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Covid-19

AOP et IGP viticoles : les effets du confinement

Quelle est l'incidence de la pandémie de coronavirus sur les AOP et IGP* vinicoles de la Drôme ? Tour d'horizon de la situation.
AOP et IGP viticoles : les effets du confinement

Crozes-Hermitage

Le problème aujourd'hui, « c'est que pratiquement aucune bouteille de vin ne sort car la restauration, les cavistes, le tourisme sont à l'arrêt », s'alarme le président du syndicat de l'AOC Crozes-Hermitage, Pierre Combat. Actuellement, les consommateurs achètent davantage des vins premier prix que haut de gamme. Les clients particuliers ne viennent plus dans les caveaux. « Les ventes dans la grande distribution ne compensent pas le volume perdu ». Et, à l'export, peu de vin part : il cite l'exemple de collègues réalisant à peine 30 % de leurs ventes habituelles à l'étranger. « C'est bien compliqué en ce moment. Plus d'argent n'entre dans les caisses. Et comment vont redémarrer les restaurateurs, avec quel budget ? » Son espoir : « Que les consommateurs soient en train de boire les bouteilles qu'ils ont en stock chez eux ». Quant au travail dans les vignes, « avoir suffisamment de personnel pour l'ébourgeonnage est l'un de nos souci actuels. La mise en sécurité des salariés en est un autre, indique Pierre Combat. Ce n'est pas simple ».

Clairette de Die

Depuis le confinement, « le commerce est plus compliqué », constate Fabien Lombard, président du syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois. En sorties de chais, « forcément, on va avoir une baisse sans précédent » pour la Clairette de Die, qui est un produit festif. Côté main-d'œuvre, du personnel pourrait manquer en mai-juin pour l'ébourgeonnage des vignes.
Autre sujet, la proposition d'abrogation de la loi de 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la Clairette de Die dans l'aire de cette AOP. Prévu le 8 avril, son passage en deuxième lecture à l'Assemblée nationale est reporté sine die. Mais Fabien Lombard est serein pour le vin effervescent rosé car l'Assemblée nationale et le Sénat se sont déjà prononcés favorablement : « Il ne devrait pas y avoir d'obstacles, on est sur la dernière marche de l'abrogation ».
« Le confinement n'arrange pas la partie économique, déplore le président de la Cave de Die Jaillance, Olivier Rey. La distribution en CHR** est nulle car tout est fermé. Seul le secteur de la grande distribution fonctionne mais pas à plein. Sur début avril, les ventes sont en gros à 50 %. Et l'export est insignifiant. » Les commerciaux de Jaillance sont au chômages partiel et le gros de l'effectif de la cave est au chômage technique. Olivier Rey se dit inquiet sur la sortie de cette crise, la fréquentation touristique...  La baisse des ventes pourrait générer des problèmes de stocks et avoir des conséquences au niveau des récoltes à rentrer pour la prochaine vendange. Le moral n'est pas au mieux. Aujourd'hui, on pilote à vue. »

Vins du Sud-Drôme

« Grâce aux GMS, le Cellier des Dauphins fonctionne, signale sa directrice amont, Sylvie Darves, mais partiellement. » Cependant, les commandes ralentissent depuis avril. L'export, lui, est resté dynamique jusque-là, notamment au Royame-Uni. Pour l'ensemble des caves adhérentes au Cellier, les vins étaient vendus mais, « ce qui nous inquiète sur l'AOC, explique Sylvie Darves, ce sont les retiraisons*** avant les vendanges, pour ne pas avoir trop de stocks. » Elle constate aussi une légère baisse des cours en Côtes-du-Rhône rouge.
La cave La Vinsobraise, elle, a fermé son caveau le 15 mars. Reste une petite activité drive avec une clientèle locale. Par contre, les ventes à des petites épiceries fonctionnent bien, avec davantage de bag-in-box qu'habituellement. En vrac, les retiraisons sont plus faibles (- 50 à 60 %). Et en vrac citerne, 15 % restaient à commercialiser mais la cave a arrêté les ventes, les prix ayant chuté de 20 %. Pour ce qui est du personnel, des salariés travaillent encore dans la cave, d'autres sont en télétravail ou au chômage partiel.

Vins IGP de la Drôme

Les vins IGP sont produits sur des exploitations mixtes, fait remarquer le président de la fédération départementale des IGP viticoles de la Drôme, Adelin Marchaud. En ce moment, « nos vins se vendent dans les circuits courts, où les clients vont quand même se ravitailler », observe-t-il. Et, dans les situations économiques critiques, « les consommateurs achètent plutôt des petits vins comme les nôtres que des vins de prestige. On se rend compte que les vins vendus en bag-in-box sont souvent des IGP. Ce sont des vins de cycle court mais nous ne sommes pas plus inquiets que ça ». Et d'ajouter, concernant les rosés : « C'est une couleur plutôt à la mode, l'été n'a pas encore commencé et une bonne partie des volumes est déjà contractualisée. Donc, on attend de voir ».

Annie Laurie

* AOP : appellation d'origine protégée. IGP : indication géographique protégée.
** CHR : cafés, hôtels, restaurants.
*** Retiraison : retrait des vins auprès des coopératives adhérentes au Cellier des Dauphins.

 

 

Confinement / Les impacts de la crise sanitaire actuelle sur deux fromages AOP, le picodon et le bleu du Vercors-Sassenage.

Fromages AOP : des débouchés déstructurés

Picodon


Le confinement a perturbé l'écoulement du picodon AOP. Alors, des éleveurs suivent les recommandations de la filière : ils ont réduit leur production en modifiant les rations, en donnant du lait aux chevreaux s'ils en ont encore (au lieu du lait en poudre) ou en passant à la monotraite. « Mais c'est un manque à gagner », remarque l'animatrice du syndicat de ce fromage, Alicia Teinturier. Et « c'est compliqué de mettre en place de nouvelles façons de commercialiser pour remplacer les débouchés qui se sont fermés ». Certains proposent des commandes livrées à des particuliers sur des points de retrait ou à domicile. Fabriquer des pâtes pressées peut être une autre solution, à condition d'être équipé et de maîtriser la technique.
« La situation n'est pas brillante, confie Hervé Barnier, éleveur de chèvres à Vesc et trésorier du syndicat du picodon AOP. Des débouchés ont été déstructurés. Les ventes de certaines entreprises ont chuté jusqu'à 80 % les premières semaines de confinement. La fermeture des marchés a été catastrophique pour des éleveurs fermiers, tous ne sont pas équipés pour stocker et reporter les ventes. Ceux qui vendent des fromages à douze jours se sont retrouvés dans la panade, avec quasiment plus de débouchés. Des affineurs ont perdu 60 % de leurs ventes la première semaine et 40 % la semaine dernière »...
Au magasin à la ferme d'Hélène et Hervé Barnier (débouché important pour eux), les clients ne viennent plus. Cette perte de ventes, ils l'ont en partie compensée en proposant des commandes sur internet pour livraisons dans la zone où ils servent déjà des commerces. Restaurants, chambres d'hôtes, gîtes, campings fermés, ce sont aussi des débouchés en moins pour eux. Par contre, leurs ventes ne se sont pas effondrées dans leur réseau de commerces de proximité (épiciers, petites surfaces). Néanmoins, elles sont irrégulières. « Cette crise va laisser des traces, toutes les filières en sortiront cabossées, prévoit Hervé Barnier, qui lance un appel : Mais, il ne faut pas brader le picodon AOP. Sinon il sera compliqué de retrouver la valorisation pour laquelle on se mobilise depuis des années. »

Bleu du Vercors-Sassenage


Concernant l'AOC bleu du Vercors-Sassenage, « les deux premières semaines ont été compliquées pour les producteurs fermiers, explique le président du syndicat interprofessionnel de ce fromage, Daniel Vignon. A la fermeture des marchés sur le Vercors-Nord, on a travaillé avec le Parc pour mettre en place un système de paniers : des commandes groupées livrées. Sur le Vercors-Sud, le maire de La Chapelle-en-Vercors s'est battu pour garder son marché. Pour tous les débouchés en contact direct dont les magasins de producteurs, notamment en bio, il n'y a pas de soucis de commercialisation. Dans les circuits plus longs, c'est compliqué. » Vercors Lait a arrêté de fabriquer pendant au moins une semaine. Mais, étant multiproduit, cette coopérative a pu transformer du lait en raclette et pâtes cuites. « Globalement, elle s'en sort bien, ses ventes sur mars n'ont baissé que de 5 %, note Daniel Vignon. Le syndicat, les fermes du Vercors et le Parc demandent, dans une lettre commune, aux mairies de tout le territoire de rouvrir les marchés au moins aux producteurs locaux ». Mais aussi « d'en créer s'il n'y en a pas au cas où des producteurs locaux ont des difficultés à vendre ».
Quant à son exploitation (ndlr : Gaec de Roche rousse, à Saint-Martin-en-Vercors), « elle s'en sort bien ». Elle a gardé sa place sur le marché de La Chapelle. Et ses ventes dans des magasins de producteurs « compensent largement » les débouchés fermés (restaurants, centres de vacances et restauration scolaire). Ce qui fait dire à Daniel Vignon : « Je pense que le message de consommer local est passé ».
Annie Laurie

 

Autres AOP

Olives et huiles d'olive de Nyons


Le président du syndicat interprofessionnel de l'olive de Nyons et des Baronnies, Patrick Floret, annonce des ventes fortement réduites, ralenties du fait du confinement. Il espère que « cette situation pénalisante durera le moins longtemps possible pour ne pas prendre trop de retard dans la commercialisation et se retrouver avec des stocks ». C'est aussi de la trésorerie qui n'entre pas dans les exploitations, la coopérative et les moulins. Cet été, les touristes étrangers risquent d'être absents. Alors, il espère que davantage de Français viendront. Mais « les ventes seront forcément impactées ».

Noix de Grenoble


En noix de Grenoble AOP, selon Christian Nagearaffe (nuciculteur à Montmiral), globalement, la filière ne rencontre pas de difficultés particulières pour l'écoulement des stocks. « Pour le moment, elle est relativement épargnée par la mévente. Le marché est plus compliqué pour les petits producteurs indépendants en vente directe, les produits dérivés à base de noix. » Et de remarquer encore : « La noix est un fruit qui se conserve. Et, pour l'instant, on n'a pas d'effets collatéraux trop importants ».
A. L.