Accès au contenu
Débat

Assises de l’alimentation : davantage de local dans l’assiette

La tenue des premières Assises de l’alimentation en Drôme a permis de tracer des pistes pour répondre à trois grands enjeux que sont la relocalisation des productions, l’emploi et l’accessibilité à une alimentation de qualité pour tous.

Par Christophe Ledoux
 Assises de l’alimentation : davantage de local dans l’assiette
A travers sa démarche de projet alimentaire territorial (PAT), le Département de la Drôme souhaite favoriser l'accès de tous les Drômois à une alimentation durable et de qualité.

A travers sa démarche de projet alimentaire territorial (PAT), le Département de la Drôme souhaite favoriser l'accès de tous ses habitants à une alimentation durable et de qualité. Cela implique, entre autres, de s'interroger sur les besoins de la restauration collective en termes de volumes et la capacité de l'offre locale à y répondre. Mais aussi de réfléchir sur l'amont de la chaîne, notamment la structuration des filières locales, l'accompagnement des pratiques agricoles, l'organisation de la logistique, l’emploi… Pour avancer dans l’élaboration de ce PAT, le conseil départemental, la chambre d’agriculture et la préfecture de la Drôme ont organisé, le 10 décembre par web conférence, les Assises de l’alimentation. Une première pour débattre de la question des enjeux alimentaires sur le territoire drômois.

Marie-Pierre Mouton (présidente du Département de la Drôme), Jean-Pierre Royannez (président de la chambre d’agriculture) et Hugues Moutouh (préfet) ont lancé par web conférence les premières Assises de l’alimentation.

« Construire une ambition alimentaire »

« Le Département a à cœur de soutenir les entrepreneurs locaux, de la terre à l’assiette, a expliqué Marie-Pierre Mouton, présidente du conseil départemental. L’objet de ces Assises est de construire une ambition alimentaire pour la Drôme. » Le président de la chambre d’agriculture, Jean-Pierre Royannez, a mis l’accent sur le poids économique, social et territorial de l’agriculture et de l’agroalimentaire drômois. « Notre objectif est de permettre au plus grand nombre de Drômois d’avoir accès à une nourriture de qualité produite localement », a-t-il indiqué. Le préfet Hugues Moutouh, lui, a rappelé que les PAT (issus de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014) ont pour principe de relocaliser agriculture et alimentation sur les territoires. « En Drôme, 30 % des exploitations commercialisent déjà au moins un produit en circuit court, a-t-il fait remarquer. Il faut donner envie de consommer local. »

Emploi, accessibilité, relocalisation

« La crise de la Covid-19 a mis en lumière l’importance des emplois pour maintenir la chaîne alimentaire, que ce soit dans la production, la logistique, la transformation et la distribution », a expliqué Damien Conaré, secrétaire de la chaire Unesco alimentations du monde et grand témoin de ces premières Assises de l’alimentation.

La crise sanitaire de la Covid-19 a accentué, entre autres, l’importance d’une certaine souveraineté alimentaire. De plus, lors du premier confinement, l’alimentation est devenue une préoccupation centrale chez la plupart des gens. « Mais cette crise a aussi mis en lumière l’importance des emplois pour maintenir la chaîne alimentaire, que ce soit dans la production, la logistique, la transformation et la distribution », a expliqué Damien Conaré, secrétaire de la chaire Unesco alimentations du monde (Montpellier Sup Agro) et grand témoin de ces premières assises. A l’enjeu de l’emploi, s’ajoute celui de l’accessibilité car « la crise a révélé des précarités et une forte hausse des demandes d’aide alimentaire », a-t-il noté. Enfin, en matière de relocalisation, autre enjeu, il constate que « tout n’est pas relocalisable ou transposable, à l’instar des appellations (AOP). De plus, le local n’est pas forcément vertueux par nature. » Cela doit se prouver grâce, par exemple, à des formes de labellisation, d’engagement, de groupements… (lire ci-dessous).

Lever des freins

« Pour relocaliser, il faut du temps, de la motivation et de la persévérance », a confié Antoine Couturier, chargé de projets à Solagro et responsable d’une étude sur la structuration de l’approvisionnement local en Drôme.

Renforcer l’offre de produits locaux nécessite de lever des freins. Antoine Couturier, chargé de projets à Solagro et responsable d’une étude sur la structuration de l’approvisionnement local en Drôme, en a identifié plusieurs. « Le système agroalimentaire français est organisé en filière longue. La logistique est donc optimisée. En circuit court, celle-ci peut être jusqu’à vingt fois plus élevée », a-t-il souligné. Il note que le marché alimentaire drômois est « mis à mal » par des produits provenant de pays ayant des coûts de production moins élevés. « Pour relocaliser, il faut du temps, de la motivation et de la persévérance », a-t-il complété en évoquant l’importance du facteur humain. 

Son étude révèle un fort développement de la vente directe et des circuits courts en Drôme, le double des moyennes régionales et nationales. Il note aussi que l’offre locale continue de se développer, c’est-à-dire que des consommateurs cherchent encore des opportunités pour consommer en circuit court. A l’inverse, des représentants de magasins de la grande distribution constatent que les produits locaux mis en rayon ne trouvent pas forcément preneurs. A noter encore, la consommation de produits bio locaux, réputés plus onéreux, est élevée en Drôme alors que, selon l’Insee, les revenus fiscaux de référence de ce département sont plus bas que les moyennes régionale et nationale.

Trouver la bonne échelle

Sur le plan stratégique, « les opérateurs privés expriment une motivation pour tester des choses nouvelles », a indiqué Antoine Couturier. Ressort aussi le besoin d’évaluer l’efficacité de l’action publique afin de trouver la bonne échelle pour agir : intercommunale, départementale, supra-départementale (Drôme-Ardèche…) ? Enfin, « mieux vaut relocaliser ce qui existe déjà plutôt que de développer de nouvelles filières, et travailler avec l’écosystème existant », préconise l’étude.

Lors du premier confinement, l’alimentation est devenue une préoccupation centrale chez la plupart des gens. © Pixabay

Le défi d’une alimentation de qualité et de proximité accessible à tous les Drômois « nécessite de structurer l’approvisionnement local au travers d’outils de transformation et de commercialisation, a estimé Damien Colin, directeur général de la chambre d’agriculture de la Drôme. Il faut agir au-delà de l’échelle infra-départementale et collectivement en associant les territoires, le monde économique, l’amont et l’aval de la production... » En conclusion, Véronique Pugeat, vice-présidente du Département de la Drôme en charge de l’éducation, s’est félicitée de la « volonté commune d’avancer sur le projet alimentaire territorial, en levant les freins, en accompagnant les agriculteurs et les filières vers un savoir-faire 100 % drômois, en transformant le consommateur en “consom’acteur” de son territoire».

Christophe Ledoux

A lire sur ce même thème notre dossier « Relocaliser la production agricole » publié le 13 février 2020

Témoignages : des projets « inspirants »

Label Ecocert en cuisine

Créé en 2013, le cahier des charges du label Ecocert « En cuisine » garantit dans les restaurants collectifs contrôlés (scolaires, administration, établissements de santé, Ehpad…) l'utilisation de produits biologiques et locaux, la qualité et l'équilibre nutritionnel des menus, la gestion environnementale du site (lutte contre le gaspillage, gestion des déchets). Les restaurants des 30 collèges drômois sont labellisés.

Agri Court

Agri Court valorise les productions locales et leur transformation. Basée à Eurre, l’association s’attache à fournir des produits de qualité à un prix juste pour les producteurs et les consommateurs. Elle compte dans ses adhérents toutes les parties prenantes de la distribution (producteurs, professionnels de la restauration, citoyens) ainsi que les collectivités et les partenaires techniques territoriaux.

Les jardins de Solène

Entreprise sociale et solidaire créée en 2017 dans le Vaucluse, Les jardins de Solène achètent des fruits et légumes déclassés chez des producteurs locaux. Travaillés au sein de sa légumerie pour devenir des produits « prêts à cuisiner » ou à « consommer », ils sont commercialisés auprès d’hôpitaux, d’écoles… A ce jour, plus de 50 tonnes de produits ont pu être valorisés.

Association Vrac

Créée à Lyon en 2013, l’association Vrac (acronyme pour Vers un Réseau d’Achat en Commun) a pour objectif de rendre accessible les produits locaux bio dans les quartiers populaires. A ce jour, une quinzaine de groupements d’achat sont constitués (à Lyon, Bordeaux, Toulouse, Strasbourg, et Paris) afin de grouper les commandes, réduire les intermédiaires et favoriser les circuits courts. Vrac dispose d’une centaine de références produits, essentiellement secs.

Marque Is(h)ere

Issue d’une démarche lancée en 2016 par le Pôle agroalimentaire de l’Isère, la marque Is(h)ere garantit la provenance territoriale (produits bruts cultivés ou élevés en Isère, produits transformés à base de produits isérois en majorité), la qualité (production raisonnée et prochainement HVE) et une juste rémunération des agriculteurs (à l’instar de la marque « C’est qui le patron ?! »). A ce jour, un millier de références sont proposées par plus d’une centaine de producteurs.

En direct de nos fermes

Portée par la chambre d’agriculture du Vaucluse, l’association « En direct de nos fermes » fédère et accompagne, entre autres, 22 producteurs dans la mise en place de deux distributeurs automatiques : l’un sur la technopole d’Agroparc (Avignon) avec 105 casiers, l’autre sur l’aire d’autoroute A7 de Morières avec 48 casiers. La marge est répartie ainsi : 80 % pour les producteurs et 20 % pour le fonctionnement (plateforme de regroupement, salarié chargé de remplir les casiers une à deux fois par jour…).