Agroécologie : l’Iddri actualise son modèle

En décembre dernier, l'Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) présentait à l'Assemblée nationale son projet TYFA (Ten years for agroecology in Europe), ayant pour objectif de modéliser une transition écologique de l'agriculture européenne d'ici 2050. Le modèle reposait sur plusieurs critères : zéro produit phytosanitaire, zéro engrais de synthèse, le développement d'un élevage bovin extensif associé à un redéploiement des prairies naturelles dans le but de diminuer les émissions de gaz à effet de serre grâce au stockage du carbone, avec pour objectif la protection de la biodiversité, de l'environnement et de la santé humaine. La diminution des rendements liés à la fin de l'utilisation des pesticides (25 à 50 % sur certaines cultures de céréales) était, dans le scénario des chercheurs, compensée par une diminution de la consommation de viande des Européens, permettant de réduire les besoins de grandes cultures pour l'alimentation animale.
Le projet ne respectait pas l'accord de Paris
Le résultat du modèle avait abouti à une diminution de 40 % des émissions de gaz à effets de serre de l'agriculture d'ici 2050, tout « en offrant de nouveaux co-bénéfices », grâce à la poursuite d'un élevage extensif permettant de valoriser les prairies. Mais cet objectif n'était pas suffisant au regard des engagements de la France de neutralité carbone. Un point assumé par les chercheurs qui n'ont pas intégré les potentiels de biomasse des prairies. « Nous voulions aboutir à un scénario vertueux sur la question de la biodiversité et de la santé des sols. Les prairies pâturées sont par exemple beaucoup plus riches en biodiversité que les prairies utilisées pour faire de la biomasse », indique Pierre-Marie Aubert, l'un des chercheurs ayant réalisé la simulation. « Toutefois, notre modèle ne pouvait pas être assumé politiquement dans la mesure où il ne respectait pas les objectifs de Paris », ajoute-t-il. Dans ce nouveau scénario, destiné à s'approcher davantage des objectifs de la France, les chercheurs ont diminué de 34 % le cheptel bovin par rapport à 2010, contre 15 % dans l'ancienne simulation.
Plus de méthanisation
Cette diminution permet une baisse plus importante des impacts de l'élevage sur le réchauffement climatique. Il est associé à un développement de la méthanisation à base d'herbe de prairies grâce à la libération de ces terres (18 % des herbes seraient méthanisées). La simulation intègre également une augmentation de la méthanisation des déjections animales (50 % sont méthanisées). Il aboutit, cette fois-ci, à une diminution de 47 % des émissions de gaz à effets de serre de l'agriculture, mais « offre moins d'avantages en termes de biodiversité » et de santé des sols, dans la mesure où, avec moins d'élevage, les rendements agricoles devront être plus élevés. Les chercheurs alertent en effet sur certains scénarios élaborés pour atteindre la neutralité carbone, écartant les autres enjeux environnementaux. « De nombreux projets visent à augmenter les rendements agricoles pour libérer des terres qui seront reboisés ou utilisés pour de la biomasse. Or, cette stratégie peut avoir des impacts forts sur la biodiversité et la santé des sols », ajoutent-ils.