rassembler dans les seules zones vivables. La surpopulation va encore accélérer la destruction de la ressource en eau. » L'agriculture est « une des solutions au problème du changement climatique », a-t-elle encore souligné. Et de noter que la CNR accompagne différentes actions du monde agricole.