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Ppam

Alain Aubanel : « Le monde entier veut produire de la lavande »

Président de la fédération Drôme-Ardèche des producteurs de lavandes, lavandin et autres Ppam*, Alain Aubanel, lui-même producteur à Chamaloc, est inquiet quant à la surproduction et la saturation des marchés en devenir.
Alain Aubanel : « Le monde entier veut produire de la lavande »

Alain Aubanel, président de la fédération Drôme-Ardèche des producteurs de lavandes, lavandin et Ppam et du CIHEF, est inquiet pour l’avenir de la filière.

Alain Aubanel, comment se porte la filière Ppam en Drôme-Ardèche ?
Alain Aubanel : « Nous avons connu une forte période de développement, avec de nouvelles installations ou reconversion, de même qu'une grosse modernisation en termes de matériel grâce aux aides de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et du Département de la Drôme. Nous bénéficions aujourd'hui d'outils de production très performants. De plus, c'est une filière porteuse dans laquelle les agriculteurs gagnent leur vie. D'ailleurs, dans la Drôme, nous avons noté une hausse de 40 % des surfaces depuis 2014, ce qui montre le désintéressement pour d'autres cultures : dans le Tricastin, les vignes ont été remplacées par du lavandin, tout comme dans la plaine de Montélimar et le Nord-Drôme où les Ppam prennent peu à peu de l'ampleur sur les cultures céréalières. Les Ppam offrent la possibilité d'une reconversion facile, avec une rémunération plus intéressante. »

Avec l'augmentation des plantations de lavande et lavandin, ne craignez-vous pas une saturation des marchés d'ici quelques années ?
A. A. : « Bien sûr que si. Malheureusement, tant que les marchés ne sont pas saturés, personne n'y croit. Quand les producteurs français gagnent de l'argent grâce à une culture, les autres pays s'y intéressent. Cela explique donc l'essor de la lavande et du lavandin en Bulgarie, Turquie, Grèce ou encore Croatie. Même le Canada, qui produisait jusque-là du tabac, se penche sur le sujet de la lavande. Beaucoup de pays veulent se lancer. La France entière et le monde entier veulent en faire. A ce jour, nous sommes déjà quasiment en surproduction. J'alerte donc sur le fait qu'il faut faire très attention à ne pas établir de prévisionnel pour les années futures avec les prix d'aujourd'hui. Je suis convaincu que la rémunération va évoluer, et pas dans le sens que l'on aimerait... Je suis donc inquiet quant à cette saturation des marchés à venir, notamment pour les producteurs situés en zone de montagne qui ne peuvent cultiver que des Ppam, contrairement aux agriculteurs de plaine qui auraient des possibilités de rechange. Notre seule stratégie sera alors d'aller vers des produits de qualité, en misant sur l'effet "terroir". C'est la seule chose qu'on ne pourra pas nous prendre. »

En tant que président du comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises (CIHEF), quels sont les sujets sur lesquels vous travaillez actuellement ?
A. A. : « Nous travaillons principalement sur tous les problèmes réglementaires, qui sont devenus un enfer en France et en Europe. Des problèmes liés aux allergènes, des problèmes quant à la vente directe d'huiles essentielles... Nous nous devons de désamorcer les âneries que racontent les pays étrangers ou les associations de consommateurs, notamment sur le fait que la lavande serait un perturbateur endocrinien. D'autre part, nous réalisons une étude de données statistiques pour savoir quelle(s) variété(s) les producteurs français produise(nt), à quel endroit, sur quelle surface, etc. Cette connaissance nous permettra d'avoir une longueur d'avance sur le marché de demain. Même si nous n'empêcherons jamais les Russes ou les Chinois de produire de la lavande, il faut mettre tous les atouts de notre côté pour tirer notre épingle du jeu. Nous avons eu de très belles années. Désormais, l'embellie est terminée et nous devons répondre aux enjeux sociétaux : souhait des consommateurs d'avoir des produits naturels (et non pas de synthèse), respect de l'environnement, développement durable, etc. Je ne suis pas pessimiste mais restons prudents et n'oublions pas que nous sommes aujourd'hui dans un marché mondial. » 
Propos recueillis par Amandine Priolet
* Ppam : plantes à parfum, aromatiques et médicinales.

 

Repères de la filière Ppam 

Présent à l’assemblée générale de France Lavande (lire notre précédente édition), Alain Aubanel, président du CIHEF, a fait écho de la situation nationale. L’évolution parcellaire est en hausse : « Nous comptons environ 29 000 hectares de lavandin et lavande en France », souligne-t-il. La Drôme, avec une augmentation de 10 % des surfaces entre 2018 et 2019 (+ 40 % entre 2014 et 2019), représente 27 % de la superficie nationale. En 2018, 1 460 tonnes (t) de lavandins et 138 de lavandes ont été récoltés. Pour 2019, la récolte devrait être stable malgré une baisse du grosso (- 2 %) et une évolution du super (+ 14 %). Au niveau des départements, la Drôme devrait augmenter sa récolte de 8 %, contrairement aux Alpes-de-Haute-Provence (- 5 %) et au Vaucluse (- 3 %). Les autres zones de production (Occitanie, Eure-et-Loir, Yvelines) verront leur rendement croître de 41 %.
A noter, la Bulgarie reste le premier producteur mondial de Ppam (52 % des volumes) devant la France (26 %) et la Chine (12 %).