Après Sodiaal, Lactalis bientôt dans le viseur des producteurs ?

Pour sa première semaine de travail, Stéphane Travert a enchaîné une série de rendez-vous avec les représentants de la distribution. La Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), Système U, E.Leclerc, Auchan, Intermarché et même les représentants des organisations de consommateurs étaient inscrits à l'agenda du ministre. Des rencontres qui tombent à pic, vu l'actualité laitière de ces derniers jours. L'ensemble des distributeurs, y compris E.Leclerc, le 23 juin, ont dit vouloir soutenir les producteurs et relancer les négociations commerciales sur les MDD, 1er prix et hard discount. La Fédération nationale des coopératives (FNCL) s'est dite prête à transmettre les hausses de prix concédés aux producteurs, « à condition que celles-ci soient effectives dès le 1er juillet ». Autre surprise, le rendez-vous avec Emmanuel Besnier, P.-D.G. de Lactalis, le 29 juin. On se souvient encore d'un : « Je ne l'ai jamais vu, je n'ai pas son portable » lancé par un certain Stéphane Le Foll au sujet d'Emmanuel Besnier, en pleine crise des producteurs face au groupe Lactalis en août 2016. Or, à peine le nouveau ministre aux commandes que voici Emmanuel Besnier en rendez-vous rue de Varenne ! À l'inverse, des rencontres avec les fédérations de coopératives, d'industriels et des producteurs ne sont pas à l'agenda, ou plus tardives.
Emmanuel Besnier en rendez-vous au ministère
Cette rencontre entre le nouveau ministre et Emmanuel Besnier est tombée deux jours avant la date fatidique du 1er juillet. Et si les coopératives ont annoncé une hausse des prix pour la paye de lait des trois prochains mois, les industriels se caractérisent par leur mutisme. Pas un mot sur le prix actuel dans le communiqué du 22 juin de la Fédération nationale de l'industrie laitière (Fnil), mais la réaffirmation que les industriels « assurent en toutes circonstances, le meilleur retour financier possible aux producteurs dans le cadre de leurs contrats ». Jehan Moreau, directeur de la Fnil, rappelait le 28 juin à quel point les « stratégies des entreprises sont très différentes ». « Le positionnement politique d'un industriel privé n'est pas le même que celui d'une coopérative », observe-t-il. Le privé est bien là pour faire de l'argent. Michel Costes, président de l'OP Lactalis de Rodez, évoquait le 27 juin, un prix à 300 euros/1 000 l pour les derniers mois, alors que d'autres producteurs touchaient déjà plutôt autour de 310-315 euros/1 000 l. Pour les trois prochains mois, le prix de la paye de lait qui circule sur les réseaux sociaux pour les coopératives et certaines PME tourne plutôt autour de 340 euros/1 000 l. Lactalis suivra-t-il ? La négociation est en cours. Jehan Moreau semble assez pessimiste sur une issue positive pour les producteurs dans cette négociation.
Certains industriels du lait se rétractent sur le marché français
Pour Michel Costes, « la grosse préoccupation demain est là », dans le prix, car en arrière-plan, c'est un signe qu'envoie Lactalis sur l'avenir de certains territoires. « On sent la fragilité du marché », souligne-t-il, évoquant « trois ans de prix minables ». Jehan Moreau parle d'un Danone qui réduit sa production en France, d'un Bel qui se recentre sur ses produits fétiches et d'un Lactalis qui veut racheter la coopérative laitière allemande, Omira. « Personne ne réclame du lait aujourd'hui », explique-t-il. Et la Commission européenne a accepté de vendre 100 tonnes de poudre de lait en dessous des prix du marché. « Un signe », selon lui, car les stocks pèsent à Bruxelles. « Du beurre, il n'y en a pas sur le marché et le prix de la protéine va baisser », continue-t-il. Seulement, les producteurs ne l'entendront probablement pas de cette oreille. C'est d'ailleurs le sens que peut prendre le communiqué de la FNPL, de la FNSEA et de Jeunes agriculteurs du 28 juin : « Les entreprises, qu'elles soient coopératives ou privées, ont la responsabilité d'aboutir dans ces négociations avec la revalorisation du prix du lait payé au producteur dès juillet, a minima à hauteur de 340 euros/1 000 litres, comme unique objectif ».