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Congrès des Vignerons coopérateurs

Appellations et marques : à quel saint se vouer ?

La Confédération des coopératives vinicoles de France (CCVF), qui rassemble plus de 85 000 vignerons, a tenu son congrès national à Valence (Drôme), du 24 au 26 juin. La place des marques, appellations et signatures dans la commercialisation des vins y a été débattue.
Appellations et marques : à quel saint se vouer ?

Alterner réflexions et découvertes des vignobles drômois, tel a été le cocktail préparé par la fédération des caves coopératives de la Drôme, présidée par Pierre Combat, pour les participants au congrès national des Vignerons coopérateurs de France (CCVF). Lors des débats, à l'hôtel du Département à Valence, quatre commissions ont planché sur des thèmes touchant l'organisation du lobbying à Bruxelles, les enjeux de l'économie numérique, le foncier et l'évolution du réseau de la CCVF. Cette dernière, souhaitant réaffirmer son leadership syndical, envisage d'ouvrir le dialogue avec Coop de France pour étudier de possibles synergies. L'idée d'une confédération européenne et d'un think tank, pour influer en amont sur les décisions de la Commission européenne, a aussi été évoquée. Les avancées obtenues avec la loi d'avenir agricole (bail cessible, GFA viticole) ont par ailleurs été jugées « adaptées à l'engagement coopératif », notamment pour faciliter l'installation de jeunes. Enfin, sachant qu'une bouteille sur dix se vend via internet, la CCVF a jugé nécessaire de doter les coopératives d'outils d'e-commerce efficaces.

« Mettre le consommateur à l'aise »

Dans un marché désormais mondialisé, la diversité de la viticulture française est une richesse mais aussi une faiblesse. « Le monde du vin est complexe et les consommateurs sont totalement perdus », a estimé Matthew Dickinson, directeur de Dickinson Associates. Lors d'une table ronde sur la question « marques, appellations ou signature ? », ce consultant en gestion commerciale auprès d'importateurs anglo-saxons, a mis l'accent sur l'offre pléthorique des AOP (307 en France, 405 en Italie, 65 en Espagne...). Faisant un parallèle avec le café (huit marques appartenant à quatre entreprises), « les consommateurs ont besoin d'être guidés, a-t-il indiqué. La force d'une marque consiste à mettre le consommateur à l'aise, à le rassurer car il n'aime pas prendre des risques. »
« Rares sont les consommateurs à pouvoir citer plus de dix AOC », a fait remarquer Julie Campos*, directrice générale du Centre vinicole de Champagne, une union de 84 coopératives créée en 1972, représentant plus de 5 000 vignerons et dotée, depuis 1986, de la marque Nicolas Feuillatte. Pour elle, une marque « porte des valeurs » tandis qu'une appellation est « un socle pour construire des marques commerciales ». La signature, elle, « ne représente pas toutes les valeurs d'une marque mais agit comme caution par exemple sur la qualité. »

Gagner en notoriété

« Faire vivre une marque nécessite de gros budgets, a souligné Philippe Pellaton, président de la cave coopérative Laudun-Chusclan. Dix à douze millions d'euros sont consacrés à la marque collective Côtes-du-Rhône, laquelle « assure une notoriété et n'a pas de concurrence », a précisé celui qui préside également le syndicat général des vignerons des Côtes-du-Rhône. Cela permet des communications offensives à l'export. » Considérant que l'appellation tracte les marques, il a toutefois jugé nécessaire de « rationaliser les gammes » dans un secteur « roi de l'atomisation ».
Jacques Tranier, directeur général de Vinovalie, a mis l'accent sur l'innovation. Créateur du fameux « rosé piscine », entre autres, cette union de coopératives du Sud-Ouest a connu ces dernières années un exceptionnel développement en misant sur des marques. « Quand on n'a pas d'argent, il faut de l'imagination et une stratégie issue d'une bonne analyse, a-t-il confié. Par exemple, s'adresser à des segments de niche ou délaissés comme les gens qui ne boivent pas de vin. Une marque doit être porteuse de rêve pour que le consommateur accepte de payer plus. » Par ailleurs, il a insisté sur la constance de la gouvernance pour bien contrôler une marque, « ce qui n'est pas facile en coopérative ».

Christophe Ledoux

Discours / En clôture du congrès de la CCVF, Bruno Calmette, président, a fait un tour d'horizon des dossiers en cours.

« La priorité, c'est l'investissement »

« La coopération est un modèle qui traverse le temps et surmonte les difficultés », a déclaré Boris Calmette, président de la Confédération des coopératives viticoles de France (CCVF), en clôture du congrès, le 25 juin à Valence (Drôme). Insistant sur la nécessité de toujours investir, il a invité chaque coopérateur à définir des « stratégies cohérentes de la parcelle au client ». Saluant le « plan investissement coopération 2015 » annoncé récemment par le gouvernement, « nous attendons des mesures concrètes », a-t-il ajouté. Il a rappelé et regretté que les coopératives ne bénéficient que marginalement du dispositif CICE.
« Prolonger l'OCM »
Concernant l'organisation commune de marché (OCM), « c'est un dispositif imparfait mais un levier intéressant, dont nous réclamons la prolongation au-delà de 2018 », a indiqué Boris Calmette. Par ailleurs, après avoir souligné les avancées obtenues avec la loi d'avenir (lire article ci-dessus), il a souhaité que la simplification administrative soit suivie d'effets, notamment pour le compte pénibilité. Et il a demandé un délai d'adaptation pour la déclaration sociale nominative.
Evoquant le nouveau régime d'autorisation de plantation, « nous avons collectivement intérêt à ce que ce système fonctionne pour éviter sa remise en cause », a-t-il estimé. En matière d'œnotourisme, il a fait part d'un partenariat avec Gîtes de France et salué l'avancée sur la loi Evin permettant désormais de distinguer publicité et information.
Enfin, le président de la CCVF a considéré la constitution d'un pôle vin au sein d'InVivo (InVivo Wine) comme « une bonne nouvelle et une opportunité ».
« Définir des stratégies d'ensemble »
Dans son intervention, Hervé Durand, directeur général adjoint à DGPE*, a incité les caves coopératives à définir des « stratégies d'ensemble » pour relever les défis, notamment celui de la concurrence. A propos de l'assurance climatique/récolte, il a rappelé le maintien du taux de subvention à 65 % et incité les caves à favoriser la souscription de ce type de contrat. Le représentant du ministère de l'Agriculture a également invité les coopératives à se saisir des « investissements d'avenir » pour développer l'innovation en viticulture. Sur le nouveau dispositif des autorisations de plantation, « nous travaillons à sa simplification via une téléprocédure », a-t-il indiqué, non sans provoquer un peu d'hilarité dans la salle.
C. L.
* DGPE : direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises.