Après la crise, la profession reprend le combat du juste prix

«Il est hors de question de subir la hausse des coûts liés à la réorganisation des filières, d'autant plus que les stocks sont en train de s'écouler et les filières de se redresser », clame Pascal Girin, président de la FDSEA du Rhône et référent économique à la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes. Le syndicalisme agricole majoritaire d'Aura vient de lancer sa feuille de route régionale : si la crise sanitaire a imposé des coûts supplémentaires aux entreprises de la transformation et de la distribution, « ce n'est pas aux producteurs d'en payer les conséquences, insiste le syndicaliste. Sous prétexte que les stocks ont augmenté et que les opérateurs ont dû faire face à des surcoûts, des prix dérisoires nous sont imposés et ne remontent pas. A titre d'exemple, les producteurs laitiers ont perdu 20 à 30 euros les 1 000 l sur le prix brut du lait ». Préférant ne pas recourir à la réserve de crise agricole, le commissaire européen à l'Agriculture, Janusz Wojciechowski, l'a affirmé la semaine dernière : « Aucun problème d'approvisionnement durable, aucune pénurie alimentaire n'ont été observés en Europe depuis le début de la crise actuelle. Les premiers signes montrent déjà que le marché se redresse en partie ».
Ne pas payer le prix fort de la crise
Raison de plus pour la profession de ne pas accepter de payer le prix fort de la crise. « Malgré nos échanges plutôt corrects avec les opérateurs, nous avons assisté à des opérations de manipulation de la part d'un certain nombre d'entre eux. Tout notre travail sur la loi Egalim a été balayé d'un revers de main », regrette-t-il. « Le 16 mars, quand Monsieur Le Maire a décidé de confier les clés du camion à la grande distribution, il a fait un choix. De notre côté, il a fallu qu'on se batte, parfois contre les pouvoirs publics, pour maintenir nos marchés, alors que tout le monde se ruait dans les supermarchés », ajoute Yannick Fialip, secrétaire général de la
FRSEA Aura. La profession va maintenant s'atteler à quantifier les stocks, filière par filière, pour prouver que la reprise est déjà bel et bien entamée. « Petit à petit, l'étau va se resserrer sur les entreprises qui continuent à imposer des prix injustifiés. Il faut qu'on arrive à prouver que les volumes produits sont bien écoulés », précise Pascal Girin. La crainte avec le déconfinement et la reprise du travail est de voir les consommateurs reprendre leurs anciennes habitudes. « Ils auront moins de temps pour faire leurs courses et cuisiner. Pendant le confinement, ils ont été nombreux à nous soutenir via la vente directe. Je garde espoir que cette période ait pu réveiller leur conscience, qu'ils continueront à nous suivre après la crise ».
Des chèques alimentaires
Parallèlement à la lutte pour la prise en compte des coûts de production dans la construction du prix payé au producteur, la profession a remis sur la table une proposition sur laquelle le conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) travaille depuis un an : la distribution de chèques alimentaires pour les personnes les plus fragiles. « Cette démarche permettrait d'orienter l'achat des consommateurs sur des produits français de qualité, de relocaliser nos productions et de sortir de l'éternel débat sur le pouvoir d'achat. En réglant une partie du problème, on remonterait automatiquement le prix de l'ensemble de nos productions », estime Yannick Fialip. Seule condition pour que ce projet soit viable : « que l'argent public soit utilisé à bon escient et qu'on ne fasse pas de l'achat de smartphones avec des chèques destinés aux seuls achats alimentaires », prévient Pascal Girin. Cette initiative régionale a vocation à s'étendre au niveau national. Des réponses sont attendues très rapidement de la part des pouvoirs publics.
Alison Pelotier