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Rencontre technique

Arboriculture : des opportunités de diversification ?

Afin de donner des éléments pour rechercher de la valeur et des relais de croissance sur les exploitations, l'association Fruits Plus vient de dédier une journée aux diversifications en arboriculture.
Arboriculture : des opportunités de diversification ?

Grenade, kaki, raisin de table, figue, noisette, amande : est-il judicieux, pour les arboriculteurs, de diversifier leur activité dans ces espèces fruitières ? Afin d'apporter des éléments de réponse, Fruits Plus a organisé une journée technique sur ce sujet, le 6 novembre à Anneyron. Des informations sur l'offre et la demande dans ces espèces fruitières, leur culture..., des points de vue y ont été donnés.
« Dans notre bassin de production (Drôme, Ardèche et Isère), nous nous interrogeons tous sur l'offre de produits à proposer aux consommateurs pour coller à leurs attentes, a expliqué le président de Fruits Plus*, Régis Aubenas, en ouverture de la journée. Et nous sommes en recherche de valeur, de relais de croissance sur nos exploitations. Diversifier, c'est aussi parfois renforcer notre produit leader. Donc, ce thème s'est imposé pour ce nouveau "Rendez-vous arbo de novembre". »

Régis Aubenas, président de Fruits Plus.

La grenade

La grenade est consommée en fruit de bouche et jus. Sa production en France, « c'est presque rien », a remarqué Xavier Crété, responsable du pôle innovation, nouvelles technologies au sein de SudExpé (station de recherche appliquée fruits et légumes, Marsillargues). Environ 100 hectares (ha) sont cultivés, essentiellement en Languedoc-Roussillon : des vergers très jeunes (moins de 10 ans), de petite taille (inférieurs à 10 ha), un rendement faible (souvent moins de 10 t par ha), une production en bio, une commercialisation en jus de fruit et circuits courts surtout et une filière non organisée. La France s'approvisionne beaucoup dans les pays méditerranéens.
Concernant le jus de grenade, « la production ne suffit pas pour satisfaire la demande », a indiqué Pierre Baud, pépiniériste spécialisé dans le grenadier à fruits et le figuier (à Vaison-la-Romaine). Xavier Crété a encore signalé l'existence de la fédération des producteurs de grenade du Sud.

Xavier Crété, SudExpé.

Le kaki

« Espèce courante et très bien adaptée à nos régions, le kaki est pénalisé par une image de fruit écœurant, gluant », a indiqué Xavier Crété. Peu cultivé en France (entre 50 et 100 ha ?), il l'est principalement dans des ateliers de diversification. Mais « il existe une réelle demande en kakis d'origine française, notamment en bio. Les prix sont intéressants (entre 3 et 3,50 € le kilo) ». Et le kaki séché est une « niche » pour valoriser le second choix.

Le raisin de table

Yves Texier, chambre d'agriculture de Vaucluse.

En France, le raisin de table, c'est 5 200 ha (Agreste 2016) et un potentiel de 45 000 t. Le Vaucluse est le premier département producteur (60 % des surfaces), suivi du Tarn-et-Garonne (21 %) et du Gard (6 %). Les Français consomment 163 000 t de raisin de table, dont 102 000 proviennent d'Italie, 24 000 de notre pays et 9 000 d'Espagne.
L'intervenant, Yves Texier, responsable de l'équipe agriculture de coteau à la chambre d'agriculture de Vaucluse, a conseillé de bien définir ses besoins en amont et insisté sur l'importance du choix des variétés.

La figue

Pierre Baud, pépiniériste spécialisé en grenadiers à fruits et figuiers.

La France produit 3 000 t de figues par an. Elle en consomme 6 000 t en frais, autant en sec et s'approvisionne en grande partie en Turquie, le premier producteur mondial. « Il y a une grosse demande, un marché, assure le pépiniériste Pierre Baud. La figue est un fruit fragile, qui ne tient pas longtemps (maximum une semaine). C'est un inconvénient mais aussi un avantage car la Turquie envoie des figues pas assez mûres. Elles ne seront donc jamais bonnes. Il faut jouer la carte des circuits courts et de la qualité. Le créneau peut être intéressant. » Côté culture, le figuier fructifie régulièrement et abondamment sans être ni taillé, ni traité. Il est donc facile à cultiver en bio.

La noisette

Bruno Saphy, coopérative Unicoque.

La production mondiale de noisettes s'élève à un million de tonnes. La Turquie a un potentiel de 900 000 t. La France est un « lilliputien » avec ses 10 000 t, collectées à 98 % par Unicoque (Lot-et-Garonne), a dit le responsable du pôle développement des plantations de cette coopérative, Bruno Saphy. « Elle fait partie des produits très prisés par les consommateurs. » Unicoque ambitionne de devenir une référence internationale avec sa marque « Koki ». Son objectif est de collecter 20 000 t de noisettes en 2020 et 30 000 (soit 3 % du marché mondial) en 2030.

L'amande

Benoît Chauvin-Buthaud, chambre d'agriculture de la Drôme.

En amandes, la demande est supérieure à l'offre, a commenté Benoît Chauvin-Buthaud, conseiller en arboriculture à la chambre d'agriculture de la Drôme. La France en produit autour de 800 t (contre environ 860 000 aux Etats-Unis, où le volume a doublé en dix ans). Et elle en consomme 25 000 à 30 000 t par an (dont 96 % importées).
« Les acheteurs sont prêts à différencier par le prix une origine "France" », a noté l'intervenant. Actuellement, le commerce de gros paie l'amande entre 7 et 9 € aux producteurs. Auprès des artisans, le prix est de 10 à 15 € mais ce débouché exige « un travail commercial important » de la part du producteur. Benoît Chauvin-Buthaud estime le contexte favorable pour se diversifier dans l'amande, la demande est forte. Néanmoins, il se plante énormément d'amandiers dans le monde, « les cours ne peuvent rester aussi hauts ». Prudent, le conseiller recommande de prendre une marge de sécurité. Mieux vaut s'engager dans un partenariat pour s'assurer d'un débouché sur le moyen terme, une démarche de différenciation pour valoriser le produit... Il a cité la Compagnie des amandes, qui cherche à relancer la filière en France via un partenariat avec un financement des plantations et des frais jusqu'à l'entrée en production. « Une proposition adaptée aux producteurs, notamment jeunes agriculteurs, voulant sécuriser leur revenu sans avoir à investir. » Autre structure : Sud Amandes (Garons, Gard), la seule coopérative dédiée à ce produit en France. Le conseiller a aussi signalé que la chambre d'agriculture de la Drôme propose des formations sur l'amande, sa culture et des études de faisabilité technique personnalisées pour les projets de plantation.

Annie Laurie

Les présentations de cette journée sont disponibles sur le site internet de Fruits Plus (www.fruitsplus.net).

 

Le regard d'acteurs de l'aval

De gauche à droite, Eric Peloux (société Frutas Sanchez), Eric Bassaget (Métro) et Marc-Henri Blarel (consultant).
A la rencontre consacrée aux diversifications en arboriculture, Marc-Henri Blarel, consultant en marketing fruits et légumes, a entre autres mis en avant des conditions lui paraissant nécessaires pour se démarquer en grenade, figue, amande, noisette... françaises. Comme l'identification du produit (si l'on n'est pas en circuit court), la maîtrise de la qualité et de l'offre...
« Nos clients n'aiment pas avoir des ruptures de produits », a observé à son tour Eric Bassaget, acheteur en fruits et légumes chez Métro. Parmi les espèces qui auraient un intérêt pour ce grossiste servant des professionnels (commerces, restaurants, hôtels, cafés...) : des raisins sans pépins et qualitatifs, la figue (« on en manque »), la noisette (« on en vend de plus en plus »), le kaki (« pourquoi pas »), la grenade (surtout vendue sur la région parisienne et une demande pour des fruits découpés)...
Pour des diversifications dans ces espèces, Eric Peloux, PDG de la société Frutas Sanchez (installée sur le marché de gros de Lyon-Corbas), a notamment dit à l'adresse des arboriculteurs : « Selon moi, vous devez identifier vos cibles, mettre en place des signes officiels de qualité, penser à communiquer sur le produit et le terroir, faire découvrir et déguster les produits... » Il a pris l'exemple du kaki et de la grenade, que « le consommateur ne sait pas toujours comment manger. Il faut lui apprendre ». Et de signaler que son entreprise venait d'ouvrir un atelier de « fraîche découpe ».