Aider l'élevage allaitant à se conforter

Perte de l'ICHN(1) pour des éleveurs du Nord-Drôme suite à la révision des ZDS(2), prix bas, baisse du nombre d'ateliers... fragilisent la filière des bovins allaitants. Est aussi constaté un recul de la race charolaise au profit de la limousine et de l'aubrac. De surcroît, l'équipe élevage Drôme-Isère de la chambre d'agriculture a été désorganisée après le décès de son conseiller Jean-Pierre Chevalier en 2017. Une conseillère a été recrutée en mars, Sarah Dupire. « A présent, nous sommes en ordre de marche pour soutenir la filière », assure Fanny Corbière, responsable de cette équipe.
En Drôme, certaines exploitations sont spécialisées dans l'élevage de bovins viande. Pour d'autres, c'est un atelier complémentaire, ainsi que le fait remarquer Jean-Pierre Royannez, premier vice-président de la chambre d'agriculture. « Pour les unes comme les autres, cette activité doit être rentable, souligne-t-il. Donc, la chambre d'agriculture doit être à leurs côtés, leur apporter un conseil haut de gamme, à la carte. Le but est que les éleveurs puissent progresser et soient gagnants, que le conseil soit adapté à leurs besoins et un investissement rentable pour eux. Pour ceux qui ne sont plus en ZDS, le challenge est de les aider à compenser la perte de l'ICHN en cherchant à réduire les coûts et valoriser la production. »
Accompagnement individuel
La chambre d'agriculture propose de l'accompagnement individuel et collectif via des prestations, des formations... « Le conseil individuel consiste à accompagner les éleveurs dans la performance technico-économique de leur atelier bovin allaitant », indique Sarah Dupire. Cela passe par le calcul des rations (selon les objectifs de croissance), l'optimisation du plan d'alimentation (dans le but d'en réduire le coût), l'amélioration du pâturage, l'autonomie alimentaire. Mais aussi par la conduite de la reproduction (planning d'accouplement, bilan reproduction, choix des reproducteurs, génétique), la prévention sanitaire. C'est encore une approche économique de l'atelier, en calculant les coûts de revient et cherchant des marges de progrès. Sarah Dupire apporte, en outre, un appui dans la conduite des élevages en agriculture biologique et, dans le cadre du dispositif Rebondir, un soutien aux agriculteurs en difficulté.
Accompagnement collectif
Actuellement, la chambre d'agriculture de la Drôme accompagne deux démarches collectives de différenciation de produits et de commercialisation en direct destinées à capter de la valeur ajoutée au profit des éleveurs. L'une est un projet de structuration d'une filière « veau rosé »(3).« Dans un contexte de changement climatique et de prix bas, la production de "veau rosé" semble une alternative intéressante car les animaux sont vendus jeunes (à sept-huit mois), explique Guy Péran, élu chambre d'agriculture responsable de la filière bovins viande. Ils prennent moins de temps à élever que les broutards, donc nécessitent moins de ressources en fourrages et concentrés. D'où la possibilité d'une meilleure valorisation. En plus, le fait qu'ils restent moins longtemps en élevage peut éviter des investissements en bâtiments. »
Un projet autour du « veau rosé »
Une dizaine d'éleveurs drômois produisent déjà du « veau rosé » pour des acheteurs « qui sont souvent des bouchers et n'ont pas tous la même demande, précise Guy Péran. Une vingtaine d'autres éleveurs sont susceptibles de s'engager dans la démarche. Mais aucun itinéraire technique ni cahier des charges ne sont, à ce jour, clairement définis ». Aussi, la chambre d'agriculture a confié une étude à une stagiaire ingénieure, Alicia Godet (embauchée d'avril à septembre) sur les spécificités de cette production et ses possibilités de valorisation. Dans ce cadre, elle auditionne les producteurs de « veau rosé » sur leurs modes de production et commercialisation. Le 31 juillet à Vesc, ce travail d'enquête sera restitué et les éleveurs seront consultés sur leur volonté de structurer un produit « veau rosé » à travers un cahier des charges et, pourquoi pas, une marque.
Un autre projet en Nord-Drôme
Et dans le Nord-Drôme, sept éleveurs veulent développer une filière « steak haché » en circuits courts pour mieux valoriser leurs vaches charolaises de huit ans et plus. « Ils sont prêts à en accueillir d'autres dans leur groupe même s'ils élèvent une autre race », indique Fanny Corbière. Actuellement, le groupe est dans une phase d'exploration des débouchés : en termes de produits (steaks hachés, viande hachée, à bourguignon, sous vide, demi-carcasse pour bouchers...) et de clients potentiels (restauration collective, bouchers, GMS, particuliers).
« Ces éleveurs envisagent de créer une structure de transformation-commercialisation, note Guy Péran. Ils ont visité une structure similaire dans le Roannais pour s'inspirer de leur démarche et fonctionnement. Leur idée est de transformer les avants et vendre les arrières à des bouchers. Ils visent un prix départ de la ferme de 4,50 euros le kilo au lieu des 3 à 3,50 actuels. A leur demande, la chambre d'agriculture va les accompagner sur une étude économique et les démarches de création d'une structure. Elle travaille aussi en relation avec Valence Romans Agglo sur les débouchés et la recherche d'aides pour créer la structure. »
Annie Laurie
(1) ICHN : indemnité compensatoire de handicaps naturels.
(2) ZDS : zone défavorisée simple.
(3) Veau rosé : élevé sous la mère, pouvant aller à l'herbe ou recevoir une complémentation fourragère.
Les bovins allaitants en Drôme

5 561 vaches, soit 7 % de plus qu'en 2014.
Tendance à la spécialisation de la filière avec augmentation de la taille des troupeaux et disparition de petits ateliers. Augmentation du cheptel au profit de la race limousine (+ 9 %) et surtout des races rustiques Aubrac et Salers (+ 46 %). Effectif charolais en diminution : 2 435 vaches, soit - 5 % depuis 2014.
Chambre d'agricultureSarah Dupire, conseillère bovins viande

« Je suis motivée et passionnée par cette filière, confie Sarah Dupire. Je vis dans ce milieu, mon compagnon est éleveur de vaches charolaises en Isère. Je sais ce qu'est un vélage, soigner les bêtes et l'aide dès que je le peux. Dans mon travail de conseillère, je ferai le maximum pour accompagner les éleveurs. »A. L.
Témoignage /Du « veau rosé » aubrac

Et d'ajouter : « Dans le travail engagé avec la chambre d'agriculture, Jean-Pierre Chevalier visait à valoriser cette production. Nous restons dans cette dynamique. C'est aussi travailler en collaboration avec les bouchers, via la chambre des métiers, car tous les éleveurs ne pourront vendre en direct pour différentes raisons. L'objectif final est de mettre en place un signe de qualité, avec un cahier des charges et des systèmes de production. Il faut structurer cette filière. »A. L.