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Alliculture

Ail : une année en demi-teinte

Des résultats satisfaisants en ail semence. De même en ail de consommation bio mais pas en culture conventionnelle. Le président du GIE L'ail drômois, Jean-Luc Judan, résume ainsi la campagne 2017.
Ail : une année en demi-teinte

Jean-Luc Judan, le GIE L'ail drômois, dont vous êtes le président, s'est réuni en assemblée générale le 5 avril à Eurre. Que retenir de la campagne écoulée en production de plants ?

Jean-Luc Judan : « L'année 2017 est en demi-teinte. Elle a été tout à fait correcte pour le collège plants de notre GIE avec des volumes de certification en progression ainsi que des volumes de vente constants, voire en légère hausse, et un prix légèrement inférieur à celui de 2016. Les volumes commercialisés sur le marché national et à l'export se sont maintenus. En production de plants, nous sommes donc plutôt satisfaits de la campagne, que ce soit en bio comme en conventionnel. »

 

Et en ail de consommation ?

J-L. J. : « En ail de consommation, le bilan est plus partagé. La partie bio s'est très bien déroulée : les rendements ont été bons, la marchandise s'est vendue sans difficulté et à des prix corrects. Par contre, en conventionnel, les rendements étaient satisfaisants mais l'année s'est très mal passée pour deux raisons. La première est la concurrence espagnole avec des prix très bas, qui a complètement bloqué le marché français pendant les deux premiers mois de vente de notre ail (juillet et août). Le différentiel de prix dépassait un euro. En plus, au cours de ce temps, des pics de chaleur records ont détérioré l'ail. Conséquence de ces températures trop élevées, de l'ail a dépéri dans les séchoirs. Certains producteurs ont dû déclasser jusqu'à 50 à 60 % de leur production. Et 30 à 60 % des volumes ont été écartés de la vente. La plaine de Montélimar est la zone la plus affectée. Du fait de ces deux évènements combinés, le kilo d'ail qui a pu être commercialisé en catégorie I s'est vendu en moyenne 40 centimes d'euro de moins que la campagne précédente. Et la marchandise déclassée écoulée en ail égoussé auprès de l'industrie s'est vendue 30 centimes d'euro le kilo alors que, sans ces problèmes, elle aurait pu être valorisée à 2,40 euros. C'est le gros point négatif de l'année. »

 

La concurrence étrangère est rude, n'est-ce pas ?

J-L. J. : « Oui. A notre assemblée, nous avons évoqué les problèmes de distorsion de concurrence avec la députée européenne Françoise Grossetête. En termes de droit social, d'agronomie et de produits phytosanitaires, nous ne sommes pas soumis aux mêmes règles que l'Espagne. Mme Grossetête a relevé que l’Espagne se conforme à la réglementation européenne alors que la France s’impose des règles plus strictes en matière sociale et phytosanitaire. J'ai toutefois rétorqué que les charges de main-d’œuvre en France représentent 60 % du coût de production de l’ail alors qu'elles sont largement inférieures en Espagne. Cet écart rend la concurrence difficile, voire déloyale.

Sur les Min(1), la part de l'ail étranger, principalement espagnol, est de 90 % toute la saison. Il concurrence fortement l'ail de consommation français, ce dernier n'a qu'une toute petite place sur ces marchés. L'an passé, nous avons fait des relevés de prix et d'origine en Auvergne-Rhône-Alpes pendant la période de commercialisation de notre production. Nous nous sommes aperçus que l'ail espagnol était présent dans les rayons de tous les magasins visités. Alors qu'en France, la production d'ail française représente à peine la moitié de la consommation. »

 

Comment l'ail français peut-il s'en sortir ?

J-L. J. : « C'est toujours la même problématique depuis au moins vingt ans. Nous n'avons plus de solutions. Si l'Etat ne vient pas nous soutenir, nous aurons du mal à fonctionner dans le mode traditionnel. Nous attendons beaucoup des EGA(2), qui devraient déboucher sur la mise en place de contrats. Nous avons besoin de fidéliser les distributeurs et les grossistes à l'ail français. En bio, tout se passe bien avec eux, nous n'avons pas de difficulté à écouler la production. En conventionnel, ce n'est pas entré dans les mœurs, nous sommes tributaires des prix, de la concurrence européenne et internationale. Il faudrait raisonner comme en bio, assurer un prix de revient et un écoulement cohérent avec notre activité.

Nous attendons de l'Etat un coup de pouce significatif pour que l'ail français soit privilégié dans notre pays pendant sa période de commercialisation. Et, de l'Union européenne, nous attendons une réglementation commune en termes de droit social, d'agronomie et de produits phytosanitaires. »

 

Encore une question. Comment s'annonce la campagne 2018 ?

J-L. J. : « Il est encore trop tôt pour le dire. Mais, malheureusement, elle risque d'être un copié-collé de 2017 en ail de consommation conventionnel. Si nous ne sommes pas confrontés à des problèmes climatiques, ce sera déjà un point positif. Mais nous allons devoir être très vigilants par rapport à la production de l'Espagne car ses emblavements ont augmenté. Si elle est concurrencée par la Chine sur le marché international, elle sera encore plus présente sur les étals français.

Pour ce qui est des excès de chaleur, nous mettons en place un dispositif technique et un accompagnement afin d'adapter les modes de conservation. Nous allons refroidir l'ail dans les séchoirs en insufflant de l'air plus frais. Ce système a déjà fait ses preuves. Nous allons le généraliser à tous. Cela impose de gros investissements (isolation des aires de stockage, pilotage plus précis de la température avec des sondes). »

 

Propos recueillis par Annie Laurie

 

(1) Min : marchés d'intérêt national.

(2) EGA : Etats généraux de l'alimentation.

 

Le GIE L'ail drômois en chiffres

 
- Au total : 64 adhérents, 569 hectares d'ail et 5 500 tonnes produites en 2017.
- Production d'ail de semence : 3 184 tonnes avec 24 adhérents, parmi lesquels 5 en agriculture biologique.
- Production d'ail de consommation : 2 300 tonnes avec 40 adhérents, dont 10 en agriculture biologique. 17 d'entre eux vendent de l'ail en IGP, dont 6 en bio.
- Quelque 2 000 tonnes d’ail de consommation en production conventionnelle ont été commercialisées en 2017. Sur ce volume, seulement 60 % ont pu être valorisés à un prix satisfaisant. Plus de 320 tonnes ont pris la destination de l’industrie.
- 11 producteurs sont certifiés Global Gap, soit 150 hectares.